Cette semaine nous sommes encore une fois convoqués à des hommages ; à des écrivains par un éditeur, à un écrivain par un confrère, au roman policier par une historienne du genre, aux écrivaines scandinaves par la critique féminine unanime et à Frantz Fanon par son biographe. C’est sûr cette fois, l’actualité s’éloigne.
Teaser Audio de la semaine
Les Unes
Perec est de moins en moins mort. Figure tutélaire de l’Oulipo, Perec porte désormais et grâce à l’initiative de Thierry Bodin-Hullin éditeur, une collection de 53 titres de 53 pages chacun (on aura reconnu la nécessaire contrainte d’écriture). Quatre volumes viennent de l’inaugurer, et même si le projet repose sur des bases solides pour ce qui concerne les participants, il n’est pas fermé aux propositions. « Je suis persuadé que c’est réalisable. L’enjeu est dans le cheminement. Quelque chose se construit de très excitant, un monde singulier à travers une contrainte. » Si Perec, auteur, fait partie de la vie de son éditeur, il lui sert aussi de tremplin pour inventer des livres toujours nouveaux, comme celui qui s’offre après l’absence de réponse à l’offre de collaboration d’Annie Ernaux « Je dis que du coup j’allais chercher quelqu’un pour écrire Annie Ernaux lectrice de Georges Perec. » L’édition est parfois un jeu.
Monsieur 100 000 révoltes titre LibéJ à propos du livre que consacre Adam Schatz à la vie de Franz Fanon. L’article que lui réserve Philippe Lançon dans le LibéJ souligne les multiples visages et la valeur de la biographie qui font remonter quelques-uns des caractères de Fanon ; il rappelle quel psychiatre il fut, son engagement contre la guerre d’Algérie et comment il entra en contact, on pourrait presque dire en collision avec les intellectuels dont Jean-Paul Sartre. Une formule est relevée : « la dimension impossible de l’existence de Fanon, écrit Schatz, n’a pas été seulement sa tragédie. Elle constitue aussi sa gloire. » A lire dans l’Huma, la chronique de Cynthia Fleury qui rappelle qu’on a mis Fanon à toutes les sauces sans se soucier de sa personnalité : « ancien psychiatre très éloigné d’un militant prêt à justifier la barbarie ».
« Roman sépia voire daguerréotypé » nous dit Antoine Perraud en une de La Croix à propos du récit d’Eric Laurrent A l’œuvre ; la preuve, « la vie contadine suit son cours, emplie de lampes à pétrole, d’objets en cuivre, en étain, en faïence ; parfois le vapeur de La Bouille vient à passer. » L’entreprise d’Eric Laurrent réveille la vocation pasticheuse du critique qui reproche quelques cuistreries de vocabulaire à l’auteur, avant de souligner le caractère achevé de son œuvre qui cherche à saisir le Flaubert de la création de Madame Bovary : « Tout l’intérêt du livre repose sur la tension flaubertienne permanente entre le créateur de ce personnage qui lui échappe volontairement de manière à nous en faire l’offrande sublime et la lourdeur machiste du colosse Gustave. »
Cette semaine le Figaro littéraire est fasciné par les autrices scandinaves qui, il faut bien le dire, ont tendance à dominer la rentrée de ce mois de janvier. Même s’il s’agit en grande partie de récits autobiographiques, les textes présentés relèvent de la littérature. L’équipe féminine du Figlitt s’y est collée, Develey, Spaak, Dargent et Caracalla ; si elles font la part belle à ces autrices « des profondeurs », en insistant sur le lien aux souvenirs et à la vie avant l’exotisme du grand nord, Alice Develey émet de grosses réserves sur le soufflé qui retombe de Jacobsen – pour reprendre sa principale métaphore. Traitement à part pour Solvje Balle en dernière page, puisque celle-ci occupe toutes l’espace critique de la quinzaine avec sa journée qui recommence éternellement.
Et voici Jean-Paul Dubois en une de l’Huma, qui, comme souvent, partage le goût de La Croix. Cette histoire de « parricide » qui tire deux balles dans la tête de son père déjà mort intéresse Sophie Joubert. L’échange avec un psy larmoyant, après avoir été condamné à suivre des séances de soin est peut-être en relation avec le titre L’Origine des larmes. Sophie Joubert relève l’omniprésence de la pluie qui contribue fortement à l’atmosphère du roman : « Rarement l’auteur aura autant lâché la bride à son pessimisme, à peine atténué par un humour désespéré que dans ce livre placé sous l’égide du film Blade Runner » On retrouve d’autres opinions dans le pêle-mêle.
Une et dossier divergent cette semaine dans Le Monde des Livres. Paul Ricoeur d’un côté, le polar de l’autre. Concentrons-nous sur le polar. En partant de l’ouvrage que Natacha Levet développe autour du roman noir en France, Denis Cosnard convoque quelques-uns des titres de la rentrée. Il commence par souligner l’efficacité de la recherche de Natacha Levet, qui va des origines Léo Mallet, Auguste Le Breton, jusqu’au polar contemporain façon Fred Vargas en passant par Manchette et Jonquet. Il relève l’évolution vers toujours plus de noirceur et d’amertume et, malgré un développement constant, la place encore limitée des femmes. Pour les titres, voir notre tableau.
Dans le pêle-mêle et rencontres
Le pêle-mêle confirme les unes de la semaine, article sur Jean-Paul Dubois ; Denis Cosnard souligne ses constantes, dans le Monde des Livres : « Une fois de plus le narrateur se prénomme Paul, il est né à Toulouse comme lui aussi à trente ans d’écart exactement. Une fois encore l’affection du héros se reporte sur un chien, et toute une ménagerie traverse le livre. » Etienne de Montety complète dans sa chronique « Lit-on un roman tragique ou, au contraire furieusement comique ? On se le demande encore devant tant de péripéties. » Les robinsonnades de Jules Verne qui constituent l’essentiel du nouveau tome que la « Pléiade » lui consacre sont soulignées cette semaine par Jean-Didier Wagneur dans LibéS : « Jules Verne n’a cessé d’explorer des îles (…) Car Verne joue avec ses îles comme un oulipien avec les règles du récit. Il ne bouleverse pas l’histoire, à la structure et aux invariants de tels récits. »
On rencontre Semezdin Mehemedinovic en dernière page du MDL ; il publie un recueil de poèmes écrits pendant le siège de Sarajevo « courtes méditations en vers libres ou poèmes en prose portant sur des choses vues et d’autres qu’on aimerait ne plus jamais revoir. » Le portrait de Florence Noiville est assez beau.
A la semaine prochaine
Index des articles parus dans la presse de cette semaine (cliquer pour télécharger)
L’humanité | |||
Titre | Auteur | Editeur | N° Page |
L’origine des larmes | Jean-Paul Dubois | l’Olivier | 16&17 |
La collection Perec 53 | Bens, Perec & Bodin-Hullin | L’Œil Ebloui | 17 |
Vu d’un cercle | Michel Jullien | Verdier | 18 |
Cartographie d’un feu | Nathalie Démoulin | Denoël | 18 |
Féroce | Benoît Vincent | Bakélite | 18 |
Penser l’alternative | Cayla, Legé & Ramaux | Fayard | 19 |
Les contestations | Dominique Rousseau | Belopolie | 20 |
La liberté dans le sang | Günes et Girard | Marabulles BD | 20 |
Chronique du syndicat CGT de l’enseignement privé | Guillochon, Châtel & Joubier | SNPEFP-CGT | 20 |
Davis | Najate Zouggari | Les Pérégrines | 20 |
Franz Fanon, une vie en révolutions | Adam Schatz | La Découverte | 20 |
Turbulences européennes | La Pensée n°417 | eds Fondation Gabriel-Péri | 20 |
Libération | |||
Titre | Auteur | Editeur | N° Page |
SAMEDI | |||
Collection Perec 53 vol. 1 à 4 | Bens, Bon, Yokna & Bodin-Hullin | L’Œil Ebloui | 34 & 35 |
L’école des Robinsons et autres romans | Jules Verne | « La Pléiade » | 36 |
Ici commence un amour | Simon Johannin | Alia | 36 |
Le goût de la trahison | Stéphane Chaillou | Notabilia | 37 |
Quelque chose de brillant avec des trous | Maggie Nelson | Eds Sous-sol | 38 |
Cold case | Alexandre Labruffe | Verticales | 39 |
Le goût du bonheur | Sophie Avon | Mercure de France | 39 |
Solal ou la chute des corps | Louis Vendel | Seuil | 39 |
Fuck la mort | Stéphane Pajot | Locus Solus | 39 |
Ce qui est pour toi la rivière ne l’emporte pas | Viktor Lazlo | Robert Laffont | 39 |
La Clairière | Melinda Moustakis | Gallmeister | 39 |
De mes nouvelles | Colombe Boncenne | Zoé | 39 |
Dieu est-il barbu? 33 idées reçues sur Dieu et les religions | Stéphane Encel | Cerf | 39 |
Le cycle de MarsT1 | Edgar Rice Burroughs | Hoëbeke | 40 |
Les Rubâtyât | Omar Khayyâm | Sehers | 41 |
Fantastique histoire d’amour | Sophie Divry | La Seuil | 41 |
JEUDI | |||
Franz Fanon, une vie en révolutions | Adam Schatz | La Découverte | 22 & 23 |
Aliénés, une histoire sociale de la folie au XIX siècle | Anatole Le Bras | CNRS Eds | 24 |
Enver Hoxha | Bertrand Le Gendre | Flammarion | 25 |
Le Figaro | |||
Titre | Auteur | Editeur | N° Page |
L’origine des larmes | Jean-Paul Dubois | l’Olivier | 1 |
Fille 1983 | Linn Ullmann | Christian Bourgois | 2 |
Voyages sans bagages | Tove Jansson | La Peuplade | 2 |
Métamorphosées | Siri Ranva Hjelm Jacobsen | Grasset | 2 |
Le plus petit dénominateur commun | Pirkko Saisio | Robert Laffont | 3 |
Jeunesse-la trilogie de Copenhague II | Tove Diletvsen | Globe | 3 |
Un geste vers le bas | Bartabas | Gallimard | 4 |
Cold case | Alexandre Labruffe | Verticales | 4 |
Matériau maman | Paloma Hermina Hidalgo | Eds de Corlevour | 4 |
On m’appelle Demon Copperhead | Barbara Kingsolver | Albin Michel | 5 |
Les Oracles | Margaret Kennedy | Quai Voltaire | 5 |
Point de rupture | Kevin Powers | Stock | 5 |
La chute de Robespierre | Colin Jones | Fayard | 6 |
Il n’y a pas eu de révolution | Catherine Malabou | Rivages | 6 |
La grande conspiration de l’an XII | Jean-Claude Demory | Nouveau Monde éds | 6 |
Les crayons | Frédéric Bihel | Futuropolis BD | 7 |
La reine jaune | Joseph Macé-Scaron | Les Presses de la cité | 7 |
Ma plus-que-reine | Bernard Chambaz | Eds Points | 7 |
Une demande folle | Léa Chauvel-Lévy | JC Lattès | 7 |
Le volume du temps | Solvej Balle | Grasset | 8 |
La Croix | |||
Titre | Auteur | Editeur | N° Page |
A l’œuvre | Eric Laurrent | Flammarion | 21 |
Le Raspail vert | Michel Braudeau | Stock | 22 |
La part sauvage | Erwan Desplanques | l’Olivier | 22 |
La Route BD | Manu Larcenet | Dargaud | 23 |
Des juifs trahis par leur France. 1939-1944 | Annette Becker | Gallimard | 24 |
Pas sérieux s’abstenir | Claire-Lise Gaillard | CNRS Eds | 24 |
Viens à moi. Le désert est un immense appel | François & Pitaud | Nouvelle Cité | 25 |
Il y avait un jardin | Choplin, Ducrocq & Noblécourt | Salvator | 25 |
Prêtres à l’école du lavement des pieds | Mgr Eychenne | Salvator | 25 |
Entre le monde et moi | Ta-Nehisi Coates | Autrement | 26 |
Le Monde | |||
Titre | Auteur | Editeur | N° Page |
L’Imagination | Paul Ricoeur | Seuil « Bibliothèque Ricoeur » | 1 |
Les doigts coupés | Hannelore Cayre | Métailié « Noir » | 2 |
Eden. L’affaire Rockwell | Christophe Penalan | Viviane Hamy « Chemins nocturnes » | 2 |
Apre monde | Franck Bouysse | Phébus | 2 |
Le roman noir. Une histoire française | Natacha Levet | PUF | 3 |
Furie caraïbe | Stéphane Pair | 10 18 | 3 |
L’origine des larmes | Jean-Paul Dubois | l’Olivier | 4 |
La pouponnière d’Himmler | Caroline de Mulder | Gallimard | 4 |
Rose museau | Jean-Pierre Ancèle | Fugues | 4 |
La langue des choses cachées | Cécile Coulon | L’Iconoclaste | 4 |
Jeunesse-la trilogie de Copenhague II | Tove Diletvsen | Globe | 5 |
Terre noire | Rita Carelli | Métailié | 5 |
Point de rupture | Kevin Powers | Stock | 5 |
A pleine dents | Kristen Arnett | Rue Fromentin | 5 |
L’homme qui vivait sous la terre | Richard Wright | Christian Bourgois | 6 |
Une rue à Moscou | Mikhaïl Ossorguine | Noir sur Blanc | 6 |
Insula | Caroline Caugant | Seuil | 6 |
Mon oncle d’Australie | François Garde | Grasset | 6 |
Hussardes noires : des enseignantes à l’avant-garde des luttes | Mélanie Fabre | Agone « Mémoires sociales » | 7 |
Mémoires. Année 1715 | Saint-Simon | Livre de poche | 8 |
La mort et ses au-delà | Maurice Gaudelier (dir) | Biblis | 8 |
Les derniers jours des rois | Patrice Guniffey (dir) | Tempus | 8 |
Chino fait poète | Christian Prigent | P.O.L | 8 |
Mécanique des foules | Elena Bono | Armand Colin | 8 |
Les âmes tièdes. Le Vatican face à la shoah | Nina Valbousquet | La Découverte | 9 |
Le sport. Récit des premiers temps | Jean-Manuel Roubineau | PUF | 9 |
L’or et l’arsenic. Histoire orale d’une vallée minière | Nicolas Rouillé | Anacharsis | 9 |
Serge Moscovici et la nature du mouvement écologiste | Floran Augagneur | PUF | 9 |
Le Moment régulateur. Naissance d’une contre-culture de gouvernement | Antoine Vauchez (dir) | Sciences Po Les Presses | 9 |
L’amour paradoxal ou une promesse de séparation | Radmila Zygouris | Les Crépuscules | 9 |
Sarajevo Blues | Semezdin Mehemedinovic | Le Bruit du Monde | 10 |