En deux semaines, LibéS fait la part belle à deux autrices que quelques thèmes semblent rapprocher. Aussi bien Goliarda Sapienza qu’Adelheid Duvanel sont des autrices à part, n’ayant pas vraiment connu le succès de leur vivant et porteuses cependant d’une œuvre marquante pour qui s’y risque. Deux femmes qui ne choisissent pas le même point de vue ; la première utilise le je pour raconter sa vie, viol incestueux, internement psychiatrique et prison pour un vol dérisoire ; la seconde, plus effacée, est également internée régulièrement, voit sa fille mourir du sida et produit des nouvelles déconcertantes, avec, nous dit Mathieu Lindon, une pointe de Kafka mais aussi du Robert Walser.

La première ne verra pas son livre publié de son vivant malgré tous ses efforts, la seconde publie mais retombe assez vite dans l’oubli et pourtant chacune de ces écritures est originale. « Il n’y a pas à proprement parler de fantastique dans les textes d’Adelheid Duvanel nous dit Mathieu Lindon, il s’agit plutôt d’une sorte d’anthropomorphisme inabouti. Les personnages humains ont du mal à atteindre l’humanité, tandis que le vent, le soleil, des animaux, quelques objets semblent prendre cette route plus commodément. »

Notons enfin que leur actualité repose sur le travail absolument dévoué de leurs traductrices, car si Goliarda fait la une, c’est grâce à sa biographie rédigée par Nathalie Castagné et pour Adelheid à l’entêtement désintéressé et durable de Catherine Fagnot.

Pour le Monde des Livres, l’autrice de la semaine est Deborah Levy. Un peu à la manière de Paul Auster cette écrivaine anglaise est devenue en quelques années la coqueluche du public français. Sa trilogie autobiographique dans laquelle elle affichait son style et sa méthode, et notamment sa façon de s’enfermer dans une cabane au fond d’un jardin et de se mettre à produire, ont rencontré l’intérêt d’un public toujours friand de connaître des « recettes » d’écriture : « cette triade existentielle et matérielle, nous dit Raphaëlle Leyris, qui a renouvelé le genre de l’autofiction. » C’est pourquoi nous nous trouvons cette fois en présence d’un roman publié en 2016, récit d’un séjour d’une mère et sa fille ; « en matière de rebondissement spectaculaire pas grand-chose. » la fille se baigne et est piquée par des méduses : « Elle observe le monde autour d’elle avec un recul d’anthropologue qui lui donne souvent perspicacité et humour. » L’écriture, comme toujours, semble être au centre du roman de Deborah Levy.

Le Figaro littéraire choisit d’aborder une thématique vacancière avec un dossier consacré au roman historique. Pas le « roman historien » qui interroge les thèmes de la société contemporaine, non, le bon vieux roman historique qui convoque paysages et civilisations exotiques, personnages grandioses de l’Histoire de France : en l’occurrence Japon du XIXe siècle, Catherine de Médicis et Napoléon, voire ses officiers, qui se veulent princes. Beaucoup de guerriers, du sabre occidental à celui des samouraïs et, bien entendu, des personnages féminins typiques des récits d’aventure.

La Croix lui emboîte le pas avec sa une consacrée à Françoise Chandernagor, de retour dans sa Creuse natale car « d’ici on ne part que pour revenir », comme le relève Christophe Henning dans son article. Ce sont ses mémoires, assez loin de ceux qu’on aurait pu attendre, par exemple la réussite d’une femme « major à la sortie de l’ENA et femme de lettres.» Françoise Chandernagor préfère se situer sur le terrain du retour aux sources une fois le devoir accompli, à l’image des ouvriers partis construire le Paris haussmannien, qui « reviennent à la morte-saison, car « d’ici on ne part que pour revenir. » » Elle fait donc confiance à la Creuse pour maturer ses œuvres. : « c’est choisir la lenteur, le silence, la profondeur, peut-être la sérénité, sûrement pas la facilité. »

A la semaine prochaine.

Index des articles parus dans la presse de cette semaine (cliquer pour télécharger)