Chronique 8 – du 2 au 8 mars 2024

Les Unes

L’Huma rend hommage à la semaine de la poésie c’est pourquoi il n’y a pas de visage en une, mais plusieurs couvertures de recueils poétiques. L’édito de Muriel Steinmetz revient sur les débats qui ont agité l’organisation même de l’évènement, avec d’un côté la figure honnie de Sylvain Tesson, de l’autre la volonté des poètes de reprendre le contrôle de la manifestation annuelle. Quoi qu’il en soit, on découvre des recueils autour de l’engagement, comme celui de B.U Mairesse échappée de peu au génocide Rwandais et qui remonte aux racines du mal ou Tarik Hamdan, poète palestinien qui fait de la question du lieu un centre de son œuvre en soulignant son aspect dérisoire vue depuis les ères géologiques.

Résistance aussi pour Khadam Kanjar confronté à la mort concrète et quotidienne en Irak Diane di Prima et ses feuillets de résistance aux USA, jusqu’à Pascale Ruffel qui imagine la langue du combat des sans-terre au Guatemala.

Michel Ragon est un personnage comme l’on n’en trouve plus guère dans le monde des lettres françaises. A la fois critique d’art abstrait, historien de l’architecture et auteur de livres assez populaires, nous dit Claire Devarrieux qui le célèbre le centième anniversaire de sa naissance dans LibéJ. Elle parvient à en saisir l’essentiel ; l’importance de l’écrit dans son développement d’autodidacte, une vie marquée par sa fascination pour l’art et des origines vendéennes. Un auteur qui vit à l’avant-garde ce qui le conduit, finalement, à se réconcilier avec ses origines. Elle recommande notamment la lecture du numéro que lui consacre la revue303 « magnifiquement illustrée, dont les articles rassemblent les pièces du puzzle. »

Hommage à un auteur, vivant cette fois, en une de Livres et Idées. Hommage de son éditeur qui a décidé de publier l’intégrale d’une quinzaine de romans passés jusque-là inaperçus en dépit de leur forme incandescente nous dit Jean-Claude Raspiengeas. Hommage à la réussite commerciale d’un auteur couronné par le prix Inter ? Pas seulement : « Il ne sera plus possible d’envisager la question coloniale sans le tranchant de son regard et la brutalité de ses descriptions » ni de ses portraits de coloniaux qui semblent hors-norme, outranciers, et qui sont en fait archétypaux. Comme ce héros de Moi, le glorieux, un « Tartarin, insultes à la bouche, cravache à al main et sabre au clair »

« Ce sont ces gens qui ont maintenu ton talent en vie quand tu souhaitais le voir sombrer dans les ténèbres », Francis Scott Fitzgerald écrit à sa femme, Zelda, internée mais qui parvient à vendre des toiles. Laquelle « est toujours là pour le soutenir de ses lettres » en retour nous dit Mathieu Lindon. Elle lui écrit de l’hôpital : « Je veux que tu sois heureux – s’il y avait une justice tu le serais- et tu le seras peut-être qu’il arrive. » Ils correspondent même lorsqu’ils vivent à distance l’un de l’autre. Mathieu Lindon (comme à son habitude) cite abondamment le texte et prouve par là même la constance de leurs sentiments faits d’amour et de crise. C’est peut-être grâce à la constance de ce lien que Scottie, leur fille sera épargnée par les dangers de ce milieu. Lucidité de Scott : « La roue a commencé à tourner bien trop tôt pour nous. »

La semaine dernière, Eric Neuhoff concluait son article consacré à Paul Auster par ses mots « La vieillesse gagne du terrain. Il n’est pas sûr qu’il s’agisse seulement de celle du héros. So long, Paul Auster. Qu’est-ce qu’on aura pu l’aimer. » Le héros du livre éponyme Baumgartner tente de résister à la vieillesse mais sent confusément qu’il s’enfonce, nous dit en substance Denis Cosnard du Monde des livres cette semaine ; mais, « La langue d’Auster épouse avec fluidité les méandres, les zigzags et les éclairs de pensée de son personnage. » Résultat, là où Neuhoff voit un récit « sans une once d’humour, sans un gramme d’énergie », le critique du Monde retrouve l’écrivain : « Il ne faut pas dix lignes pour que tout se mette en mouvement » Le tout forme, pour lui, un récit subtil et « bienfaisant ».

Le Figaro littéraire rassemble quatre œuvres autour de « l’ombre du nazisme » toujours en cette rentrée. Une BD de Grégoire Carle et un roman de Caroline de Mulder s’appuyant sur une documentation solide pour évoquer le sort des « malgré nous » et des Lebensborn ; deux univers dans lesquels on tente de fabriquer du même parfait, aryen, racial ou idéologique à coup de sélection et d’assimilation qui, avec le recul, paraissent délirants. Quant à Lionel Duroy et Régis Jauffret, ils fictionnalisent à partir d’éléments réels, les destins de Von Paulus et de Klara Hitler, enceinte des œuvres de son oncle maternel et mère incestueuse de Hitler. Les deux auteurs essaient de montrer chacun à leur manière que leurs personnages sont à la fois captifs de leurs choix et libres de certaines de leurs orientations.

Dans le pêle-mêle

On pouvait rencontrer Sylvain Tesson dans le Figlitt de cette semaine qui – sans appuyer sur la polémique -il dit son amour de la poésie, exprime la nécessité d’être un passeur : « Oui, dit-il, et c’est merveilleux (…) A vrai dire, j’accepte tout ce qui peut me permettre de contribuer très légèrement à une grâce qui m’a été faite dans mon enfance où un jour de bonnes fées ont mis un livre dans mes mains. » Tandis que Dalibor Frioux ferme le cahier livre du MDL « militant écologique, amateur de théâtre, philosophe de formation » ancien de Terra Nova et plume politique il écrit également des romans inspirés par les sciences et leur rapport à une certaine forme de mystique.

Quatre-vingt-dix-sept titres ont fait l’objet d’un article dans la presse cette semaine.

Index des articles parus dans la presse de cette semaine (cliquer pour télécharger)