LES UNES

On est tenté de résumer le livre d’Uwe Wittsock à travers une liste de noms. Il s’agit en fait d’une liste de destins, ceux des écrivains allemands et autrichiens essentiellement, hésitant – ou non – à quitter l’Allemagne à la veille de la Seconde guerre mondiale. On suit ainsi les hésitations des Mann, Brecht, Graf, Döblin mais pas Remarque qui a organisé son repli stratégique en Suisse depuis longtemps déjà. Les nationalistes brûlent leurs ouvrages mais certains veulent encore croire à la possible éviction d’Hitler, par les urnes ou par Hindenbourg. Le basculement s’effectue cependant, et les voici bientôt jetés sur les chemins de l’exil dans lequel beaucoup ne retrouveront jamais une place ni une existence satisfaisante nous dit Frédéric Fanchette dans le LibéL de ce jeudi.

L’édition du LibéL samedi précédent semblait annoncer le thème puisqu’il s’ouvrait sur la correspondance des Zweig, ou, plus exactement entre Stefan et sa nouvelle femme Lotte. Celle qui fut sa « fidèle » secrétaire et avec laquelle il fuira l’Europe avant de fuir, toujours avec elle, la vie, se marie avec le grand homme en 1939. Un monde s’ouvre, une porte sur la biographie de Zweig qui va des obsèques de Freud à une cure à Marienbad en passant par les rencontres avec Joseph Roth, Heinrich Mann, « Girodou » comme le relève, amusé, Mathieu Lindon, mais aussi Toscani, Alban Berg et…Walt Disney. Un témoignage de plus dans la biographie de cet auteur dont la présence contemporaine devient de plus en plus icönique.

Le Figaro littéraire fête quant à lui la mort de Staline par la voix de Jacques de Saint-Victor. Entendons par là qu’il s’en réjouit et qu’il prend plaisir à souligner : « Il est, avouons-le, facile d’ironiser aujourd’hui sur ces expressions affligeantes voire déshonorantes, d’une vénération quasi religieuse pour un des pires tyrans du XXe siècle, sadique et cruel. » Pure prétérition puisque son article reprend l’essentiel de ses attitudes au mieux, naïves, au pire, totalement aveugles ; le dossier s’orne d’une reproduction de la une de l’Huma du 6 mars 1953. Le reste du dossier tourne autour de Stalingrad, des maréchaux et du goulag. Une surprise néanmoins, le volume que Dominique Fernandez consacre à la littérature soviétique. Ce « continent à découvrir » comme le souligne Sébastien Lapaque en reprenant le titre de l’œuvre doit, avant tout à l’érudition de l’auteur qui « se révèle d’une éblouissante érudition quand il s’agit d’arracher leur œuvre à l’oubli. »

Après Daniel Pennac qui le suggérait de lui-même pour sa série des Malaussène, voici un autre Zola. « L’éditeur des romans noirs de Tristan Saule le revendique du côté des Rougon-Macquart nous dit Michaëlle Petit dans La Croix. Rien que cela ! » souligne-t-elle, avant de rendre hommage au style de l’auteur dont c’est le troisième opus dans le même décor, celui de Monzelle, cité-dortoir et de sa dalle, observée cette fois à travers la lunette d’un fusil. Son héros, enfermé dans tous les sens du terme qui « semble d’emblée assez banal pour que quelque chose, à un moment explose. » nous prévient la critique.

Melvill le père, Melvill sans e pourrait bien être l’aventurier de la famille. Aventurier de cette nouvelle société fondée sur le commerce à laquelle il prend part ; homme d’affaire de la Nouvelle Amsterdam qui passe par de multiples faillites, et s’éteint après avoir traversé de nuit un fleuve gelé afin de fuir ses créanciers. Le petit Hermann, son fils de douze ans, le veillera jusqu’à sa mort en compagnie de sa mère. Une structure remarquable nous dit Alain Nicolas à propos de ce livre, il « réussit dans Melvill une synthèse brillantissime où la méditation sur la littérature n’enlève rien à l’esprit d’aventure qui palpite entre ces pages. » et où la couleur blanche, obsessionnelle, semble trouver son origine.

Pour le Monde des livres, l’homme de la semaine c’est Serge Paugam qui interroge le lien social sous plusieurs angles comme l’indique Gilles Bastin : « le lien de filiation, le lien de citoyenneté, le lien de participation élective, le lien de participation organique qui dérive de l’activité professionnelle. » Ces liens sont soutenus chacun par une ou plusieurs sociétés ; la filiation pour l’Amérique du Sud, le « civisme associatif » aux USA, etc. Se réclamant de Max Weber et Dominique Schnapper, de la sociologie compréhensive, il est urgent, selon lui, de penser un lien d’attachement à l’humanité, « ne serait-ce qu’afin de pouvoir continuer à vivre sur terre. »

Dans le pêle-mêle

DOA toujours là, et cette semaine c’est dans le MDL, « l’auteur regrette que son réalisme noir finisse parfois par éclipser son style, son « travail sur la langue » – un rythme syncopé, « visuel peut-être mais certainement pas cinématographique. » et sur la structure, travaillée et retravaillée jusqu’à la maniaquerie pourrait-on ajouter. » nous dit Antoine Albertini. Dans le Figlitt, Isabelle Spaak insiste sur la délicatesse du livre d’Emanuele Trevi qui « rend le plus bel hommage qu’il soit à ces deux disparus marqués par l’Infélicité. » Le roman raconte la carrière littéraire et les échecs de ses deux amis disparus trop vite.

Portraits/Entretiens

Katie Kitamura est en dernière page du MDL, on la rencontrera donc mais aussi dans le Figlitt pour Intimités titre qu’Eric Neuhoff semble remettre en question « Katie Kitamura pratique une écriture froide, comme si les personnages étaient observés à travers une paroi de verre. » Et pour cause… son héroïne principale est interprète auprès du TPI et développe une série de relations amoureuses qui lui échappent partiellement. Arnaldur Indridason est en entretien à la dernière page du Figlitt ; il revient sur l’Histoire de l’Islande à l’occasion de son nouveau livre et sur son père, écrivain, qui « racontait être né dans une maison en tourbe sur une peau de poulain mais il a quand même fini par habiter un F4 moderne à Reykjavik »

La semaine se termine sur ces rencontres et souligne encore une fois le travail de la critique. A la semaine prochaine !

Index des articles parus dans la presse de cette semaine (cliquer pour télécharger)