Chronique 79 – 26 janvier 2023

LES UNES

Des unes un peu différentes cette semaine de Festival d’Angoulême. Pour Libé c’est un classique désormais, un numéro entièrement illustré par des dessinateurs, ce qui offre la possibilité de représenter ce qu’on n’a pas pu capter par la photographie sans dénaturer l’info pour autant ; comme ces deux silhouettes qui s’éloignent à grandes enjambées de la statue de Victor Hugo qu’elles viennent de repeindre en blanc, lequel (Victor) n’a pas l’air très heureux.

La Croix choisit également de se tourner vers la BD avec la rencontre de Serge Ewenczyk éditeur du dernier prix Fauve d’or, Marcello Quintanliha. Il y dit son seuil de succès (autour des 2 à 3000 exemplaires) pour sa maison Ça et là qui est pourtant est passée à côté de la faillite en 2018. On y retrouve les problèmes d’un éditeur limité dans ses moyens qui doit réussir sans cesse et voir ses auteurs partir vers les maisons plus riches.

Quant à l’Huma, sa une rend hommage à Julie Doucet, Grand prix 2022, et à qui le festival consacre une exposition globale cette année. Son côté provocateur-féministe s’épanche ailleurs que dans le seul monde de la bande dessinée qui la fatigue un peu. Elle va du côté de l’autoédition de fanzines, qui la révèlent mais vient aussi de publier une fresque de 20 mètres de papier en accordéon Suicide total dont l’espace est entièrement saturé par le dessin et les bulles déformées qui constituent le texte.

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« En entreprenant ce voyage, je pensais rendre visite au passé. Mais j’ai davantage eu l’impression d’avoir un aperçu de l’avenir » Jerry Stahl a fait un voyage, lequel ? Un tour des camps de concentration en car. Et, il a beau se préparer psychologiquement à prendre un choc en tant que Juif-Américain, scénariste à Hollywood, rien ne le préparait à sa première rencontre « un guignol avec un tee-shirt « Il est apéro moins le quart » en train de s’empiffrer de pizza à la cafétéria d’Auschwitz. » Jerry Stahl qui a connu toute sorte d’addictions et les montagnes russes du succès évoque avant tout, dans cet entretien accordé à Lelo Jimmy Batista (LibéLS), sa vie d’écrivain dépressif qui le mène des séries à succès vers des romans âpres.

« On vit une époque formidable ! et Bienvenue dans le monde du travail ! » Voici les deux titres qui couvrent la sélection de romans liés au travail et à ses affres contemporaines ; Le Client mystère semble être le rôle idéal pour le romancier en devenir qui cherche à se cacher dans la masse du salariat (Lauverjat), tandis que d’autres sont finalement assez heureux, sinon de leur sort, du moins de leur terrain d’investigation (Delaye), au point d’en faire le support de leur écriture comme Filice et son roman à l’écriture boogie/poétique), « véritable cantique du rail » nous dit Thierry Clermont. Si Benech évoque surtout le monde de l’éducation nationale et son goût pour les formules abstruses, rien de nouveau ; Eric Faye, en revanche, complète avec le Figlitt son tour des unes pour son roman subtil Il suffit de traverser la rue. Sébastien Lapaque est clair : on a « regretté qu’il n’y ait pas un nouveau Balzac pour peindre les mœurs des gens de presse à l’heure de l’information en continu. » oubli réparé « Eric Faye a travaillé dans l’une de ces officines internationales de prestige lentement transformées en ferme de contenus tandis que les journalistes étaient ravalés au rang de poules pondeuses de dépêches en attendant d’être plumés et passés à la casserole. » Bravo aux camarades du Figlitt.

La Loire et ses dangers en Une du Monde des Livres. Denis Cosnard célèbre le roman de Guillaume Nail, plein de garçons en colonie de vacances, structurés en bande de forts et faibles, de directeur aux pratiques « limites » comme on dirait aujourd’hui, et d’attirances non avouées. Sans compter la Loire et ses dangers ; « Mais ce qui rend ce roman si attachant et réussi, c’est avant tout sa langue. Déliée, vivante, précise et délicieusement inventive en même temps.» D’un côté les exclamations, de l’autre, « un classicisme absolu pour dépeindre avec lyrisme la Loire. »

Dans le pêle-mêle

Hélène Frappat maintient les femmes en vue avec son roman consacré aux trois générations d’actrices hollywoodiennes, Tippi Hedren, Melanie Griffith et Dakota Johnson. Si le thème qu’elle aborde pour son enquête n’est pas complètement avéré (la disparition), la manipulation et l’errance des corps des actrices est bien réel. (Notre Chronique audio)

Quant à DOA, s’il n’occupe aucune première page, on le retrouve, portrait à moitié dérobé sur nombre de pages intérieures, mais des pages entières qui disent l’admiration de la critique pour cet auteur de polar de retour sur le territoire français et ses truands, gitans notamment.

Marie-Hélène Laffont à l’autre bout de l’éventail dessine un univers de violence également mais lié à la campagne, à ceux qui ne renoncent pas à leur ruralité. Elle est cette semaine dans la rubrique Pourquoi ça marche ? du LibéLS Pourquoi ? C’est un roman « dense et peu épais » nous dit Claire Devarrieux et aussi qui comporte une dimension autobiographique.

Portraits/Entretiens

Outre Jerry Stahl et Nein, nein, nein ! On découvrira dans le LibéLS (21/22/01) un entretien avec Natasha Brown qui évoque son roman Assemblage dont l’héroïne décide de ne pas suivre de traitement contre le cancer du sein pour faire corps avec les femmes de son origine et de sa condition.

Miroslav Sekulic-Struja que beaucoup voient en grand prix d’Angoulême est en entretien dans l’Huma. Son héros, est-ce lui ? – « Les récits documentaires et autobiographiques m’intéressent peu. Trop expliquer met à distance le lecteur tandis que l’onirisme et la fiction donnent un espace pour rêver et s’identifier. »

Quant au Figlitt, c’est à Philippe Druillet qu’il donne la parole. Réponse franche là aussi « Que pensez-vous du monde d’aujourd’hui ? – Je hais le monde actuel, déshumanisé, basé sur l’oubli et le profit. (…) L’appétit de l’être humain, cette espèce nuisible, affamée d’argent et de pouvoir me révolte. ».

Enfin c’est Mathieu Lindon qui referme le MDL avec sa Lettre au père le livre qu’il consacre à la figure de son éditeur de père.

Une semaine pleine d’images et d’aventures, nous verrons de quoi demain sera fait.

Index des articles parus dans la presse de cette semaine (cliquer pour télécharger)