LES UNES

Tardi arrête Adèle-Blanc sec, du même coup il occupe la une de Lib samedi. C’est l’occasion pour Mathieu Lindon d’ébaucher une rétrospective de la série entamée en 1976. Soit dix albums en 46 ans, avec des périodes de production rapide et de grandes plages sans rien. Des constantes cependant, nous dit le critique : « cette histoire va multiplier les rebondissements avec un humour qui toucherait souvent à l’invraisemblance si les décors n’étaient justement là pour la tempérer. » L’auteur se complaît dans les récits foutraques où identités et péripéties varient sans cesse. Et pour cette fin « Adèle trouve l’amour dans ce qui est peut-être la plus extraordinaire de ses aventures extraordinaires. »

Encore la une pour le livre de l’historien-raconteur David van Reybrouck : après le Congo il s’intéresse cette fois, après une enquête de cinq ans, à l’indépendance de l’Indonésie. Café, pétrole, tabac et nickel, les ressources sont multiples et l’auteur tente de démêler l’écheveau des responsabilités dans le fiasco colonial. « Ma matière première, ce sont les gens eux-mêmes, j’ai mené près de 200 entretiens en 20 langues. » On rappelle qu’il s’agit de trouver à la fois les survivants de cette épopée, recueillir le plus précisément le récit de l’émancipation indonésienne et aussi de montrer comment la conférence de Bandung a été essentielle pour l’irruption de voix nouvelles dans le concert des nations. Tous événements largement oubliés par la mémoire occidentale.

« J’affronte un métier qui ne s’apprend pas : exister » murmure le double de l’auteur. Ce dernier, François Cheng est en une de Livres et Idées, le cahier livres de La Croix. Christophe Henning ne met cependant pas l’accent sur son christianisme, évoquant davantage la communion avec la langue, ainsi que sa carrière d’écrivain, ses relations avec Claude Roy, Gaston Berger, Barthes et Lacan, ainsi que sa philosophie de l’existence.

Makenzy Orcel, écrivain haïtien, livre un texte d’un seul tenant, impétueux et désespéré. Muriel Steinmetz de l’Huma colle son écriture dans les pas de celle de l’écrivain et donne à voir ce « lyrisme macabre nourri de réalisme magique » L’héroïne une jeune femme française commence sa vie dans un petit village du sud est de la France avant de s’échapper vers Paris : « Avoir été irrémédiablement animalisée, on reste une petite fille violée à vie ». L’écriture cependant n’est pas faite que de dolorisme : la vie parisienne est évoquée à travers les sons de la capitale, souvent volés, « Le texte se coule dans la réalité d’un Paris capté, par elle, en cachette, via une application sur son smartphone. Un chapitre entier est fait d’«Audios » enregistrés sous le manteau dans les cafés. » L’auteur va jusqu’à convoquer deux doubles, nommés Makenzy et Orcel qui accompagneront l’héroïne dans son parcours fatal.

La une du Figaro littéraire pour les dictateurs, mais avant tout pour les fascismes. Paul François Paoli, qui a lu le livre de Jean-Christophe Buisson consacré à la question, montre qu’ils sont très divers, ces fascismes : de « Georges Valois, dissident d’Action française qui fonda le faisceau en France et mourut à Bergen-Belsen après avoir rejoint la résistance. » jusqu’au « Dai Viet (grand Vietnam) s’inspire de fascisme italien pour mieux combattre l’empire colonial français ». D’où il ressort que si la figure de Hitler a effacé très vite dans nos imaginaires celle de Mussolini dans la galerie des monstres, c’est bien le leader italien qui était l’homme fort de l’imaginaire européen et que son histoire personnelle est beaucoup plus contrastée qu’il y paraît aujourd’hui. L’ouvrage de Frédéric Le Moal consacré aux courants du fascisme met en évidence la fragilité politique de ce dernier, à la fois chef et victime des hommes qu’il a promus.

Selim Nassib en une du Monde des livres : le journaliste libanais, aux origines croisées, tente de rendre de compte de ce qu’est le Liban dans son livre qui se répartit entre trois étapes décisives, 56 et l’initiation amoureuse, la guerre des Six Jours en 68 et le siège de l’armée israélienne contre Beyrouth en 82. Fabrice Gabriel, du MDL, insiste sur la personnalité de l’auteur : le Tumulte « c’est aussi et peut-être surtout le tumulte intérieur d’un être en mouvement, qui se cherche dans le rapport à une origine fuyante, un élan de reconnaissance ou même un tremblement de la peau, frisson du style qui définit une certaine identité d’homme et d’écrivain. »

Portraits/Entretiens

Entretien dans le Figlitt avec Allen S.Weiss un rappel de sa vie d’universitaire touche à tout, venu du Bronx et auteur d’un livre à son image, L’autobiographie de Teddy, soit rédigées à travers les yeux de son ours en peluche récemment retrouvé.

L’entretien du MDL est pour Scolastique Mukasonga qui retrace son parcours d’écrivaine et d’assistante sociale, son acculturation réussie dans la Normandie des collines qui lui rappellent celles de son Rwanda natal et perdu.

Cela dit, on aura aussi rencontré deux fins analystes de l’oeuvre de Céline Giulia Mela et Pierluigi Pellini dans le même numéro : « on est très loin de la densité du meilleur Céline » et par ailleurs en une du LibéL de ce jeudi un entretien avec David Van Reybrouck pour ce qui est déjà un best-seller ailleurs qu’en France, Revolusi, ou la marche à l’indépendance de l’Indonésie. Pour info il figure en page best -seller chez l’éditeur Suhrkamp en regard du prix Nobel de l’année, une certaine Annie Ernaux.

Index des auteurs cités dans les suppléments littéraires de cette semaine (cliquer ici pour télécharger)