LES UNES

« L’auteur montre au lecteur le texte en train de s’écrire. » Pour son nouveau roman Grégoire Bouiller se fait enquêteur à propos de la mort de Marcelle Pichon, mannequin qui s’est laissé mourir d’inanition en racontant, au jour le jour, sa fin. Il y mêle des éléments d’autobiographie « Son livre parfois agace tant il digresse, nous dit Virginie Bloch-Lainé, mais il est très attachant tellement il est enthousiaste, gourmand, rédigé dans une belle langue lapidaire, insolente et drôle. » Il joue avec la matière littéraire, raconte comment à la suite d’une œuvre déjà très développée, Le dossier M , il a lancé des pistes pour la suite qui aboutiront notamment à ce roman. Ainsi que les à-côtés… le récit commence par 99 exergues.

Bertrand Leclair en est sûr : « ce qui pouvait, à parution, dérouter les lecteurs rompus aux automatismes romanesques en vigueur paraîtra bientôt de l’ordre de l’évidence, tandis que le livre n’aura pas pris une ride, échappant à l’air du temps, qui date si rapidement la plupart des romans » Le onzième livre de Gaëlle Obiégly met en scène une narratrice qui, à la suite d’une visitation, joue avec la mort comme dans un théâtre, se déplace d’un savoir à l’autre et, nous dit le critique sont questionnées « les limites du savoir, de tous les savoirs ». Le remède, dès lors : « la nécessité de faire aveuglément confiance à la littérature : d’y croire pour qu’elle soit »

Robbe-Grillet, premier inventaire. On retrouve beaucoup d’aspects de l’œuvre de Robbe-Grillet dans la biographie que lui consacre Benoît Peeters nous dit Claire Devarrieux dans le LibéL de ce jeudi. Celui qui quitte un métier pour une carrière littéraire, celui qui fonde un groupe chez Minuit appelé le Nouveau-Roman, celui qui regrette les arbres abattus par la tempête dans sa propriété bretonne et surtout celui qui accumule les archives quitte à compliquer le travail des chercheurs qui devront s’investir au sein de cette masse gigantesque. Mais le travail de Peeters permet de comprendre un peu mieux que le mystère est le centre absolu de son œuvre.

En une de La Croix, les bucherons finlandais. Ou, disons, l’un des premiers romans consacrés à l’immigration finlandaise aux U.S.A, celui que Karl Marlantes situe dans les forêts américaines. Mais, nous dit Stéphanie Janicot, « l’auteur a choisi un autre point de vue pour entraîner le lecteur dans cette saga spectaculaire : celui d’une femme hors norme à la personnalité inflexible. » Elle s’engage politiquement dans le syndicalisme, mène plus d’un combat et finit par atterrir, sans rien renier de ses principes, « au milieu des bûcherons dont certains son ses frères, ses amis d’enfance et ses amoureux éconduits. » C’est une saga de près de 900 pages.

En une du Rendez-vous des livres de l’Huma le roman de Julie Otsuka consacré à la natation dans un premier temps, à l’Alzheimer de l’héroïne dans un second. La voix de sa fille prend le relais, qui établit la liste de ce qui est oublié ou de ce qui surnage dans le cerveau d’une nippo-américaine qui a connu l’internement pendant la seconde guerre mondiale. Muriel Steinmetz relève la personnalité de l’écrivain : « La romancière qui dit « je », trop longtemps absente aux siens, ausculte à froid celle qui lui a donné le jour. La tendresse se sent, mais tenue à distance, au point que soit exigée l’autopsie du cerveau maternel, en réclamant même une photo. » Quelques titres américains complètent ce cahier consacré au festival America de Vincennes.

Cette année le Figaro Littéraire innove avec un dossier consacré aux…seconds romans. Après les primo-romanciers, pas nécessairement jeunes, voici les auteurs du second roman ; deuxième roman et dernière chance ? interroge le dossier qui s’ouvre par un papier de Mohamed Aïssaoui qui souligne que Leila Slimani ou Nicolas Mathieu ont obtenu le Goncourt pour un second roman. Mais la tendance serait plutôt à la frilosité des éditeurs qui s’inquiètent de l’usure de la nouveauté. Au point d’accompagner « maintenant de plus en plus leurs auteurs dans l’écriture de leur deuxième roman. » 8 noms illustrent l’article : Les coqueluches, David Lopez et sa vision a priori désinvolte de la vie, Victor Jestin, en plus fragile et mystérieux, Victoria Mas qui enchaîne très vite ce second après le Bal des folles. D’autres comme Tristan Jordis ou Nanoucha Van Moerkerkenland sont moins connus mais semblent travailler dans la durée néanmoins. D’une manière générale, si les premiers romans se faisaient remarquer par leur sujet, l’originalité de leur démarche, les seconds appellent des commentaires sur leur qualité de style. C’est là que se dessine la durée.

Dans le pêle-mêle

Jean Rolin continue son bonhomme de chemin, aurait-on envie de dire à la lecture des articles consacrés à La traversée de Bondoufle, laquelle fait suite à Le pont de Bezons. Le son même évoque la pantoufle ou quelque chose de boursouflé. « Jean Rolin fait le job scrupuleusement on le voit nous dit Frédérique Roussel, ne reculant pas devant des passages périlleux pour coller à sa ligne imaginaire. »

Réédition du roman de Danielewski, la maison des feuilles (…) et cette fois, en couleurs, comme prévu initialement.

Emma Becker après une fracassante entrée en littérature avec son séjour en maison close poursuit dans le récit de ses amours « Certes le roman est inégal, tourne au catalogue. (…) Ceci étant dit, on a envie de lui trouver plein d’excuses » dit Eve Szeftel. « Où diriger son désir ? demande Raphaëlle Leyris, Vers la littérature pardi. »

La mélancolie de Pierre Adrian continue de faire des adeptes (La Croix, le MDL), son séjour dans la maison familiale bretonne et les paysages attenants qu’il parcourt, l’entraînent vers une écriture « Il goûte cette langueur qui lui échappait dans sa jeunesse. »

Portraits/Entretiens

Dans le Figlitt Mirwais Ahmadzai fait le modèle pour son portrait. Ersin Karabulut, quant à lui, fait part de ses talents de dessinateur en page portrait dans Livres et Idées et Geneviève Fraisse rencontre la dernière page du MDL. LibéL samedi nous proposait une interview de Grégoire Bouiller.

On va peut-être avoir un peu de mal à lire tout ça.

A la semaine prochaine, pour une nouvelle avalanche.

Index des articles parus dans la presse de cette semaine