LES UNES

C’est le numéro annuel du Figaro littéraire consacré aux premiers romans. Cependant, cette année on ne mise pas tout sur la jeunesse et ses dix têtes d’impétrants.

Ils sont au nombre de douze et ont déjà vécu. Nadia Yala Kisukidi occupe par ailleurs déjà de nombreuses chroniques « la première belle surprise, nous dit Mohammed Aïssaoui, c’est cette plume virevoltante qui vous attrape dès les premières pages. » puis il raconte ce roman qui happe comme une série, avec son personnage principale, naine passée depuis longtemps au dédoublement, ou, comme le dit le titre, à la dissociation.

Sarah Jollien-Fardel, de son côté, a déjà reçu le prix FNAC et bénéficie, fait rarissime, d’un entretien dans le même supplément à ce titre, l’écrivaine suisse mi langue allemande, mi langue française raconte un père instable et tortionnaire, pas le sien.

Tenir sa langue de Polina Panassenko est aussi remarqué en cette rentrée : son rapport aux langues, garder le russe, intégrer le français, la place évidemment sous les feux de l’actualité.

Quant à Maria Larrea, elle bénéficie de critiques élogieuses pour son roman qui porte l’un des meilleurs titres de la rentrée Les gens de Bilbao naissent où ils veulent.

La fille aux plumes de poussière, roman de Nicola Garma-Berman, fait aussi partie des sélections de cette rentrée. 6 hommes, 6 femmes, le Fifgitt est exemplaire sur la parité. A lire donc pour découvrir les auteurs de la rentrée… en attendant celle de janvier. Du coup c’est bisannuel qu’il fallait dire.

Curieuse catharsis de l’écriture en une de La Croix, celle de Monica Sabolo qui retrouve à travers les méandres des parcours des membres d’Action Directe ses propres secrets. « Tandis qu’elle documente leurs vies sur lesquelles on s’est finalement assez peu penché, chacun de ses mots transpire d’autres mots, chaque lieu en appelle d’autres, sur chaque reconstitution plane une autre histoire, personnelle celle-là », nous dit Fabienne Lemahieu. L’écrivaine met au jour les propres abus dont elle a été victime et parvient à se débarrasser du poids de sa propre culpabilité. « Enfant « naturelle » adoptée à trois ans » et victime d’inceste.

« Claire Baglin a assez de sensibilité dans le métier d’écrire pour créer une progression, et une réflexion, en évitant toute démonstration. » C’est Philippe Lançon qui le dit, à propos de l’auteure « Minuit ». Elle a la particularité de croiser son expérience de travail dans un fast-food avec la vie en usine de son père. Friteuses, galerie de portraits d’un côté, notamment ceux des manageuses : « C’est La Bruyère au fast-food » assure le critique. De l’autre son père, ouvrier, médaillé du travail, rien de manichéen ; mais sans mélange entre les deux « De fait, quand la narratrice y entre pour son premier jour de travail, le souvenir de la famille en sort. » Depuis, celle-ci a été libraire, ce serait donc le roman d’une vocation. Eh, non, à présent elle vend des canapés.

Le retour permanent d’Emmanuelle Bayamack-Tam, cette fois en une de l’Huma. Retour de son roman fondé sur le sonnet de Nerval qui évoque…l’éternel recommencement du temps. Alain Nicolas précise que son roman ne saurait se réduire à une histoire de secte et de contrainte, non il « carbure à la métamorphose. Changement de genre, de corps, de narrateur, de matériau mythique ou religieux, de culture, tout s’imbrique dans ce roman sans frontières où même le passage de vie à trépas (et retour) contribue à la régénération annoncée. » Elle même assume le terme de métamorphose dans les pages du MDL : « « La Métamorphose » pourrait être le titre de tous les romans de la littérature. Parce que le roman ce n’est que ça. »

A la recherche de l’anagnoste ! Dans le LibéL de ce jeudi, Robert Maggiori nous invite à retrouver celui qui lit à haute voix, en nous et pour nous. A la suite de Peter Szendi il relève que « L’anagnoste est celui ou celle qui « lit pour d’autres » ». C’est une sorte de « livre parlant », qui « joue au fond, en notre for intérieur, le rôle que jouera le phonographe dont Edison disait explicitement qu’il servirait à la lecture à haute voix ». Autrefois c’était un serviteur, un esclave ou un ami ou une… le critique note que ce lecteur tapi au fond de nous vient d’une tradition de la lecture, et que ce qui s’y joue n’est pas anodin : les figures de lecteur et lectrice le font « pour éviter la mort, provoquer la jouissance ou l’interdire, pour braver l’interdit ou l’instaurer, pour s’insoumettre, pour se soigner elles-mêmes ou assister quelque malade etc. » La lecture n’est donc pas limitée au sens du texte, elle s’appuie sur lui pour prendre une liberté créatrice assimilable à un envol.

Enfin, dans le Monde des livres une ultime femme évoque un ultime père. Blandine Rinkel à travers son héroïne, Lou, évoque un père, ancien gendarme et instable, qui lui apprend la vie à la dure. Cette figure « empruntant ou non au sien (de père) » nous dit Raphaëlle Leyris, possède tous les attributs de la virilité à l’ancienne, ce qui explique peut-être le mélange de fascination et de répulsion qu’éprouve sa fille à son égard. La conclusion de la critique est sans appel « un adieu à l’enfance en même temps qu’à un certain type d’hommes, en tout cas à l’aura glorieuse qui les entourait. »

Dans le pêle-mêle ( )Ecouter notre chronique Audio.

Portraits/Entretiens

Colm Toibin est en entretien Avec Bruno Corty en dernière page du Figlitt. Portrait de Valentine Goby dans Livres et Idées, tandis que Leila Mottley occupe la page Rencontre du MDL. Qui ? Leila Mottley, auteure d’Arpenter la nuit, un roman qui a pour héroïne une jeune femme, prostituée par…des policiers.

Franchement cela devrait suffire pour cette semaine !

Index des articles parus dans la presse de  cette semaine (cliquer pour télécharger)