LES UNES

Le Figaro littéraire propose en une les 10 romans phares de la rentrée, répartis entre la chronique d’Etienne de Montety (que Despentes lasse un peu) un cahier qui présente les 5 autrices et les 4 auteurs qui complètent cette dizaine.

Emmanuelle Bayamack-Tam a droit à la plume de Patrick Grainville qui, s’il a préféré le précédent, aime ce roman pour son côté libertaire « Ses livres relèvent d’une utopie critique, d’une lucidité polyphonique. »

Bruno Corty soutient le romancier d’un terroir perdu sous la neige, Franck Bouysse, Alice Develey le talent de Muriel Barbery « Si les phrases de Muriel Barbery étaient des pierres, ses livres seraient des cathédrales » et son roman le « prequel » du précédent.

Alice Ferney est sensible à la mélancolie familiale de Pierre Adrian, tandis que Mohamed Aïssaoui souligne l’universalité de la fable africaine du roman de Mabanckou, dont le titre vous a un petit air d’Audiard : Le commerce des allongés. L’auteur y dépeint un monde injuste jusque dans la mort.

Lionel Duroy évoque aussi la mort, mais comme il s’agit de Lionel Duroy, ce sera la sienne, occasion de parler encore de sa famille « Quitte à prendre l’ire des siens à nouveau en pleine figure » souligne Isabelle Spaak.

Enfin, Marie Nimier, Amélie Nothomb et Kéthévane Davrichewy s’inscrivent dans le thème que Raphaëlle Leyris annonçait la semaine dernière comme central pour cette rentrée, la sororité ; résultat : Petite sœur, Le livre des sœurs, et Nous nous aimions. Gageons qu’elle sera plus légère que l’année des pères.

Une seule figure pour le premier cahier livre du LibéL de samedi dernier, l’autrice irlandaise Sally Rooney chez qui il y a : « des constantes thématiques et atmosphériques, ainsi qu’une esthétique affirmée. Les filles sont en général blanches et minces, de drôles d’oiseaux coincés entre haute estime de soi et auto-dépréciation. Les garçons sont beaux et bien bâtis qu’ils soient privilégiés ou prolos. » Comme dans le Despentes, il s’agit ici de conversations parfois en direct parfois par mails de scènes vécues ou racontées, projetées, au téléphone par exemple, bref un roman de la crise de la trentaine : « Les quatre personnages se retrouvent ou se rencontrent. Ils deviennent amants, amis, ou tout ce qu’on peut être entre les deux. Difficile à décrire ? Son éditeur a la formule « Salinger pour la génération Snapchat »

Du roman à l’Histoire, Sylvain Pattieu emprunte un chemin inverse de l’ordinaire. Ses héros demeurent les pirates de l’air comme on disait avant l’emploi systématique du terme terroriste. Expression plus romantique en apparence, mais qui, nous rappelle Frédérique Roussel, recouvrait une réalité, celle des nombreux détournements dans les années 70. Ici, des Black Panthers qui fuient vers l’Algérie (alors terre promise) et qui finiront leur parcours en France et en prison pour certains d’entre eux.

 Une histoire étonnante avec ses réseaux d’entraide, son engagement au sein d’un tiers-mondisme militant, ses avocats concernés… résultat, nous raconte la critique : « En 1986, Melvin et Jean se sont installés dans un quartier populaire de Caen, tous les deux travailleurs sociaux, luttant contre la stigmatisation, figures réputées au point que, depuis 2015, un stade porte leur nom. C’est une très belle dernière séquence. » De quoi prendre un bon coup de vieux.

La Croix (et Antoine Perraud) s’intéresse pour cette rentrée au roman de Minh Tran Huy qui rapporte les faits et gestes de son fils, autiste, qui ne pourra pas lire le récit dont il est le héros. L’autrice a choisi de mêler son destin à celui d’une écrivaine américaine, atteinte des mêmes troubles mais qui a pu les transcender par l’écriture. Minh Tran Huy analyse, dans l’entretien qu’elle donne, la question du handicap : « Je suis une obsessionnelle, tout comme mes parents, génies mathématiques ayant des problèmes évidents avec les usages sociaux. Mais il y a des degrés. A quel moment cela devient-il un handicap ? »

Lucie Taïeb est, pour sa part, la figure de ce numéro de rentrée pour l’Huma. Venue de la poésie, elle s’installe dans le roman et, ici, dans le roman policier dont l’héroïne, capitaine de police se nomme Vertu. Le récit n’est pas univoque pour autant « J’avais depuis longtemps envie de rester sur un personnage, de le conduire sur une trajectoire en montrant les tensions qui peuvent l’habiter, les différents modes de rapports au réel. Les rêves ou les fantasmes permettent de montrer sous une surface assez lisse ce qui continue de brûler par en dessous : les puissances de l’inconscient, la présence de ce qui a été effacé ou refoulé. » Et au milieu une valise d’argent qui disparaît et réapparaît sans cesse.

D’un côté une femme, Séraphine qui fait partie de ces néo colons « attirés par la promesse d’une nouvelle vie » et assez vite revenue de tout, persuadée de perdre son temps, de l’autre, un soldat chargé de défendre la présence française en Algérie « cru, cynique, semblant se délecter de sa propre inhumanité (…) toute sourde soit la voix de Séraphine, toute carnassière celle du soldat, les deux paraissent se fondre dans un même chant. » C’est le nouveau roman de Mathieu Belezi qui revient sur la guerre d’Algérie, la violence de l’épisode colonial, les horreurs qui oscillent sans cesse de l’un à l’autre camp. A 60 ans des accords d’Evian.

Dans le pêle-mêle

C’est la semaine de Julian Barnes l’auteur franco-anglais préféré des Français. Pas de unes mais des pages d’entretiens pour présenter son dernier roman, consacré à la figure d’une professeure de culture fascinante, elle-même fascinée par la figure de Julien l’apostat.

Le roman contient donc une histoire d’amour platonique à proprement parler et une critique radicale du christianisme en tant que monothéisme. Le clergé anglais n’a pas aimé. On parle également un peu partout de Lola Lafon et de sa nuit dans la maison Anne-Frank à Amsterdam et du retour vers l’histoire de sa famille. Elle est en lice pour le prix littéraire « Le Monde » comme beaucoup d’auteurs de ce premier cahier livres, (Monica Sabolo, Mathieu Belezi, Nadia Yala Kisukidi, etc.).

Portraits/Entretiens

Julian Barnes P. Rencontre du MDL ; Lucie Taïeb, interview dans l’Huma, Minh Tran Huy portrait en une de La Croix.

A la semaine prochaine !

Index des auteurs cités dans les suppléments littéraires de cette semaine (cliquer ici pour télécharger)