LES UNES

Peut-on encore écrire sur la rafle du Vel d’Hiv, et avec quels résultats ? C’est à cette question que répond l’article de Florent Georgesco en une du Monde des livres. A travers le livre que lui consacre Laurent Joly, un certain nombre de données du Vel d’Hiv se trouvent complétées, voire clarifiées, notamment sur le rôle des uns et des autres, ainsi que sur le nombre final de victimes : « C’est d’ailleurs un des apports décisifs du livre, qui met au jour une « rafle après la rafle » » La puissance du livre réside à travers les document auprès desquels il nous introduit « journaux, lettres, témoignages rétrospectif forment un contrepoint constant à l’horreur politique qu’il s’agissait, d’abord, de raconter mais qui ne prend qui ne prend tout son poids que face à cette réalité intime du ravage génocidaire. »

Le monde de l’ombre, c-à-d de l’espionnage, pour le Figaro littéraire : introduction de Jacques de Saint Victor qui souligne le peu de goût en France pour ces hommes de l’ombre, voire le mépris, dans un pays où « le secret, pour ne pas dire l’omerta règne en maître dans ce domaine. » et de rappeler quelques faits (qui l’intéressent tout particulièrement). Attentat prévu contre Hitler refusé par Daladier, renseignement de Vichy pas si collabo contrairement aux thèses de Paxton, et enfin, rôle de la DST dans l’affaire Farewell qui vaudra l’estime de Reagan à Mitterrand.

En illustration quelques romans dont celui d’Hubert Maury et Marc Victor au sein d’une nouvelle collection dirigée par Marc Dugain chez Gallimard et consacrée à l’espionnage comme nous l’apprend Arnaud de la Grange (Gallimard « Espionnage ». Et un ouvrage historique consacré au renseignement sous Napoléon, descendu par Paul-François Paoli qui, tout en lui reconnaissant une érudition inégalable souligne son style défaillant : « Indigeste. Le livre de Gérald Arboit Napoléon et le renseignement nous tombe des mains au bout de quelques dizaines de pages malgré la meilleure volonté du monde. » Comme quoi il n’y a pas que chez les espions que ça flingue.

« Les Méditations métaphysiques recèle des virtualités de pensée qui font que chacun peut avoir son Descartes et se revendiquer de lui contre d’autres lectures possibles. » L’entretien que consacre Frédérique Fanchette au philosophe Camille Riquier portera donc sur… Sartre. Sartre cartésien, philosophe dont l’œuvre entière est innervée par celle de son prédécesseur, Sartre qui a écrit « 600 pages des Cahiers pour une morale, dans lesquels l’édifice est tout près d’être achevé. » mais qui échoue « au début, il a cherché une morale, il a échoué et a dévié vers une esthétique de l’échec. » Il ne parviendra donc jamais à se dépasser. Une thèse innovante.

Il y a trois semaines le Figlitt cherchait à savoir si Benito Pèrez Galdos pouvait être qualifié de Balzac espagnol, voici Libération (28-29 mai) qui propose Camilo Castelo Branco comme Balzac portugais. A vrai dire Frédérique Fanchette ne fait que reprendre l’étiquette décernée par la critique. Le livre qui vient d’être édité par Chandeigne, évoque la question de la judéité et sa confrontation à l’Inquisition au Portugal ainsi qu’au Brésil. Intitulé Le juif, le roman « ouvre les portes d’un monde autre, celui de la diaspora judéo-ibérique en Europe. » qui garde sa cohésion en évitant du mieux qu’elle peut la machine inquisitoriale dont « l’hérésie judaïsante est quasi la raison d’être » comme le souligne Livia Parnes rédactrice du dossier historique qui accompagne l’édition. C’est aussi un roman plein de péripéties, tout comme la vie de l’auteur qui, entre autres choses, aura connu la prison pour s’être enfui avec la femme qu’il aimait. Pas tout à fait Balzac, donc.

Droit de suite… « Ses hantises si communicatives rythment, remuent, harponnent : ubiquité des marchands, présence de la mer, omniprésence de la piété coranique, immensité d’un océan Indien qui s’impose tel un lac mental et un réservoir psychique. » De qui s’agit-il ? d’Abdulrazak Gurnah, prix Nobel de littérature 2021 dont les romans introuvables sont désormais réédités par Denoël. Pour Adieu Zanzibar, la problématique coloniale, pré, post, dé est omniprésente et le nom de Zanzibar, plein de promesses et de paradis, parfaitement adapté aux récits sur le mépris omniprésent entre toutes les composantes de la société, mais Antoine Perraud souligne l’enchantement du récit qui provient notamment du tissage des langues et de l’humour.

Comme souvent L’Huma et La Croix sont proches sur les mêmes enjeux mais pas toujours pour les mêmes raisons. Donc en Une de Culture & savoirs Chica Unigwe et ses récits de prostituées nigérianes du quartier rouge d’Anvers. Pour l’autrice il s’agit de montrer un aspect méconnu de l’émigration nigériane. La prostitution est une source de revenus et de développement local au Nigéria : « A Benin City, la ville d’où viennent beaucoup de travailleuses du sexe, il y a une nouvelle classe moyenne composée de familles dont les mères, les filles, les tantes, les sœurs travaillent dans les quartiers rouges des villes européennes. » C’est le premier axe du livre, le second est celui de la langue, langues vernaculaires retravaillées par l’anglais, une langue qui refuse de se soumettre à l’autre là encore on fera le rapprochement avec Zanzibar.

Portraits/Entretiens

Alice et Atiq Rahimi en dernière page du supplément livres de La Croix le père et la fille pour un dialogue assez éloigné des règlements de compte familiaux qui ont ouvert l’année.

Stefania Auci est à rencontrer en dernière page du Figlitt. Palermitaine, elle adore sa ville tout en se sentant « responsable de pays et de son Histoire » depuis la mort du juge Falcone. Palerme est donc le cadre de sa saga fondée sur des fait réels, l’histoire des Florio.

Gérard Bensussan et Marina Skalova sont les deux auteurs que nous convie à rencontrer le MDL ; la première à la fois Russe et Ukrainienne a décidé d’accueillir des réfugiés à Berlin, là où elle habite car, dit-elle dans son texte « M’asseoir à ma table pour écrire m’apparaît aussi vain qu’impossible, je me lance à corps perdu dans l’action ». Le second, professeur émérite de philo à Strasbourg interroge Hegel. Pied-noir, puis Mao-Stal il revient aujourd’hui sur l’approche du réel initiée par la phénoménologie, et, cette fois nous dit Nicolas Weill, pour le réhabiliter. Chika Unigwe est, pour sa part reçue par Sophie Joubert dans l’Huma (voir plus haut).

A la semaine prochaine !

Index des articles parus dans la presse de cette semaine