LES UNES

C’est Louise Erdrich qui occupe la une dans le Libé de samedi après celle de La Croix, jeudi dernier. La présentation insiste sur la façon dont l’écrivaine utilise le patrimoine familial dans le cadre de ce roman historique : « l’écrivaine amérindienne savait qu’elle tenait un sujet en or auquel le paquet de lettres de son héroïque aïeul pouvait donner de la chair ». L’entretien avec Frédérique Roussel permet de développer le thème dominant du livre (les luttes indiennes contre les tentatives administratives d’une assimilation forcée). Mais il permet également de saisir l’intérêt de l’écriture mise en oeuvre : « Alors j’ai utilisé des objets comme la couette sous laquelle il dort. Cette courtepointe faite de différents manteaux qui chacun rappelle un souvenir est réelle. »

et la une du Monde des Livres… où, sous la plume de Florence Noiville nous attend un compte rendu de l’œuvre qui en précise les contours, deux intrigues qui se mêlent autour de la question de la préservation, celle des femmes et celle des peuples. Le héros central demeure tout de même Thomas « Wazkashk », son grand-père dont le patronyme, en chippewa signifie le rat musqué, ce rongeur « hydrophile, modeste et travailleur » qui, dans la mythologie indienne, parvient à recréer la Terre après le Grand Déluge. »

Le titre, Celui qui veille pourra rappeler ceux de Tony Hillerman mais ce serait réducteur vis-à-vis de Louise, qui raconte et entretient la mémoire de tout un peuple au-delà des seuls aspects romanesques

Le retour de Jeanne d’Arc en une de La Croix. Sabine Audrerie célèbre la nouvelle version des aventures de la pucelle intitulée Johanne (depuis le roman de Michel Bernard qui avait charmé la critique il y a déjà 4 ans). La nouveauté proposée par Marc Graciano ? « Une seule phrase par chapitre, la langue charriant avec elle toute l’histoire d’une vie, dévalant, bouillonnant, miroitant, emportant le lecteur. » Un roman d’initiation, avant tout, qui raconte le voyage de Jeanne pour se faire reconnaître et en montre les étapes autant pour ce qui est de son destin que sur le plan de son évolution intérieure, dans un français qui emprunte à la langue médiévale ; « Il y a quelque chose de terrien et d’aérien, de sauvage et tenu, à la fois, dans la prose de Marc Graciano, dont certaines pages sont d’une beauté éblouissante ». A lire pour la langue, donc.

« Ce qui se trouve susceptible de l’engendrer ou de l’inhiber se trouve toujours à la croisée d’une histoire individuelle et d’une histoire collective », de quoi s’agit-il ? De l’émotion bien sûr. Robert Maggiori consacre son article du LibéL de ce jeudi à la somme publiée par les Presses universitaires de Rennes sur la question des émotions. Il en vante la richesse et les problématiques posées par les multiples auteurs comme autant de pistes explorées avec rigueur : domaines variés allant du droit à celui du sexe en passant par le sport ; variété des émotions elles-mêmes : coup de foudre, dégoût, honte…et en convoquant nombre de spécialistes, sociologues ou psychanalystes, bref : « La constellation des émotions est si étendue qu’elle projette sa lumière sur tous les domaines, si bien que son étude ne peut pas ne pas convoquer les savoirs du corps et de l’esprit, les sciences sociales et historiques, les cultural studies, la sémiologie, l’esthétique, « les arts du texte, de la parole, de l’image, du son et de la performance »…C’est-à-dire, en somme, La palette des émotions.

Après LibéL c’est au tour du Figaro littéraire de céder aux sirènes proustiennes. Autrement dit de consacrer un dossier entier aux publications (très) variées autour de l’auteur. On y retrouve les quelques ouvrages qui explorent les marges de la vie proustienne depuis ce début d’année, le personnage de céleste Albaret ou encore le dictionnaire des personnages de Mathilde Brézet.

On y retrouve aussi le livre de Jean-Marc Quaranta, 400 pages consacrées à Albertine. Et enfin, last but not least Proust et la société le dernier opus de Jean-Yves Tadié consacré au petit peuple qui apparait chez l’auteur, le monde des figurants en toile de fond, dont Thierry Clermont regrette qu’on ne l’ait pas davantage développé puisque l’essentiel de la société ce sont, tout de même, pour Jean-Yves Tadié mais aussi pour Proust, les cercles et cénacles de la Belle Epoque.

En une de l’Huma un (premier) roman qui allie Chirac et résidence d’écriture. Il fallait oser mais c’est le pari qu’a tenté, visiblement avec succès, Elsa Escaffre avec Sans chichi. Elle y raconte une écrivaine en résidence qui, à travers la fin de la vie politique de Chirac évoque la disparition de son grand père et le travail conjoint qu’elle mène sur les mots. Bon, d’accord, pourquoi pas ? Mais quand même !

Dans le pêle-mêle.

Le roman d’Eugen Morten, Ordures a déjà fasciné deux chroniqueurs-écrivains, Camille Laurens et Mathieu Lindon. Les deux soulignent l’absolu déni d’humanité du récit et la froideur de l’auteur y compris envers son anti-héros de personnage Sloper, l’homme à tout faire qui vit de et par l’ordure. C’est notre chronique audio à écouter ici !

Portraits/Entretiens

Au-delà de Louise Erdrich, la principale rencontre de la semaine est avec Philippe Forest en dernière page du MDL ; l’occasion pour Fabrice Gabriel de rappeler son parcours et l’histoire du deuil, fondatrice de son œuvre, même si, comme le souligne le critique, « Pi ying xi semble pourtant avoir, tout en retournant à la veine autobiographique des premiers romans, une sorte de liberté neuve. » Philippe Forest revient avec un roman mais aussi davantage de recul sur son œuvre.

Nous laissons de côté quelques titres du pêle-mêle, ce sera pour la semaine prochaine.

 Index des auteurs cités dans les suppléments littéraires de cette semaine (cliquer ici pour télécharger)