LES UNES

« Abordée dans ses dimensions civilisationnelle, cultuelle, économique et politique », voici une nouvelle biographie de Saint Pierre, en une de La Croix. Ce texte qui s’appuie autant sur les sources déjà connues, que sur une étude des traces de son parcours jusqu’à la Rome du premier siècle, ouvre des perspectives sur l’histoire de l’apôtre. On le retrouvera ainsi à travers « l’art paléochrétien et les traces archéologique » comme le souligne Sabine Audrerie.

Pour faire diptyque, on lira le dossier du Figaro qui s’annonce en une par ce titre « Génie du catholicisme ». à l’occasion de la publication de deux ouvrages consacrés aux rapports entre religion catholique et littérature : d’un côté le dictionnaire des auteurs catholiques des îles britanniques, on y retrouve sans surprise Chesterton, Belloc ou encore Evelyn Waugh mais aussi, plus étonnant, Anthony Burgess, enterré à Monaco pour cause de religion officielle catholique « dans un casier funéraire où est inscrit « Abba,Abba », une formule répétant la forme araméenne du mot hébreu « père » nous dit Sébastien Lapaque qui relève par ailleurs que l’engagement latin de ces auteurs les a conduit à traverser « toutes les folies du XXe siècle en antifascistes impeccables ».

« Philosophe de terrain, écrivain à contraintes joueuses et signifiantes, Patrick Deville repousse les étiquettes, mais se reconnaît quand même dans la formule de l’écrivain renard, qui s’éloigne de son terrier pour suivre une piste. » Cette fois, c’est Tahiti qui l’accueille dans une cabane où il s’enferme pour écrire. Ce faisant, il part sur les traces d’autres hommes de ceux « qui vont sur les traces de ceux qui sont déjà allés sur des traces. ». Apparaissent donc, nous dit Frédérique Roussel, Gauguin, Loti, Stevenson, Melville, etc. L’écrivain lui confie sa méthode, « dormir très tôt » « être absolument seul » et « se lever avant l’aube ». Mais chaque livre du cycle appelle sa formule à soi.

La construction de la notion de race fournit un pendant à celle de l’esclavage depuis quelques années déjà ; l’ouvrage que lui consacrent Jean-Frédéric Schaub et Silviana Sebastiani tente d’en faire le tour en parcourant les différentes époques, de son émergence à son installation ; on y retrouvera l’idée que la couleur de la peau et son lien à la condition servile ne cessent de se renforcer et ce, à mesure que les arguments contraires apparaissent. A chaque nouvelle étape de la recherche ou du discours contraire aux races, un retournement paradoxal intervient qui en fait un soutien plus ou moins direct à la théorie racialiste. On en viendrait même à douter des Lumières ; Jean-Yves Grenier, chercheur à l’EHESS, qui assure la recension de l’ouvrage pour LibéL ce jeudi, souligne ce paradoxe avant de conclure « Si l’abolition de l’esclavage n’a de ce fait, aucunement résolu le problème racial, c’est bien par contre dans la mobilisation de l’universalité pensée par les Lumières que la critique du racisme, encore aujourd’hui, trouve ses meilleurs armes ». Merci.

Du côté du Sud raciste des USA l’autrice Natasha Treteway rend hommage à sa mère, Gwendolyn assassinée par son second mari. Le premier était blanc et cette union mixte pas la bienvenue. La fille écrit donc ce Mémorial pour sa mère, une forme originale nous dit Raphaëlle Leyris : « un fragment poétique après l’autre, faisant émerger avec une douceur douloureuse et magnifique la figure de Gwendolyn (…) dans l’ultime tiers du livre, Natasha Tretheway décide de rendre la parole à sa mère à travers trois documents ahurissants. » L’un d’entre eux est le récit, rédigé par la mère des souffrances endurées auprès de ce nouveau mari. Comme un avant-goût d’une littérature de féminicides.

Avec Furies, Julie Ruocco écrit un livre qui part du conflit syrien pour s’étendre petit à petit aux portraits de femmes résistantes dans l’orbe des guerres terroristes du Proche Orient. Muriel Steinmetz souligne le contexte de 2011 à 2019, des Printemps arabes jusqu’à « la montée en masse des barbus assortis de femmes au niqab labellisé », venues d’Europe, un djihad ubérisé, « une croisade privée dans un contexte global .» » Résumons, le conflit syrien pour l’essentiel du cadre, le combat des femmes et les questions de mémoires pour les questions fondamentales. Un des livres de l’année.

Dans le pêle-mêle

Avec Aulus, Zoé Cosson signe une double entrée dans LibéL et l’Huma : son écriture simple et directe plaît. Le sujet ? Son père reprend un hôtel, devient « populaire » ; elle le raconte avec une ironie tendre, attentive « à la fragilité de cet homme qui veut refaire le monde comme on refait un hôtel » nous dit Alain Nicolas ; « un beau portrait de père », renchérit Virginie Bloch-Lainé. Père et fille donc, mais aussi fille et village ; là, les avis divergent « n’étant pas native d’Aulus, elle y sera toujours étrangère » pour VBL, « Elle y vient depuis son enfance, elle ne s’y sent pas étrangère » pour A.N. La foudre tombe au moins deux fois pour Claire Fercak et la voici dans l’Huma notamment pour ce curieux livre documentaire qui emprunte des éléments de la réalité des fulgurés et les affecte au personnage principal de cette histoire.

Portraits/Entretiens

Patrick Deville, s’entretient dans LibéL (samedi) sur la Polynésie essentiellement. Evocation de son œuvre, de son projet en douze volumes et deux tours du monde, l’un aller, l’autre retour. Il revient également sur sa méthode, ses carnets, les archives qu’il collecte et qui pourraient à présent être réunies : « ce serait bien que mes carnets soient scannés, au cas où je les perdrais ».

Marie Dejoux et Florent Georgesco s’entretiennent avec Florian Mazel pour sa Nouvelle histoire du Moyen-Âge. Le Directeur de la publication en profite pour préciser les enjeux de son ouvrage et le rôle important du M-Â dans notre monde contemporain.

Deux portraits croisés en der. du Figlitt : René Fallet et Françoise Sagan, à l’occasion de la parution de leurs journaux et correspondances.

A la semaine prochaine !

Index des auteurs cités dans les suppléments littéraires de cette semaine (cliquer ici pour télécharger)