A la Libreria d’Acqua Alta, autrement dit de cette périodes de hautes (alta) eaux (acqua), on sera submergé par les livres, qu’ils figurent en tête de gondole authentique(cl.1) ou bien par piles difficiles à écarter (cl.2) témoignant aussi bien de la richesse du stock que d’un certaine défiance vis à vis des entrepôt à la Amazon.

LES UNES

A la une du LibéL de ce samedi Jan Carson s’entretient avec Frédérique Roussel, à propos des Lanceurs de feu, un roman qui mêle Irlande du Nord contemporaine et réalisme magique.

Drôle d’alliance mais qui reflète à la fois son appartenance à la communauté unioniste (elle fait remarquer au passage que le cinéma U.S a tendance à ne présenter que le clan nationaliste catholique) et sa volonté de liberté.

A propos du personnage de Jonathan, passif, auquel elle s’identifie, elle commente : « En Irlande du Nord, nous avons le mot « dour » qui veut dire presbytérien, terne et pas drôle. C’est ainsi que Jonathan grandit avant de faire cette rencontre avec le merveilleux, une sirène. Pour moi cela a été la découverte avec l’art, à 16 ans, quand j’ai ouvert Les Hauts de Hurlevent. Toutes les lumières se sont allumées. »

C’est aussi l’idée que le littérature d’Irlande du Nord a su rester vivante après ( ?) le conflit des frontières.

« Au final, la romancière ne sort pas forcément grandie de ces écrits, dans lesquels pointent quelques saillies racistes ou antisémites. Elle apparaît très égocentrée, notamment durant la Seconde Guerre mondiale qui semble passer très largement au-dessus de sa tête. Mais peut-être est-ce le propre du journal intime, déversoir de ses propres névroses, phobies ou enthousiasmes. » Alexandra Schwarzbrod a lu (ou au moins parcouru – 1008p.) le journal de Patricia Highsmith, celle-ci y confie son amour des femmes en même temps que son inconstance totale.

Son journal lui sert de point de repère dans une vie d’errance pour ce qui concerne les questions matérielles (essentielles sur les craintes liées aux fins de mois) aussi bien qu’existentielles.

Mais le plus intéressant demeure l’écriture : « Ce que la romancière aime surtout, en amour comme en écriture, c’est l’« avant » ». « Tout livre est parfait jusqu’à ce qu’on commence à l’écrire », dit-elle le 30 octobre 1951. »

Une écrivaine en couches culottes pour la photo de Une de l’Huma, il s’agit de Natasha Threteway dans les bras de sa mère.

Celle-ci s’étant aventurée dans un second mariage mixte au Mississipi finira assassinée par son nouveau mari, lequel, évidemment sera absout.

L’histoire n’est pas toujours facile à suivre. « Le texte apparaît ainsi comme les pièces éparpillées d’un puzzle, où la mère se déplie dans sa mémoire douloureuse, telle sa silhouette dessinée à la craie sur le trottoir, ce jour-là, entre deux rubans adhésifs jaunes. »

La fille témoigne pour la mère dans un roman qui semble défier les recommandations de la grand-tante. : « Dans ce Mississippi encore gangrené par le Ku Klux Klan, sa grand-tante lui a glissé à l’oreille ce conseil de survie en milieu hostile : « Sois toujours aussi silencieuse qu’un rat pissant dans du coton. » »

La Croix s’intéresse à Dostoïevski, ça tombe bien, c’est le bicentenaire de sa naissance : « Avec Le Dieu de Dostoïevski, cette jeune agrégée de russe enseignant en classes prépa, à Lyon, réussit le tour de force de s’adresser à la fois aux novices et aux lecteurs plus chevronnés du romancier, leur proposant de creuser un thème pour le moins central dans son œuvre : sa foi chrétienne orthodoxe. » Mélinée Le Priol nous le dit, Dostoïevski passe du socialisme à l’orthodoxie via le bagne. C’est du moins la thèse de l’autrice Marguerite Souchon.

« Forum Philo Le Monde » en une…du Monde des livres. Comme tous les ans, le journal organise en collaboration avec la ville et l’Université du Maine des rencontres autour d’un thème à l’instar des journées de l’Histoire de Blois. Ce cahier s’ouvre donc avec le papier de Camille Froidevaux-Mettrie qui se définit comme philosophe féministe qui connaît un succès certain depuis la rentrée.

Elle reprend ici sa principale orientation « L’être humaine, c’est celle qui tient ensemble l’abstraction juridique des droits qui définissent l’individu dans la modernité démocratique, et l’expérience vécue d’un corps dont toutes les dimensions doivent être saisies à l’aune du choix et de la liberté. » Dans le cahier, Andrea Marcolongo, Elisabeth Roudinesco, et quelques autres encore.

Même s’il ne figure pas en une le véritable héros littéraire de la semaine pour le Figaro littéraire, c’est Baudelaire à l’occasion de l’exposition que lui consacre la BNF.

Son commissaire, Jean-Marc Chatelain nous initie à la modernité baudelairienne : « ce n’est pas l’adhésion au changement : c’est plutôt la conscience du présent produite par le souvenir du passé, la conscience de la singularité de l’un avivée par la perte de l’autre », autrement dit elle repose sur la mélancolie.

Le papier introductif de Thierry Clermont retrace la personnalité du poète rappelant que pour lui, parmi les droits de l’homme « deux assez importants ont été oubliés, qui sont le droit de se contredire et de s’en aller. »

Il rappelle aussi la figure d’un écrivain italien récemment disparu qui avait particulièrement bien compris Baudelaire : Roberto Calasso. (voir tableau)

Dans le pêle-mêle

« On prend le pouls d’une ville où protestants et catholiques, « flics et manifestants, pauvres et riches » se croisent sans se connaître. Il y a des enfants aux étranges pouvoirs. L’un a des roues à la place des pieds, un autre voit l’avenir dans les surfaces liquides… Les parents de ces « infortunés de Belfast-Est » se réunissent pour confesser leur douleur. Il s’agit toujours du roman de Jan Carson » mais vu par…… de l’Huma.

Deborah Levy continue sa tournée des titres français à l’occasion de la parution du troisième volume de…quoi au fait ? Disons de son autobiographie littéraire. Dans LibéL elle mange du fromage en compagnie de Philippe Lançon.

Jacques de Saint-Victor n’a pas aimé, mais alors pas du tout l’intro de la Nouvelle histoire du MoyenÂge dirigée par Florian Mazel « nos bons esprits ne voudraient pas que le lecteur sombre pour autant dans une idolâtrie de cette époque et finissent par faire l’éloge de choses dérangeantes comme les racines chrétiennes de l’Europe ! » il concède cependant que le volume est important vis-à-vis des découvertes présentées.

Portraits/Entretiens

La une du Figlitt pour Julian Barnes bien qu’en pages intérieures ce soit Baudelaire qui lui vole la vedette. A l’occasion de la parution en Quarto de ses principaux romans Bruno Corty s’entretient avec l’écrivain « C’est étrange, mais je n’ai jamais fait le bilan de ma carrière en essayant d’en avoir une vision globale (…) Je me suis simplement sur le prochain projet qu’il soit littéraire ou journalistique. » dans l’ensemble il fait montre de recul sur son œuvre. Chimananda Ngozi Adichie en portrait pour le MDL. L’écrivaine américaine d’origine nigériane y dit à quel point la mort de son père en pleine pandémie l’a touchée, aéroports bloqués, impossible de rentrer nous dit Galdys Marivat, impossible également de continuer à écrire « comme avant ». « Quand il est devenu clair que j’allais pouvoir gagner ma vie en écrivant des romans, mon père m’a énormément soutenue, Il lisait tout ce que j’écrivais, en me faisant des retours très honnêtes. » Un livre en sort Notes sur le chagrin.

Une semaine chargée en références ; et ce palmarès du Figlitt alors ?

Goncourt ; Le voyant d’Etampes, Abel Quentin

Renaudot ; Châteaux de sable, Louis-Henri de La Rochefoucauld

Fémina ; S’adapter, Clara Dupont-Monod

Médicis ; Les Promises, Jean-Christophe Grangé

Interallié ; S’il n’en reste qu’une, Patrick Francheschi

Le Médicis c’est Angot mais le Fémina c’est effectivement Clara Dupond-Monod

Index des livres cités dans les suppléments littéraires de cette semaine