Chronique 51 – 21/10/2021

Une semaine qui voit revenir certains noms confirmés de cette rentrée comme Christine Montalbetti ou Bernanos et qui s’intéresse également aux fondements de la langue française avec la Grande Grammaire.

LES UNES

L’affaire de la semaine c’est la grammaire, commentée par virginie Bloch-Lainé pour LibéL. Pas seulement la grammaire mais La Grande Grammaire du Français faite par … « sur cinquante-neuf collaborateurs, trente sont des femmes » …par essentiellement des femmes donc.

Et VBL de relever les innovations comme celle de la version numérique qui consiste à entendre les parlers locaux : parce qu’elle tient compte de la variété des langues françaises. Elle fait également la part belle à des auteurs comme Modiano, Duras, qui se sont révélés depuis Vaugelas, le père de ce type d’ouvrages en 1647. « La base est suffisamment solide pour supporter une marge de jeu » assure la critique qui pointe les nouveautés avec une certaine gourmandise.

« Une grammaire du français contemporain et de l’espace francophone, tel qu’il se parle et s’écrit depuis les années 1950 jusqu’à aujourd’hui et son usage dans le monde numérisé », résume pour sa part Stéphane Bataillon pour La Croix, qui relève, pour sa part, les 20 pages réservées aux écritures numériques jusqu’aux émoticônes. Miam !

C’est peut-être elle qui écrira le roman de la crise Covid ; Christine Montalbetti nous dit en une de l’huma « Depuis un an je réunissais des brouillons sur les personnages. Et le premier confinement est arrivé. Brutalement j’ai eu la sensation que tout ce que j’avais écrit était périmé (…) Il fallait que je témoigne de ce que c’est qu’écrire un roman qui doit ressembler le plus possible au monde du lecteur à sa parution, alors que ce monde sera brisé en cours de lecture. »

Alain Nicolas relève par ailleurs que l’autrice doit « intégrer dans le texte ce qui en est l’enjeu vital, la relation patiemment tissée entre elle et son lecteur. » On sent un tournant dans son travail comme le soulignent les articles de cette rentrée.

Pour la fin du monde, voyez le Figaro. Les romans apocalyptiques sont à la base du dossier de la semaine et, en particulier celui Florian Forestier, Basculer qui repose davantage sur la prise de conscience de l’effondrement intérieur des individus composant une société que sur le grand soir de la catastrophe planétaire.

A côté de cette position relativement posée on trouve Climax de Thomas B.Reverdy ou L’ours d’Andrew Krivak qui font la part belle aux évolutions dramatiques.

Avec David Klass et son polar sur la traque d’un écolo-terroriste, c’est le thriller qui s’impose, plus classique : un homme habité par un combat juste mais qui perd de vue les victimes innocentes d’un côté, de l’autre, un enquêteur du FBI, doté d’une conscience écologique toutefois. A lire nous dit Bruno Corty.

La fin du monde n’est pas très éloignée non plus de Mississippi Driver, le polar de Lee Durke en une du Monde des Livres. « Opioïdes, alcool, solitude… C’est le Mississipi des caravanes et des bungalows » comme le souligne Macha Séry à propos de ce roman qui met en scène un chauffeur de taxi, ancien prof de fac (viré pour « une altercation »).

Bref des histoires en tous genres qui dépendent du flux des passagers et de la résistance du chauffeur. Un monde déjà naufragé.

« Ce que cherchent les « bernanosiens » en suivant ce flambeau c’est ça : une lutte sans merci avec le mal, le silence, le vide, la mort, pour accéder à cet état d’enfance, sans aliénation ni compromis, qui passe par toutes sortes de déroutes, de fuites, et même de crimes, qu’on appelle la grâce. » Philippe Lançon note que François Angelier appartient au club qui voit derrière les engagements parfois hasardeux de Bernanos, un aventurier intrépide à qui l’on ne peut faire grief de son caractère entier.

Ce qui apparaît surtout à travers les prises de position citées par l’article, ainsi que les citations de ceux qui l’approchent, c’est que l’homme, comme l’écrivain refusent jusqu’au bout l’engagement dans quelque parti que ce soit jusqu’à celui de la légion d’honneur. Bernanos serait peut-être surpris de son actualité – plusieurs unes depuis deux trois ans entre Pléiade et biographies – au sein d’une époque qu’il jugerait peut-être très éloignée de ses préoccupations.

La une de La Croix pour S’adapter, le livre de Clara Dupont-Monod qui prend pour thème « l’arrivée » d’un enfant handicapé au sein d’une famille vivant dans les Cévennes.

Réactions différentes bien sûr, découvertes des vocations de celles qui s’occupent de ces enfants et, nous dit Sabine Audrerie, « les pierres ocre de la cour du domaine familial. Ce sont elles, les pierres immuables, seules à connaître tous les secrets du lieu et de ses habitant, qui emmènent loin avec ce récit. »

Dans le pêle-mêle

Raphaël Haroche et son recueil de nouvelles ont droit, après Bruno Corty la semaine dernière (« Il y a souvent un personnage bizarre, inquiétant ou grotesque dans ces histoires ») aux colonnes du LibéL de ce samedi.

Claire Devarrieux y relève l’étrangeté en soulignant que ce n’est pas seulement le « squelette d’une intrigue imparable : les pièges sont entourés de chair » d’ailleurs, repèrent les critiques, l’auteur n’apparaît- il pas dans un dernier texte intitulé Coda dans lequel il s’explique sur l’ensemble du recueil ?

Thomas B.Reverdy a le droit à la page portrait de La Croix après celle du Monde, confirmation qu’une partie du succès de cet écrivain tient à sa biographie, la perte de sa mère alors qu’il n’a que 18 ans. Florence Bouchy soulignait dans le MDL (17/09) « l’écrivain semble avoir élargi sa focale et trouvé, avec Climax, le point d’équilibre entre nécessité intime et horizon collectif. »

William Gardner Smith a les honneurs de l’Huma après ceux de LibéL, il faut dire que Le visage de pierre raconte comment cet écrivain Noir-Américain comprend que derrière la vie assez facile à Paris se cache un racisme qui l’épargne, il est à la mode, pour se focaliser sur les Algériens.

Portraits/Entretiens

Maria Pourchet avec Feu, et quelques semaines après la une du MDL, s’entretient avec Virginie Bloch-Lainé dans LibéL samedi et revient sur l’histoire d’amour impossible, car illusoire, qu’elle a mise en scène dans Feu. Identification au personnage masculin et emprunts à Romain Gary : « il y a dans chacun de mes romans un personnage que je ressuscite du royaume de Gary. »

A lire, l’entretien de Christine Montalbetti dans Le RVDL de L’huma. (Voir Unes). Entretien à propos de la Nouvelle Histoire du Moyen-Âge, dans Livres et idées, avec Florian Mazel « Notre ouvrage entend recoudre le tissu historiographique, et montrer que l’Église comme institution a eu un rôle beaucoup plus moteur que le christianisme comme religion. » voilà qui va faire plaisir au supplément de La Croix.

Le portrait d’Alain Deneault est assuré par David Zerbib pour le MDL ; l’auteur de livres critiques qui lisent la société capitaliste avec clairvoyance, à l’image de La Médiocratie en 2015, revient sur les processus contemporains d’asservissement. Le portrait est celui d’un militant raisonné qui développe une pensée au long cours et qui fait mouche à chaque fois.

Enfin le Figlitt nous donne des nouvelles de Kenneth White dont l’autobiographie paraît (« Il était temps » dit-il à Thierry Clermont). L’article rappelle les principales étapes de son parcours ; à la fois trouvère et spécialiste et aussi fondateur de l’Institut de Géopoétique contre « les produits culturels proposés par ce supermarché du bonheur où nous vivons. »

Beaucoup de rencontres cette semaine comme on peut le voir.

Index des auteurs cités dans les suppléments littéraires de cette semaine

(cliquer ici pour le télécharger)