Une actualité presque toute de postérité cette semaine, partagée entre deux figures de la vie des lettres françaises, à savoir Flaubert et Césaire, le premier dans La Croix et le Figaro, l’autre pour Libé et l’Humanité. Mais aussi une réflexion sur les biographies fictives.

La chronique audio dela semaine

 

LES UNES

Deux approches de Flaubert, d’un côté le Figaro littéraire avec comme un jeu, de l’autre La Croix qui s’est davantage focalisé sur la portée littéraire de l’événement.

Le Figlitt interroge une série d’écrivains pour leur faire dire quel personnage de Flaubert ils préfèrent ; Dans la famille Flaubert ils aiment… nous dit-on et non pas ils s’identifient à

Voici donc Patrick Grainville qui va à l’essentiel avec Emma « Il y a ce tournant dans Madame Bovary où Flaubert tombe amoureux de son héroïne, il en oublie de brocarder ses naïvetés. Le voilà tout éberlué de beauté. Car l’adultère transfigure Emma. »

Eliette Abécassis choisit Mme Arnoux et Eric-Emmanuel Schmitt Saint Julien.

Julian Barnes prend pour sa part le parti de Justin, l’autre amoureux de Bovary d’un dévouement sincère et total « il aime une belle femme qui ne fait pas la moindre attention à lui. »

Au-delà de cette page Régis Jauffret et Thierry Dussart abondent l’actualité, tandis que Thierry Clermont présente le volume de correspondance entre Flaubert et…Tourgueniev, les deux hommes étaient en effet liés par une amitié reposant sur l’admiration littéraire. « les deux compères, qui se verront à une douzaine de reprises, se livrent à cœur ouvert, avec une franchise complice et une ardente effusion qui font tout le sel du livre. »

Le dossier de La Croix est plus resserré. Il s’ouvre sur la présentation des deux volumes de la « Pléiade » par Francine de Martinoir. Elle souligne le travail accompli sur l’Education sentimentale et les derniers textes : « Ce qu’il ne souhaite pas dire dans ses romans, il l’exprime dans des œuvres qu’il juge moins sérieuses, révélant des passions anciennes, comme son amour du théâtre, né d’un désir d’évasion »

Suivent un article de Jean-François Fournel sur le rapport à la Normandie et Sabine Audrerie qui revient sur son rapport à l’Orient (à travers les images) : « L’Orient, qui le fascina dés l’enfance, a part intimement liée à son inspiration. La sensibilité flaubertienne est marquée par les peintres vénitiens et l’orientalisme romantique. ».

Enfin, Jean-Pierre Rioux tire au clair les liens de Flaubert à l’Histoire qui « traque les faits avec une obsession documentaire et un tourment d’écriture irrépressible ». Peu républicain, trop lucide en réalité pour prendre le parti de qui que ce soit : « Il est resté un anar confortable et pessimiste voué à l’art, qui doute d’une évolution des sociétés et se plaît d’abord à scruter « l’animalité de l’homme » et sa bêtise « formidable et universelle » : rien de progressiste ni d’humaniste en lui. »

Un dossier bien ficelé.

De l’autre côté c’est la figure de Césaire qui s’éclaire à l’occasion de la publication de sa biographie (hors anniversaire) par Kora Véron et sobrement intitulée Aimé Césaire.

Muriel Steinmetz s’entretient avec l’auteure responsable du « groupe Aimé Césaire » (CNRS-ENS) dans L’Huma ; on y voit se dessiner la figure d’un écrivain à la fois reconnu et jaloux de son indépendance tout en étant attaché aux aspects universels de sa lutte contre le colonialisme, le racisme et l’antisémitisme.

On ne peut le réduire à une cause même s’il fut le chantre de la négritude au titre nous rappelle l’auteure, « qu’il fallait que les Antillais prennent conscience de la partie de la partie de leur histoire et de leur culture liée à l’Afrique ; en fassent un objet de fierté, non d’ignorance ou de rejet. »

Dans LibéL à propos du même ouvrage, Frédérique Roussel met l’accent sur l’indépendance d’esprit et de sa lassitude face à la… négritude : « Intellectuellement parlant, je me considère comme un nègre rebelle. Vous savez, ceux qu’on appelle les marrons. Ombrageux comme eux. Je n’appartiens à aucun cercle, à aucune école, même surréaliste. » Bref, un peu à la Flaubert.

Et puisqu’on en est aux célébrations des écrivains et artistes signalons la une du LibéL de samedi (1er mai) qui met en exergue Max Aub, l’auteur, mais surtout la figure du « peintre cubiste, catholique et catalan : Jusep Torres Campalans, » peintre qui laisse outre quelques photos en compagnie notamment de Picasso, des Cahiers verts lesquels livrent les clefs de son œuvre d’autant plus précieuses que, comme le souligne Philippe Lançon, il n’a jamais existé. S’il invente un destin romanesque à son personnage, Aub lui-même connaîtra l’internement pendant la seconde guerre mondiale, dénoncé comme communiste, il sera condamné aux travaux forcés. Ou quand la biographie se plaît à constituer le principal terreau de la mystification littéraire.

Pour finir, cette une du monde des livres consacrée à la bataille de Wounded Knee à savoir le travail d’un anthropologue français, Olivier Laurent, qui livre un ouvrage à la fois de recherche et de récit retraçant l’un des massacres les plus importants perpétré contre les indiens, en l’occurrence les Sioux, commis par les USA.

« Les noms gravés semblent sortis d’un scénario hollywoodien nous dit Marie-Hélène Fraïssé, Red Eagle, Swift Bird, Ghost Horse… Liste non exhaustive, car ce sont plus de 300 Amérindiens du groupe dit « Sioux des Plaines » (Lakota, Oglala, Hunkpapa, Minneconjou…), pour moitié des femmes et des enfants, qui sont tombés sous les balles ou ont été déchiquetés par les canons du 7e régiment de cavalerie, le 29 décembre 1890 ».

Cette page d’Histoire, que bien des européens connaissent à travers leurs fascinations d’enfance pour les coureurs de plaines, l’anthropologue français la reconstitue dans un livre même si son ultime but est de créer un véritable site archéologique dévolu à la vérité historique, entre révolte et massacre. Il attend les autorisations.

Dans le pêle-mêle

Un thème traverse l’actualité sans la quitter vraiment, celui de la guerre au Cambodge et au Vietnam avec le livre de Kim Thuy, Em renforcé cette fois par celui de Jeanne Truong Ceux qui sont restés là-bas comme le rappelle Arnaud Vaulerin dans LibéL.

Quand à Thomas Stélandre, dans le même numéro, il loue l’humour de Sebastian Coe et son Billy Wilder et moi qui repose notamment sur l’addiction d’une actrice au Brie de Meaux.

Il est encore question, dans le Figlitt cette fois, du polar médiéval de Jean-Claude Schmitt à propos des démons et des dégâts qu’ils peuvent occasionner dans un monastère ; Robert Redeker souligne les qualités historiennes du livre mais sa faiblesse sur l’interprétation du texte découvert, un manuscrit original de l’Abbaye de Schöntal évoquant les attaques des démons au sein d’icelle : « évaluation subjective aux antipodes de toute approche scientifique ».

C’est tout pour cette semaine.

Index des auteurs cités dans les suppléments littéraires de cette semaine (cliquer ici pour télécharger)

Libération (Samedi 01 MAI)
Auteur Editions Titre Page
AUB Max Verticales Jusep Torres Campalans 1
VERSAAS Tarjei Cambourakis Les ponts 4
TRUONG Jeanne Gallimard Ceux qui sont restés là-bas 5
THUY Kim Liana Levi EM 5
SACHDEVA Anjali Albin Michel Tous les noms qu’ils donnaient à Dieu 5
ADJEIBRENYAH Nana Kwame Même éditeur Friday Black 5
PETIT Elodie; LE LOUVIER Marguerin Rotolux press Anthologie douteuse 6
SCHNECK Colombe Stock Deux petites bourgeoises 6
BELPOIS Bénédicte Gallimard Saint Jacques 6
BESSIS Sophie Elyzad Je vous écris d’une autre rive, lettre à Hannah Arendt 6
MROZEK Slawomir Noir sur blanc Des chocolats pour le directeur 6
MERCIER Franck Editions de l’EHESS Piero Della Francesca. Une conversion du regard 6
BENASAYAG Miguel; CANY Bastien La Découverte Les nouvelles figures de l’agir. Penser et s’engager depuis le vivant 6
SIGMUND Karl Markus Haller Pensée exacte au bord du précipice. Une histoire du cercle de Vienne 6
MANCHETTE Jean-Patrick La Table ronde Play it again, Dupont. Chroniques ludiques 1978-1980 7
COE Jonathan Gallimard Billy Wilder et moi 8
GOUDREAULT David Philippe Rey Abattre la bête 8
L’humanité
Auteur Editions Titre Page
VERON Kora Le Seuil Aimé Césaire 20
JANIN Mathilde Actes Sud Soror 20
ANDRAS Joseph Actes Sud Au loin le ciel du sud 21
ANDRAS Joseph Actes Sud Ainsi nous leur faisons la guerre 21
DELAUME Chloé Points Sororité 21
PRIVAT Suzanne Les Avrils La famille 21
ROUAUD Jean Grasset La constellation Rimbaud 21
LÖWY Michael; BESANCENOT Olivier Manifeste Marx à Paris, 1871. Le cahier bleu de Jenny 22
STREIFF Gérard Ampelos Marivo, Marie-Claude Vaillant-Couturier. Une vie de résistance 22
NORGUEZ Marc Les Indes savantes Les ouvriers du livre au XIXème siècle. Luttes sociales et révolutions 1848-1871 22
DUPONT François-Michel Le Vistenboir Western 22
LA PENSÉE Fondation Gabriel Péri « De la Russie » 22
Libération (samedi 8 mai)
Auteur Editions Titre Page
VERON Kora Le Seuil Aimé Césaire 1
LEFEBVRE Camille Fayard Des pays au crépuscule. Le moment de l’occupation coloniale (Sahara-Sahel) 3
MILLOT Catherine Gallimard Un peu profond ruisseau 4
LINDA; ARCELIN Jean XO editions L’ange de Pigalle 4
Le Figaro
Auteur Editions Titre Page
DE CLERMONT-TONNERRE Adélaïde Grasset Les jours heureux 1
DUSSARD Thierry Paulsen Fantaisie vagabonde 4
JAUFFRET Régis Seuil Le dernier bain de Gustave Flaubert 4
FLAUBERT Gustave; TOURGUENIEV Ivan Le Passeur Je n’ai pas les nerfs assez robustes pour vivre dans ce monde-là 4
SNAJDER Slobodan Liana Levi La réparation du monde 5
BOYD William Seuil Trio 5
McBride James Gallmeister Deacon King Kong 5
SCHMITT Gallimard Le cloître des ombres 6
AURELL Martin PUF Excalibur, Durandal, Joyeuse. La force de l’Epée 6
WRIGHT Charles Stock Le chemin des estives 7
DE LA BROSSE Gaëlle Salvator A Compostelle 7
YSLAIRE Dupuis « Aire Libre » Mademoiselle Baudelaire 7
VERON Kora Le Seuil Aimé Césaire 8
AILE Marijosé Hervé Chopin Entretiens avec Aimé Césaire 8
       
La Croix
Auteur Editions Titre Page
FLAUBERT Gustave Bibliothèque de la Pléiade Œuvres complètes IV & V (1) 11
SEGINGER Gisèle Citadelles & Mazenod L’Orient de Flaubert en images 13
WINOCK Michel Tallandier Le Monde selon Flaubert 14