Cette semaine l’actualité joue avec le passé et la postérité, postérité immédiate comme pour Philippe Jacottet, passé génocidaire, rwandais et douloureux, salvadorien et difficile, mélancolique, bref, pas question de faire table rase.
La chronique audio de la semaine dernière
LES UNES
« Ouvrir les pages en silence, avec une joie d’après larmes, et retrouver trois facettes de son écriture : les notes sur l’art, les poèmes et la prose poétique. »
C’est le programme proposé par Stéphane Bataillon pour rendre hommage à Philippe Jacottet dont trois livres paraissent, immédiatement posthume (il disparait le 24 février le 24 février.)
« Jaccottet reprend une ancienne forme poétique courte, galante et spirituelle, venue d’Italie, pour chanter sous l’égide de Dante un émerveillement inquiet qu’il nous invite à partager dans un banquet final et mystérieux » pour ce qui est des madrigaux, mais aussi un recueil consacré à la peinture, en commençant par celle de Courbet.
Mélancolique et léger, Manuel Vilas fait la une du Rendez-vous des livres (l’Humanité). Sophie Joubert nous présente ce volume qui suit Ordesa « succès international inattendu ».
La vie de l’auteur en est perturbée, le voici sur les routes à la rencontre de ses lecteurs avec, nous rappelle la critique, les membres de sa famille qu’il continue de nommer en utilisant des noms de musiciens, qui plus est, abrégés : Valdi son fils, Mo sa seconde femme (Vivaldi et Mozart).
Cette fois note-t-elle, l’espace s’ajoute au temps généré « un perpétuel mouvement qui fait flotter le narrateur dans un espace-temps incertain » mais c’est toujours le même ton entre nostalgie et humour avec un élan vers « un lyrisme empreint de mysticisme »
Après Jean Hatzfeld, c’est au tour de Patrick de Saint-Exupéry de s’intéresser au Rwanda, sous l’angle de la fuite hutu dans le pays voisin. Pour Maria Malagardis, l’auteur a entamé un vrai périple de journaliste de terrain dans une forêt à la Conrad : « dans un labyrinthe où le héros s’enfonce comme dans les boyaux d’un monstre, pour en trouver un autre : un Minotaure qui a renié sa part humaine. ».
Il revient sur une histoire qu’il a « couverte » il y a 25 ans et met en évidence l’absence de génocide côté Hutu. « Saint-Exupéry ne prétend pourtant pas asséner des vérités. Il garde le ton neutre de l’observateur qui, d’étape en étape, se contente de raconter ce qu’il voit et surtout ce qu’il entend. » prévient la journaliste qui connaît bien l’auteur.
Mais il ne peut cacher son indignation face aux mensonges répétés qui ont marqué notre perception de la question rwandaise et appelant génocide des Hutus ce qui était une guerre, des difficultés de survie et… le rapatriement de bon nombre d’entre eux.
Encore plus oubliée, la guérilla salvadorienne n’en a pas moins laissé des traces profonde dans la société et Claudia Hernandez s’est donné pour tâche d’en parcourir la mémoire ; le titre de son ouvrage, Défriche coupe et brûle en donne une idée : « En plus d’être une technique et une pratique agricole précolombienne, c’est le nom de la stratégie militaire utilisée dans la région pendant la guerre et une allégorie du cycle vie-mort-résurrection. »
Ses personnages portent les noms neutres de leur place dans l’existence « la mère, la fille cadette, le compagnon, etc. » Facilité d’écrivain ? « Au fur et à mesure des années passées à les écouter j’ai peu à peu compris que l’omission des noms n’était pas seulement due à la peur d’être identifiées, mais était aussi une marque de respect envers celles qui ont dû agir sous la pression de circonstances exceptionnelles, un geste de pardon sinon de réconciliation. » L’auteure ne laisse que très peu d’indices sur son identité et sa situation actuelle, une manière d’effacement qui sert sa cause à n’en pas douter.
Lorsque l’actualité ralentit, c’est Paris ! autrement dit, des ouvrages qui invitent à la flânerie dans Paris, une activité aussi récréative que créative. Le Monde des livres et le Figaro littéraire succombent à son charme ; le premier en offrant sa une à la rue Férou de Lydia Flem, du côté de Saint Sulpice, courte mais chargée d’Histoire « à travers l’évocation d’une rue d’apparence modeste mais où sont passés (entre autres) Madame de La Fayette et Man Ray, Ernest Renan et Prévert enfant, Hemingway et le poète Michel d’Amboise, l’académicien Michel Déon et même le chanteur Jean-Jacques Goldman, acquéreur en 1996 de l’hôtel particulier dit « de Luzy » » Rue dans laquelle la psychanalyste et historienne séjourne le temps d’un livre.
Le Figaro littéraire y ajoute, dans son dossier un diplomate qui propose un roman entier autour de la ligne 11, Bernard Chambaz qui « zone » par les boulevards des maréchaux, mais aussi le Paris secret de l’académicien Lenôtre. Le plus étonnant sera sans doute ce livre au format des comic-strips américains, des histoires en trois cases mettant en scène Emil Cioran, silhouette qui arpente la ville en formulant quelques- uns de ses aphorismes dont celui qui figure en 4eme de couverture « Paris le point le plus éloigné du Paradis, n’en demeure pas moins le seul endroit où il fasse bon désespérer. »
Dans le pêle-mêle
Le titre anglais, How beautiful we were dit peut-être mieux que le titre français Puissions-nous vivre longtemps ceux qui furent naguère les nouveaux damnés de la terre, avance Corinne Renoun Nativel, qui relève la force du nouveau roman d’Imbolo Mbue, auteure Afro américaine à proprement parler puisque nouvelle dans ce pays, qui n’a pas oublié les villages africains qui se meurent à l’ombre du capitalisme pétrolier.
C’est une grosse semaine pour la Commune également, avec des articles qui errent entre les pages livres et les autres. Et si l’on rappelle le Maitron, c’est aussi pour célébrer dans le MDL l’ouvrage collectif (1438p.) dirigé par Michel Cordillot. Au total une dizaine de livres autour du thème, des tableaux de Paris de Théophile Gauthier et des mémoires de Louise Michel aux « Pétroleuses » d’Edith Thomas réédité en « Folio Histoire ».
Des anthologies et des représentations dont il est question dans les pages politiques aussi bien que littéraires.
Index des auteurs cités dans la presse de cette semaine (cliquer pour télécharger)
L’humanité | |||
Auteur | Editions | Titre | Page |
VILAS Manuel | Editions du Sous-Sol | Alegria | 1 |
MARDAM-BEY Farouk | Actes Sud | Tous témoins | 2 |
LEROY Gilles | Mercure de France | Requiem pour la jeune amie | 2 |
MAUREL Anne | Verdier | La fille du bois | 3 |
BIGIARETTI Libero | Allia | La maladie | 3 |
DRUMMOND Denis | Le Cherche-Midi | Le dit du vivant | 3 |
PHILIPPE Sébastien; STATIUS Tomas | PUF | Toxique | 4 |
THOMAS Jean-Baptiste | Editions sociales | Découvrir la commune de Paris | 4 |
ROBERT Anne-Cécile | Lux | Dernières nouvelles du mensonge | 4 |
LAFFITTE Roland | Geurthner | De l’arabe dans le français décoincé | 4 |
COLLOMBAT Benoit: CUVILLIER Damien | Futuropolis | Le choix du chômage | 4 |
Libération | |||
Auteur | Editions | Titre | Page |
DE SAINT-EXUPERY Patrick | Les Arènes | La traversée. Une odyssée au cœur de l’Afrique | 1 |
OFFERLE Michel | Gallimard | Ce qu’un patron peut faire. Une sociologie politique des patronats | 3 |
JOLY Hervé | Flammarion | A Polytechnique. X 1901 | 4 |
ROQUES Dominique | Grasset | Cueillir d’essences | 4 |
Le Figaro | |||
Auteur | Editions | Titre | Page |
CHANDERNAGOR Françoise | Albin Michel | L’homme de Césarée | 1 |
FLEM Lydia | Seuil | Paris fantasme | 2 |
ORTIZ Sébastien | Gallimard | Châtelet-Lilas | 2 |
CHAMBAZ Bernard | Flammarion | Zoner | 2 |
CIORAN Emil; REYTIER Patrice | Rivages | On ne peut vivre qu’à Paris | 3 |
LENOTRE G. | Libretto | Mes secrets de Paris | 3 |
BAILLY Pierric | POL | Le roman de Jim | 4 |
THUY Kim | Liana Levi | Em | 4 |
STRESI Alexia | Stock | Batailles | 4 |
PICCA Aurelio | Christian Bourgeois | L’arsenal de Rome détruite | 5 |
SMITH Zadie | Gallimard | Grand union | 5 |
KUREISHI Hanif | Christian Bourgeois | D’amour et de haine | 5 |
BOUDON Jacques-Olivier | Passés/composés | Les quatres sergents de La Rochelle | 6 |
ELAYI Josette | Perrin | L’Empire Assyrien | 6 |
CLERMONT Thierry | Arléa | La balade de Galway | 7 |
EL MAKKI Laura; GRILLET Pierre | Michel Lafon | Les incomprises | 7 |
FEJZULA Toni | Ankama | Patria | 7 |
CAROL OATES Joyce | Philippe Rey | J’ai réussi à rester en vie | 8 |
CAROL OATES Joyce | Philippe Rey | Poursuite | 8 |
La Croix | |||
Auteur | Editions | Titre | Page |
JACCOTTET Philippe | Gallimard | Le Dernier livre de Madrigaux et La Clarté Notre-Dame | 11 |
JACCOTTET Philippe | La Dogana | Bonjour, Monsieur Courbet | 11 |
KAPLAN Leslie | POL | L’Aplatissement de la Terre suivi de Le Monde et son contraire | 12 |
MBUE Imbolo | Belfond | Puissions-nous vivre longtemps | 12 |
THUY Kim | Liana Levi | Em | 13 |
LAUFER Danièle | Ed. du Faubourg | Venir après | 14 |
CHRISTOPHE Francine | Grasset | L’Enfant des camps | 14 |
FAUCONNEAU DU FRESNE Madeleine; ROUGIER Emmanuel | EdiSens | L’Etoile blanche | 14 |
JISHENG Yang | Seuil | Renverser ciel et terre. La tragédie de la Révolution culturelle 1966-1976 | 15 |
CHENG Anne | Folio Essais | Penser en Chine | 15 |
NORA Pierre | Gallimard | Jeunesse | 15 |
BOEGLIN Jean-Georges | Téqui | Les Trois Ennemis de mon âme | 16 |
HORVILLEUR Delphine | Grasset | Vivre avec nos morts | 16 |
LUTAUD Bénédicte | Cerf | Femmes de papes | 16 |
FERRARONI Tiziano | Facultés jésuites de Paris | La Brèche intérieur | 17 |
KELEN Jacqueline | Salvator | Mise au tombeau | 17 |
REBOUL Anne-Laure: REBOUL Naomi | Sarbacane | Iris, deux fois | 18 |
FEJZULA Toni | Ankama | Patria | 18 |
TAKALO Tiitu | Sarbacane | Memento Mori | 18 |
MUNUERA José-Luis | Dargaud | Bartleby, le scribe | 18 |
COCO | Les Arènes | Dessiner encore | 18 |