L’héroïne littéraire de la semaine c’est Florence Aubenas, en Une de Libé livres, du dossier du Figaro magazine consacré aux grandes plumes du journalisme et dans le supplément de La Croix, Livres et Idées. Mais il y a aussi des idées avec le retour des fondateurs d’Esprit et celui d’Albert Memmi, de la littérature avec un grand L pour Gonçalvo Tavares ; bref c’est une semaine sacrément riche !

 

LES UNES

En une de la semaine donc, Florence Aubenas qui revient sur un vrai fait divers, quelque chose qui pourrait finir dans un Faites entrer l’accusé, le meurtre d’une femme Catherine Burgod : ambiance retranscrite par Claire Devarrieux « Catherine Burgod est dans la salle de repos, à l’arrière. Sa tasse de café attend sur la table, avec ses cigarettes et son journal, ses mots fléchés, il n’y a aucun désordre et du sang partout. Entre l’évier et le coffre gît la postière. Elle a reçu vingt-huit coups de couteau. »

Ce n’est pas cet aspect qui domine mais plutôt l’histoire d’un homme accusé à tort, qui vit avec ses compères SDF à trois dans une cave après avoir été César de l’espoir masculin, Gérald Thomassin. Claire Devarrieux insiste. « On a beau retarder le moment de le dire, tellement on a peur de vendre la mèche, le personnage principal de l’inconnu de la poste, c’est lui. » Il est innocenté mais il disparaît à nouveau et pour de bon. Un autre fait divers.

Le Figaro littéraire s’intéresse à partir de cette même figure de Florence Aubenas aux journalistes-écrivains et une semaine après LibéL.

Astrid de Larminat, Bruno Corty et Mohammed Aïssaoui proposent un dossier dont les auteurs phare en dehors de Florence Aubenas se nomment David Grann et Joy Sorman côté créateurs et Robert S. Boyton côté Histoire de la littérature de reportage.

Celle-ci n’est pas toujours aisée à définir comme le rappelle Bruno Corty en citant Guy Talese « « vous devez vous situer dans une catégorie si non les libraires de Barn et Nobles ne savent pas sur quelle étagère vous ranger (…)je veux juste écrire sur les gens, comme dans une nouvelle mais avec de vrais noms » il commente « Quelle magnifique définition du journalisme littéraire. » Côté journalistes la tentation est grande d’y voir un signe Florence Aubenas est prudente : « Si je devais choisir une étiquette, ce serait journaliste, reporter, plutôt qu’écrivain ».

De la littérature, de la vraie, en une de l’Humanité avec Le quartier de Gonçalo M.Tavares dont Alain Nicolas rappelle le meilleur avis critique, celui de José Sarramagno «Gonçalo Tavares n’a pas le droit d’écrire aussi bien à seulement 35 ans, ça donne envie de le battre. »

Ce jugement, (excessif pour tous les auteurs qui n’y auront pas eu droit) souligne s’il en était besoin l’originalité de cet auteur qui a commencé à écrire sur la littérature comme s’il s’agissait d’un réservoir à personnages de fiction. Après des volumes consacrés à un auteur ou à un autre, il passe au quartier des écrivains (O Bairro), autrement dit une utopie au sein de laquelle des personnages aux noms d’écrivains célèbres occupent des maisons, « sorte de « village d’Astérix, où l’on essaie de barrer la route à la bêtise » ».

Alain Nicolas nous explique avec une certaine jubilation que « Dessiner un quartier c’est construire un espace, définir des relations. Décider qu’Italo Calvino et Paul Valéry seront voisins, rapprocher le savant et théologien illuministe Swedenborg du surréaliste André Breton, tout comme loger à l’écart M.Walser témoigne d’une certaine idée de la littérature et de l’art. »

La une de la Croix pour une expérience à la fois idéaliste et chrétienne (post seconde guerre) celle des intellectuels rassemblés autour d’Emmanuel Mounier et d’autres figures de résistants et intellectuels chrétiens. Un lieu les accueille, Les Murs blancs, on sent là aussi l’utopie, elle tiendra, de toute façon plus longtemps que celle décrite par Duhamel dans Le désert de Bièvres. Les auteurs sont de la famille : « Ils ont rencontré les acteurs d’autrefois, notamment la génération des enfants nés aux « Murs Blancs » à l’ombre de parents prestigieux et un peu écrasants. » Mais attention nous dit Etienne de Montety (qui se lance dans un parallèle un peu casse gueule en dernière page du Figlitt) ce n’est pas comme dans la Familia grande au sein de laquelle « Les enfants sont mêlés aux mœurs libérées des adultes, quand ce n’est pas à leurs jeux les moins innocents. La pudeur est un mot réactionnaire. » Conclusion d’Isabelle de Gaulmyn : « Pourquoi a-t-on si vite oublié la contribution de ces catholiques « de gauche » à la société française, du syndicalisme (CFDT) à la politique (mendésisme), au féminisme, à la presse, aux sciences humaines ? » Réponse peut-être via E. de M à propos des revues fondées dans chacune des familles « D’un côté Esprit, de l’autre Pouvoirs. Ces titres parlent d’eux-mêmes. »

La pensée aussi, une pensée qui dérange les certitudes également c’est ce que dit (en substance) Nicolas Weill à la une du Monde des Livres à l’occasion de la publication du journal d’Albert Memmi : « Rédigés pendant près de quatre vingts ans, ces centaines de feuillets pour la plupart inédits nous conduisent de la Tunisie coloniale, l’occupation allemande, la vie intellectuelle des années de Sartre et Camus (chacun préfacier de Memmi), aux balbutiements de la pensée anticolonialiste dont il fut, avec son Portrait du colonisé, et avant Frantz Fanon , un précurseur. » Beaucoup de gens semblent en effet gênés avec l’image de Memmi, pas assez sioniste pour certains mais trop critique vis-à-vis du passé colonial pour d’autres.

 

Dans le pêle-mêle

 

Hedi Kaddour est remarqué depuis quelques semaines pour son nouveau récit La nuit des orateurs « qui fait renaître la Rome antique avec les thèmes intemporels de la dictature, de l’arbitraire et de la peur », nous dit Frédérique Roussel. Une réflexion sur le droit (A-t-on ? Jusqu’où ?) de critiquer le pouvoir à Rome.

Chris Kraus revient avec un roman au titre percutant Baiser ou faire des films dont le sujet, nous dit Isabelle Spaak du Figlitt aborde les questions de sa carrière cinématographique de jeune Berlinois « Comment trouver des hébergements gratuits dans une ville où tout se monnaye ? Et surtout, comment filmer le sexe »

Kathy Acker dont le livre sang et stupre au lycée sonne comme un programme à contre-courant de la tendance vertueuse contemporaine, connaît cependant une certaine reconnaissance, dans LibéL : « une foisonnante exposition underground dont il (le lecteur) serait l’unique et chanceux visiteur. »

Dans le MDL aujourd’hui, Macha Séry rappelle : « Stripteaseuse à Times Square, érudite tatouée et piercée, bisexuelle assumée, astre de la communauté punk et queer britannique jusqu’à sa mort à 50 ans, Kathy Acker fut tout cela et plus encore : la littérature faite corps, objet radical de jeux, de métamorphoses et de reconstructions. »

Une semaine chargée et riche, surtout riche, on garde quelques titres en réserve pour la prochaine, on ne sait jamais.

 

Index des auteurs cités dans les suppléments littéraires de cette semaine (cliquer ici pour télécharger)

L’humanité
Auteur Editions Titre Page
TAVARES Gonçalo Viviane Hamy Le quartier 18
SOSA VILLADA Camila Metaillé Les vilaines 19
BERG Yonatan L’Antilope Quitter Psagot 19
Ouvrage collectif Actes Sud Cartographie de l’exil. Lectures de l’œuvre de Mahmoud Darwich 20
CLERMONT Thierry Arléa La balade de Galway 20
IMBERT Marguerite Albin Michel Qu’allons nous faire de ces jours qui s’annoncent 20
ROUART Jean-Marie Albin Michel Ils voyagèrent vers des pays perdus 20
ALIMI Arié Seuil Le coup d’état d’urgence. Surveillance, répression et libertés 21
SCHEYDER Patrick Belin Pour une pensée écologique positive 21
JAURÈS Jean Fayard Pensée dans la mêlée 22
GARNIEL Sylvain Apogée Michel Foucault, un philosophe des attitudes 22
DEVERS-DREYFUS; HAWL Le temps des cerises Les grandes pages d’un centenaire. Discours communiste 22
LIONS Pierre-Louis HumenSciences Dans la tête d’un mathématicien 22
BAUDIN André; CAMY Julien Gilletta Côte d’Azur, terre de cyclisme 22
Libération
Auteur Editions Titre Page
AUBENAS Florence L’Olivier L’inconnu de la poste 1
TROUSSIER Virginie Paulsen Au milieu de l’été, un invincible hiver 3
RAABE Katharina; WEGNER Franck Premier parallèle Pourquoi lire, 13 bonnes raisons (au moins) 3
Le Figaro
Auteur Editions Titre Page
DELACOMPTEE Jean-Michel Robert Laffont Cabale à la cour 1
AUBENAS Florence L’olivier L’inconnu de la poste 2
SORMAAN Joy Flammarion A la folie 2
BOYNTON Robert Éditions du sous sol Le temps du reportage 3
GRANN David Éditions du sous sol The white darkness 3
GUEGAN Gérard L’olivier Fraenkel un éclair dans la nuit 4
ADAM Olivier Flammarion Tout peut s’oublier 4
LELORAIN Patrice Albin Michel Dans les yeux de Jade 4
KRAUS Chris Lafond Baiser ou faire des films 5
VLAUTIN Willy Albin Michel Devenir quelqu’un 5
GOWDA Shilpi Somaya Mercure de France La famille 5
VEILLON Dominique Tallandler Paris allemand 6
RABINO Thomas Perrin Laure Moulin 6
BUSSI Michel Les presses de la cité Rien ne t’efface 7
FERRAND Franck Perrin Portraits et destins 7
PEJU Pierre; RICHERAND Lionel Casterman Frink & Freud 7
DOMENACH Léa et Hugo Grasset Les murs blancs 8
KOUCHNER Camille Seuil La familia grande 8
La Croix
Auteur Editions Titre Page
DOMENACH Léa et Hugo Grasset Les Murs Blancs 11
RANCÉ Christiane Albin Michel Le Grand Large 12
AUBENAS Florence Édition de l’Olivier L’inconnu de la poste 12
CASE Anne; DEATON Angus PUF Morts de désespoir. L’avenir du capitalisme 13
JOURDAIN Édouard PUF Théologie du capital 13
DAVID Pascal Peuple libre Simone Weil. Un art de vivre par temps de catastrophe 14
MOUNIER Frédéric Presses du Châtelet Le pape qui voulait changer l’Eglise 14