LES UNES

Le retour de Stefano Massini en une de La Croix mérite d’être souligné, il vient de donner un nouveau roman en vers libres et après les Lehman’s Brothers le voici qui s’intéresse au football féminin début de siècle, loin du professionnalisme actuel : « Il croque un football des origines, au jeu improbable, pratiqué par des amatrices dans des maillots de récupération pour le moins insolites. » Des ouvrières qui s’émancipent à travers le jeu : « Le football leur donnera le droit de jouer. Et d’exister enfin par elles-mêmes. » Résultat, nous dit Nathalie Lacube : « l’un des romans les plus enthousiasmants que l’on ait lu depuis longtemps »

Imbolo Mbue fait son grand retour en une du monde. Cette auteure, camerounaise d’origine, américaine de nationalité, phénomène de l’édition contemporaine, opte pour une fiction littéraire plus marquée que pour son premier roman : Elle « nous convie à l’enterrement des habitants de Kosawa, un village fictif en Afrique, à la fin des années 1970 » nous dit Gladys Marivat. « C’est du moins ce que l’on croit en abordant ce récit. » Le village africain menacé par un géant pétrolifère se révoltera finalement mais à sa façon, avec sa culture, et sans recourir à l’ensemble des clichés qui la façonne d’habitude dans la littérature « bienveillante ».

Pour Le rendez-vous des livres, c’est Anne-Marie Garat qui fait la une avec un retour sur sa ville natale, Bordeaux, mais au-delà, sur l’Histoire de l’Europe tout entière : « les richesses et la puissance sont fondées d’abord sur le génocide amérindien des conquêtes, puis sur l’esclavage industriel de la plantation, ingénieusement converti en indigénat colonial : sur la même prédation barbare des territoires, des ressources naturelles et humaines. » Humeur noire dont le titre ne va pas sans rappeler Un monde en nègre et blanc (Aurélia Michel, le seuil) commence donc par Bordeaux en y traquant

« Il s’agit d’une littérature du « réel » ; du reportage et de l’enquête en profondeur, plus ou moins relaté « comme un roman », en utilisant librement les techniques de la fiction, mais en collectant et en respectant les faits avec un scrupule de moine cistercien. », LibéL nous introduit aux saveurs du « journalisme littéraire » à travers un ouvrage de Robert S. Boyton. Philippe Lançon nous conduit vers ces écrivains qui nous sont inconnus et leurs enquêtes scrupuleuses conduites en suivant des règles drastiques d’immersion, de respect de la réalité tout en la récrivant. Contrainte que l’on peut retourner en liberté.

Edouard Baer se paie la une du Figaro littéraire pour le texte de la pièce qu’il joue Les élucubrations d’un homme soudain frappé par la grâce. Il y dit sa relation avec les écrivains plus encore qu’avec la littérature : « Quand je lis, je cherche toujours l’auteur derrière le livre, le compagnon. J’aime sentir la personne dans le texte. » Outre les noms Camus, Modiano, Gary qui disent davantage la génération, l’auteur souligne son goût pour ceux qui jouent leur vie, font de celle-ci un théâtre et rapproche ce goût de celui qu’il a pour la représentation, le véritable moment de théâtre « On pose un livre, on peut le reprendre. Pas un spectacle. Je crois beaucoup à la magie de l’instant – j’ai misé ma vie là-dessus ! »

Littérature noire avec Dolorès Redondo dans le LibéL de ce samedi, écouter notre chronique Janvier Noir, une actualité

Dans le pêle-mêle

Cécile Vargaftig fille du poète communiste du même nom est dans l’Huma pour son témoignage à la fois sur le voyage de Gide et sur son père : « Il s’agissait pour Cécile Vargaftig « d’y voir plus clair » dans la relation à son père, « au communisme, à la littérature, et à l’idée de filiation, voire d’héritage ». Un projet ambitieux, sur une matière délicate à plus d’un titre. »

Nous n’avons pas encore parlé de la correspondance de Michel Leiris, or elle constitue une des bonnes surprises de cette rentrée de janvier ; on y découvre au-delà du narrateur impudique de l’âge d’homme, un écrivain marqué par sa relation aussi rapide que marquante avec un autre, joué par Marcel Jouhandeau ce qui nous emmène bien au-delà des ratages avec les filles saoules.

Un rebond inattendu chez quelqu’un qui semblait tout avouer de sa vie. Rappel de Jean-Louis Jeannelle « Michel Leiris évoque sa soirée avec un « ami plus âgé et pédéraste» qu’il raccompagne à son domicile,« presque ivre mort et en proie aux nausées ». Puis il dort « avec lui après avoir humilié ma bouche et la sienne dans un réciproque égarement »…Formule contournée pour décrire un des rapports sexuels qu’il eut avec Marcel Jouhandeau »

La semaine dernière, dans le Figlitt, Thierry Clermont soulignait davantage la continuité de sa pensée de l’œuvre au journal au soir de sa vie « il continue de composer calembours poétiques et mots-valises.»

Une semaine intéressante…jusqu’à la semaine prochaine.

Index des auteurs cités dans les suppléments littéraires de cette semaine (cliquer ici pour télécharger)