La rentrée de janvier se poursuit tranquillement avec une deuxième vague de récits, Cadiot, Pruhomme, Slimani, Lindon, et au moins un grand débutant salué pour son premier roman, Emmanuel Chaussade. C’est aussi le début des hommages, Gehlen, Guibert et Thomas Bernhardt, un éventail assez large.

LES UNES

Huma, la une pour Olivier Cadiot, et un véritable roman, assure Sophie Joubert qui justifie la place donnée à ce livre : « Placé sous le signe de la Trinité, les trois personnages pouvant n’en faire qu’un, le nouveau roman d’Olivier Cadiot met au jour, pour peu qu’on y prête attention, le chantier intérieur de l’écrivain. »

Un écrivain en sera donc le héros, ainsi qu’une femme et un jeune homme, façon enfant sauvage. Leurs aventures au sein d’une maison hantée offrent un foisonnement que Sophie Joubert traduit : « la fable principale se démultiplie en une infinité de dérivations, de possibilités et de conversations qui jouent sur le pur plaisir du langage » Bref, une œuvre d’Olivier Cadiot qui revêt cette fois un « caractère autobiographique ».

Un philosophe paradoxal en une de LibéL ; d’un côté un anthropologue qui définit L’Homme (c’est le titre de son livre le plus célèbre) comme un animal qui cherche la culture par nature et qui n’insiste pas sur la question raciale alors qu’il est « clairement » nazi.

Sa carrière en souffrira, certes, mais il demeure la référence dans le domaine de la philosophie anthropologique du XXe siècle. Nicolas Weill le confirme dans le MDL, la question de l’homme revient sur le devant de la scène après les errements liées à l’être et l’école heideggérienne. Il s’agit donc pour cet homme qui fit carrière sous le nazisme et grâce au nazisme de développer une pensée qui montre l’homme sous un jour de déficience, déficience naturelle de ses organes ce qui l’oblige à compenser par le cerveau, vision qui cadre assez peu avec l’esprit de l’époque.

Où en est-on avec Thomas Bernhard ? S’interroge Mathieu Lindon critique, tandis que Mathieu Lindon auteur consacre un récit à Hervé Guibert. Un cahier de l’Herne comportant quelques inédits et la (re)traduction de son roman L’italien montrent qu’il continue son chemin posthume d’imprécateur.

Sa biographie d’enfant non désiré puis d’écrivain incendiaire offre quelques lueurs sur son œuvre, et la contribution de Fernando Arrabal qui remplace l’Autriche par la France dans son texte Insulte à la France montre à quel point son style peut déranger pour peu que l’on veuille jouer le jeu. Le critique donne des exemples de sa correspondance avec Canetti, qu’il insulte, avec son éditeur Unseld qui lui répond avec la plus grande mesure professionnelle, et de ses quelques amis exténués. Où en est-on ? Ça n’a pas tellement bougé finalement.

Et voici Gide, également de retour, dans notre actualité avec la une du Monde des livres, et toujours de retour d’URSS, un voyage qu’on n’évoque plus guère mais qui marqua les esprits de l’époque. Le rôle politique de l’écrivain y est présenté par Cécile Vargaftig, fille de militant communiste de ceux qui refusaient le texte du Retour de l’Urss et qui préféraient croire aux vertus de l’homme soviétique. Or pour ce qui est de Gide, : « « croire le dégoûte », et tel est le centre du livre de Cécile Vargaftig qui n’est pas ou pas seulement, un récit historique, ni uniquement un récit sur Gide. » comme l’indique Florent Georgesco dans son article. C’est un livre sur Gide, sur le père, et sur elle-même (Mon Journal en est le sous-titre).

Le Figaro se passionne pour les échecs, il faut dire que le thème défraie la chronique. C’est Denis Grozdanovitch qui ouvre le ban avec un ouvrage consacré à La vie rêvée du joueur d’échecs dans lequel il compare, notamment, échec et tennis « ils permettent de « passer dans la zone », ce moment où on parvient, après un entraînement préalable de longue durée, à un accord parfait avec notre environnement. C’est alors que notre inconscient répond à notre place et que nous n’avons plus besoin de réfléchir pour agir correctement. » Oui semble répondre Bruno Corty mais les fous d’échecs de la littérature sont assez souvent fous tout court.

Stéphane Dreyfus signe l’article d’entrée dans le cahier livres de La Croix, consacré à la BD ; c’est pour y déplorer le manque de recherche sur cette catégorie de la culture qui bénéficie de l’attention universitaire d’autres pays comme l’Angleterre. Suivent les quelques titres de l’année, serrés comme des sardines sur les deux pages qui leur sont consacrées. Et notamment L’accident de chasse, roman graphique qui explore la question de la rédemption et les affres d’un braqueur aveugle qui doit partager sa cellule avec un tueur voué au mal. Récompensé à Angoulême.

Dans le pêle-mêle

Une lecture italienne et politique pour le livre de Sandro Veronesi dans le LibéL de ce samedi. Virginie Bloch-Lainé s’entretient avec l’auteur qui évoque la « droite italienne actuelle (est) misérable et fasciste alors qu’on ne pouvait pas dire cela de Berlusconi », c’est dire. Cet architecte qui avoue « je n’ai jamais rien construit, j’étais trop littéraire » s’interroge cependant « je ne sais pas comment font mes collègues écrivains pour ne pas être architectes, parce qu’écrire un roman est une question de composition. »

Hervé Guibert revient donc sous la plume de Mathieu Lindon « je ne sais pas de quoi me souvenir » dit l’auteur, honnête quant à son irrésolution, tandis que son ami fonce en écrivant vers la mort.

Chantal Thomas a le droit cette semaine à un rez – de -chaussée dans LibéL. On y retrouve les lignes directrices de son livre, le vagabondage d’un espace à un autre, avec ses gimmicks, la plage, la mer, Sebald et le XVIIIe siècle, ainsi que le Japon en ligne de mire.

Emmanuel Chaussade et son premier roman écrit à partir de la mort de la mère du personnage principal ont séduit deux chroniqueurs hebdomadaires : d’un côté Jean-Claude Lebrun et de l’autre Camille Laurens.

Le premier parle de « succession des dévoilements terribles » dans lesquels se mêlent douleur et colère, le fils passe par tous les stades, comme la mère finalement qui est allée de l’enfance à l’âge adulte à travers une série de désillusions ; pour Camille Laurens, « Porter ainsi sa mère en soi rend impossible de s’en détacher, même après sa mort, sauf peut-être en la racontant dans un livre. » Les deux soulignent le style très particulier de ce livre tout en indépendances et sans reprendre haleine.

De notre côté nous reprenons haleine, à la semaine prochaine.