Un peu moins de pression de l’actualité cette semaine. Les unes se diversifient ce qui ne signifie pas que les nouveautés soient suspendues pour autant. Si les libraires sont à l’honneur, des écrivains livrent pour leur part quelques secrets de fabrication, tandis qu’essais et Histoire sont de retour.

 LES UNES

« Si des auteurs ont percé, c’est parce que les libraires les ont défendus » c’est le titre de la semaine et il ne fait pas la une mais une double page quand même dans le Libé livres.

Frédérique Roussel y accueille Patricia Sorel pour sa Petite histoire de la librairie française. L’article constitue une bonne introduction à l’ouvrage ; on y (re)découvrira que le livre est encore un média à la fin du XIXe siècle d’où une surveillance tatillonne des différents pouvoirs, on y apprendra que les libraires se sont toujours plaints de la concurrence déloyale, des colporteurs, des cabinets de lecture, des établissement scolaires lorsque ceux-ci vendent les ouvrages directement à leurs élèves… Mais en même temps ils s’adaptent aux nouveautés du métier telles que l’apparition du livre de poche et des supermarchés en réorganisant l’espace de leur magasin. Bref une profession à (re)découvrir.

La Commune est donc en une de LibéL et et en article de l’Huma.

C’est l’année du 150 anniversaire de la mort de la Commune (200 pour celle de Bonaparte, la compétition mémorielle est lancée) ce qui ouvre à une relecture de celle-ci à l’aune des 1500 pages d’un dictionnaire qui, à l’instar du Maitron, offre un panorama complet et le plus objectif possible de cette période fugace et fondatrice de l’Histoire nationale.

Pour le Figaro ce sont ceux qui récrivent l’Histoire en une.

A l’occasion de la parution du dernier roman de Jean-Marie Rouart, un dossier consacré aux uchronies et surtout celles qui confirment la Seconde Guerre Mondiale comme période reine des projections imaginaires.

De la victoire finale de Hitler à sa réception à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne, Sébastien Lapaque, Alice Develey et Benoit Duteurtre proposent un petit tour des uchronies et des variations plus ou moins délirantes liées à cette période ; le livre de Rouard envisage un ralliement de Pétain aux alliés au moment du débarquement en Afrique du Nord ce qui pousse de Gaulle à un voyage …vers le grand Nord. « l’auteur nous rappelle ici les vrais plaisirs qu’offrent l’intrigue, l’imagination, l’envie d’en savoir plus, la drôlerie des situations. »

Des idées en une de La Croix et elles sont en rapport avec le…confinement, c’est Bruno Latour qui propose ces Leçons du confinement à l’usage des terrestres et, nous dit François Ernenwein, il repose sur un constat « Nous nous trouvons pris entre deux mondes : celui dans lequel je vis en citoyen de plein exercice, protégé par des droits et cette autre enceinte, beaucoup plus vaste, plus ou moins facile à cerner mais de plus en plus remplie et de plus en plus éloignée : le monde dont je vis. ».

Il en découle quelques messages simples sur la nécessité de construire une nouvelle forme de société sans perdre de vue que « personne n’échappe à la peur dont les traductions politiques au sein des peuples sont souvent inquiétantes. »

Charles Juliet et son journal faisaient le une du LibéL samedi dernier. Frédérique Roussel le rencontrait à cette occasion : question : « Etes-vous un maître d’écriture ? Réponse, je dirais plutôt un maître de vie intérieure. / Comment parle-t-on de soi sans parler de soi ? Il faut déjà n’avoir aucune image de soi-même »

Les réponses sont bien entendu souvent plus circonstanciées mais on retrouvera là la singularité de cet auteur qui s’interroge sans complaisance mais sans forfanterie non plus. De là une série d’échanges qui parfois déconcertent mais permettent de se faire une idée plus précise de ce qu’est le travail d’écriture « Quand je n’arrivais pas à écrire, je ne fuyais pas. Et forcément, en restant en tête à tête avec moi-même, la pensée ne cessait pas de travailler. »

« Je me représente les choses un peu comme un mobile de Calder » déclare pour sa part Nicole Caligaris à la une de l’Humanité.

Son roman se développe sous une forme chorale mais attention, son modèle est Stockhausen. Des lignes narratives s’entrecroisent et se font écho mais sans nécessairement reposer sur autre chose qu’un équilibre précaire. Les femmes qui donnent leur nom aux sections du livre possède des prénoms d’héroïnes littéraires, pourquoi ? « Ce sont des emprunts littéraires et qui n’ont d’autre but que de dire au lecteur : « Le monde que vous venez de traverser est composé d’éléments vivants qui viennent de la bibliothèque ». » Le roman, Alain Nicolas y insiste dans la recension qu’il lui consacre, est à l’image d’un delta, ça tombe bien,c’en est l’un des décors centraux.

Dans la deuxième vague de ce début d’année Sandro Veronesi tiendra une place non négligeable avec Colibri, un roman dans lequel il suit son héros ophtalmologiste et aveugle à sa propre existence comme le souligne Florence Noiville ; rien ne l’empêche d’avancer de 1974 à 2030 poursuivant sa vie au milieu des échecs jusqu’à se fixer une mission ultime « élever seul sa petite fille, et ne plus se consacrer qu’à elle, persuadé que cette enfant est investie d’une mission salvatrice au service de la liberté » la critique précise : « Le plus impressionnant est la maîtrise avec laquelle, dans une langue sobre à la Raymond Carver, jouant magistralement des compressions et des dilatations du temps, l’écrivain tire un nombre incalculable de fils narratifs. »

Elle relève par ailleurs l’une des pointes qui montre bien l’humour de ce livre « Elle lui avait toujours menti. (…) Mais lui avait fait pire, il l’avait crue. »

Dans le pêle-mêle

Il nous en reste plein du pêle-mêle de la semaine dernière (il est vrai exceptionnelle).

Grainville par exemple, Patrick, dont le nouvel ouvrage, consacré à Picasso est salué par Jean-Claude Raspiengeas : «Un même délire orgiaque unit ses descriptions , saisissantes et follement précises des tableaux, et ses passages sue la passion physique, les élans torrides des amoureux empoignés par l’urgence de se prendre avant de se déprendre » On en vient à se demander qui du critique ou de l’auteur…

Sylvain Pruhomme avec ses Orages a séduit le Figlitt et La Croix. Douze nouvelles qui mettent en scène des moments de tourmente parfois silencieux mais qui finissent toujours par se renverser nous dit Astrid de Larminat.

Ann Patchett raconte l’histoire d’une maison, ce n’est pas celle d’un domaine qui résiste à tout et à tous en dépit des saisons et des péripéties familiales. Ici les enfants sont dépossédés par leur belle-mère, sur le mode de la loi américaine, de leur maison natale après laquelle ils courront toute leur vie. « Il semble qu’elle tente de saisir avec une précision sans cesse accrue, les mécanismes d’attachement entre les êtres » nous dit Stéphanie Janicot de l’auteure et elle complète « en creusant ces relations particulières elle accède de mieux en mieux à une forme d’universalité. »

On a un peu oublié Chantal Thomas, promis ce sera pour…

la semaine prochaine.

Index des titres parus dans la presse de cette semaine  (Cliquer ici pour le télécharger Tableau_210121)