Ce jeudi, de l’écriture avant toute chose ! Et c’est Libération qui se charge de le dire, tandis que le Figaro à l’autre bout de la chaîne du temps présente et soutient dix premiers romans de la rentrée de janvier. Le peloton poursuit son ascension Grainville, Lapaque, Tavernier, Martin Amis mais ne revient pas sur l’échappée Marie Ndiaye.

 

 

 

 

Teaser Audio de la semaine (dernière !)

par Frédéric Palierne

 

LES UNES

L’écriture est à la une du LibéL de ce jeudi avec l’ouvrage que lui consacre Silvia Ferrara : « Son groupe travaille en particulier sur les écritures égéennes (le crétois hiéroglyphique, le linéaire A, le chypro-minoen), sur celle de la vallée de l’Indus et sur le rongorongo de l’île de Pâques. Il existe aujourd’hui dans le monde une douzaine d’écritures anciennes que l’on n’a pas réussi à lire et à comprendre. Et près de la moitié d’entre elles viennent des îles (Chypre, la Crète, l’île de Pâques) ».

L’article que lui consacre Frédérique Roussel retrace quelques-unes des étapes de cette histoire par ailleurs disponible sur Arte (jusqu’au 19/01). Les recherches avancent et les idées reçues évoluent. Silvia Ferrara remet en question l’invention bureaucratique de l’écriture, il faut s’en dégager dit-elle, des civilisations n’existent plus qu’à travers le legs poétique de leur écriture, lettres, associations d’images et de sons, graphies pourvoyeuses d’imaginaires.

8 néo romanciers de janvier pour le Figaro littéraire : un roman d’avocat, c’est dans l’air du temps, deux histoires de famille, c’est la jauge minimum, plus un couple sur fond de critique du monde d’aujourd’hui. Un conte oriental contemporain, un roman de tennis et une déambulation simenonienne en péniche entre la Hollande et la France complète le lot avec l’histoire d’un naufrage industriel. Premiers romans, oui mais histoires neuves c’est à voir. Des écritures à découvrir néanmoins.

L’avocate de Marie Ndiaye complète son tour des unes avec celle de l’Huma, dilemme de la critique Muriel Steinmetz, comment écrire un article critique après tous les autres sur un livre aussi éventé ? En le centrant sur le personnage principal, comme une sorte d’évidence à laquelle personne n’a pensé ; l’avocate, Me Suzanne dont l’identité demeure cryptée et le caractère en nuances énigmatiques « être complexe, ambivalent, pétri d’une culpabilité souterraine. » et qui rencontre des êtres eux-aussi ambivalents comme sa cliente « Marlyne, Médée ordinaire ». Comme le souligne Muriel Steinmetz qui précise à propos de la romancière : « Elle peint ses portraits en relief, après avoir, à l’instar du peintre, préparé ses fonds avec soin. »

« Une résistance intime à l’enfer imbécile » c’était l’un des buts de Saul Below. Pour Martinamis comme le nomme Philippe Lançon dans l’article qu’il lui consacre en Une du LibéL ce samedi, « Inside Story est une manifestation de cette résistance, une organisation faussement improvisée du chaos qu’elle accueille, et qui est la vie même ».

Le livre de l’Anglais, fils d’écrivain et de romancière à succès qui se choisit de nouveaux pères spirituels dont Saul Below, n’est ni une autobiographie à proprement parler, ni une autofiction. « Histoire du dedans nous dit Lançon, C’est quoi le dedans d’un écrivain ? Ce qu’il lit, ce qu’il écrit. Et le bruit que ça fait dans cette barque agitée, bien remplie, qui, un jour ou l’autre, conduit vers le silence. »

Sébastien Lapaque en une de La Croix, autrement dit, un confrère critique au Figaro Littéraire ouvre le cahier de ses confrères critiques. On notera simplement que la tradition est d’habitude plutôt à la discrétion ; un confrère est salué, on se « fend » d’un article mais les traces dans l’histoire littéraire de l’année sont minces.

Ici c’est la une pour ce livre qui s’interroge sur le monde en nous entretenant du beau religieux. Le héros s’appelle Lazare et, à travers lui, S. Lapaque dresse un tableau peu amène (sans jeu de mots) de notre société comme le souligne Sabine Audrerie : « Une vision noire du monde est son point de départ, tableau cuisant du cynisme contemporain, des effets tentaculaires du capitalisme, jusque dans les consciences, les ravages écologiques, le désintérêt pour la maison commune. » Un article dans le Figlitt de la semaine complète, pour l’instant, le tableau.

Ocean Vuong en une du Monde des livres malgré les réserves soulevées par Florence Noiville « Il y a des défauts et des longueurs dans ce premier récit. La fin calquée sur les Je me souviens de Georges perec, n’est pas la partie la plus convaincante » Alors pourquoi s’intéresser à ce récit ? Parce qu’il constitue « un mélange de cauchemar et de rêve américain. De délicatesse et de crudité »

Le héros descendant de père américain et de mère vietnamienne doit trouver sa voie dans la confusion de ses identités et c’est là que l’auteur excelle. Dans le récit du cheminement douloureux vers une identité reconnue sur le sol de la patrie dans laquelle il est arrivé à l’âge de deux ans.

Dans le pêle-mêle :

 

L’Ami de Tiffany Tavernier continue sa carrière ; Alexandra Schwartzbrod y voit davantage que l’histoire du tueur en série, celle de son voisin et de sa propre vie, de couple notamment, ou comment un traumatisme ouvre la voie à une prise de conscience.

Stéphanie Janicot de La Croix reprend les éléments de ses collègues critiques, le drap, la cabane, l’amitié entre les couples avant d’en découvrir l’envers : « le drap retrouvé autour d’un corps enterré, la cabane qui a servi de geôle pour les victimes, les gâteaux pour les attirer. La dépression de Chantal, les disputes du couple, tout trouve peu à peu une nouvelle signification qui enfonce Thierry dans un abîme sans nom. »

Samedi, Frédérique Roussel délivrait une critique inquiétante du récit de Nathalie Kuperman, le titre ? « Sur la plage empoisonnée » belle impression d’ensemble.

Andrei Makine connaît également un certain succès critique avec son ami arménien qui interroge

La critique critique cette semaine est celle de Camille Laurens qui, sous le titre d’« Un bon garçon », rend compte du dernier bouquin de Jablonka. Quelques remarques émaillent une lecture critique « L’humour et l’autodérision n’évitent pas toujours l’ennui, au point qu’on se réjouirait presque de le voir une fois « faire de la moto sans casque » sans compter que l’auteur semble en retrait par rapport aux réalités qu’il tente de saisir. Vient une réserve essentielle « sans même parler de la langue, ici plus utile que singulière, l’obsession de faire œuvre littéraire universelle brouille la lecture » Il lui reste quoi à ce livre ?

Une fois n’est pas coutume, signalons les hommages que tous nos critiques rendent à Vassilis Alexakis, romancier entre deux mondes (et quels mondes !) le Grec et le Français. Alain Nicolas de l’Humanité et Sabine Audrerie de La Croix convergent pour souligner le lien qu’il mettait en scène, entre les deux langues qui le préoccupaient sans parvenir à trouver un équilibre, toujours souriant mais jouant sur : « L’inquiétude souriante qu’on ressentait en s’entretenant avec lui était la matière même de ses œuvres, qui, peu à peu, ont tourné autour de la langue et de son mystère, que la multiplicité rend à la fois plus visible et plus obscur. »

« C’est ce décalage, voire un certain inconfort – il les mettra sans cesse en scène – qui lui offrirent d’emblée la dynamique linguistique et ludique appelée à demeurer le moteur de son œuvre romanesque. » Le Monde auquel il a été attaché en tant que journaliste lui a rendu un hommage d’autant plus particulier qu’il était son contemporain.

A la semaine prochaine…