Cette semaine derniers choix de Beaux Livres, et actualité de fin d’année confirmée pour Quignard et Bober. Des figures du passé, revenants du polar, témoins de l’histoire, on solde l’actualité avant la rentrée de janvier.

 

 

 

C’est presque un jubilé ; après la une du monde de libé ou de l’Huma voici Robert Bober en une de La Croix ; Antoine Perraud rappelle quelques évidences : « L’auteur n’avance jamais sans ses fantômes, d’André Schwarz-Bart à Georges Perec, de Monsieur Grynspan, le patron de l’atelier de la rue Maître-Albert à Paris où fut appris le métier de tailleur au sortir de la guerre, ». Mais il définit également son écriture au plus juste évoquant un « homme de petits partages » quelqu’un qui avance doucement, en digressions et en silences. Un écrivain qui passe du témoignage historique à l’anecdote sans véritablement changer de ton, un livre musical en quelque sorte.

Noël et l’étoile polar pour le Figaro littéraire avec les deux figures de Simonin (Albert) et Mallet (Léo).

C’est surtout de ce dernier dont il est question dans l’entretien que François Guérif accorde à Bruno Corty à l’occasion de la publication de Mon vieux Guérif, lettres, dédicaces et toutes les attentions du vieil auteur pour son ami plus qu’éditeur. François Guérif montre comment, contrairement à Simonin qui a eu la chance de voir sa série du Grisbi adaptée au cinéma, Léo Mallet a toujours connu une certaine forme de poisse qui ne dépendait pas seulement de son caractère difficile et de ses prises de position anarchistes.

Un article très virulent de Sébastien Lapaque défend Simonin et la mémoire des auteurs taxé de collaboration dont les auteurs « ont fréquenté des collabos, des maquereaux, des salauds, des terroristes, des fabricants de drogues et des fabricants de fausse joncaille. » et donc peu importent les cinq ans de prison à la Libération. Un point de vue.

Pour l’Huma, cette semaine c’est Quignard : l’un des rares auteurs à sortir un livre en toute fin d’année ; c’est déjà le onzième tome du Royaume et l’auteur ne trace pas de ligne sûre : « Il n’arrête pas de désorienter le lecteur qu’il ravitaille en vol, nous dit Muriel Steinmetz, On sait que ce solitaire n’est pas un misanthrope. Preuve en est qu’il quête le partage en publiant ce livre

Un ouvrage consacré avant tout à la lecture et à la présence de la langue latine dans la langue française. « Il faut pouvoir le suivre » constate la critique « épouser sa cadence, son pas, le rythme de la navette en train de tisser de fulgurants raccourcis » cette dernière image n’est pas neutre puisque l’auteur rappelle lui-même qu’au cours de deux épisodes dépressifs, c’est la couture qui l’a ramené à la maîtrise de soi.

Un poète fait également la une du Monde avec une œuvre composite. Louis Zukofsky et son livre sobrement intitulée A : Nicolas Weill en présente les éléments variés : « A mobilise tous les styles, depuis le sonnet shakespearien jusqu’au tercet dantesque, en passant par les psaumes, mais aussi le gospel et le blues, ainsi que la correspondance. »

On comprend que le résumé est hors de portée. Quelque part entre Dos Passos (Manhattan Transfer) et les Cantos de Pound pour le critique, mais avec un engagement politique différent ; « Car Louis Zukofsky, né à New York de parents juifs d’origine lituanienne, passionné par la figure de « Benedict » (Spinoza), a été un progressiste et un protestataire résolu, à la différence de son mentor, Pound, admirateur de Mussolini et plus que tenté par le fascisme. »

Le poète disparaît en 1978 ; c’est la première traduction de ce volume de 774 pages.

On rapprochera cette actualité des livres en une du Libé de ce jeudi car l’année où naît Zukofsky est celle de la naissance de Sioma, juif révolutionnaire, héros du récit d’Alexandre thabor Les aventures extraorinaires d’un juif révoutionnaire dont Alexandra Schwartzbrod souligne la précision du titre. D’Odessa et du brassage des idées dans le quartier juif, jusqu’à Jérusalem où l’esprit colon se signale par sa xénophobie et son manichéisme, ses aventures sont aussi celles qu’il partage avec sa femme Tsipora, compagne de ses idéaux également. Un complément avec le livre qu’Anne Wachsmann consacre aux juifs d’Alsace Ces excellents Français.

Dans le pêle-mêle de la hotte

Sempé fait l’unanimité de cette fin d’année, avec son Garder le cap qui sonne comme une injonction à 88 ans. Pour Mathieu Lindon le cap est gardé. « Il est toujours du côté des petits (…)L’humour de Sempé transcende l’époque dans les grandes largeurs ». L’auteur est précis « Le cap est une chose que l’on découvre quand on ne l’a plus. On l’avait gardé jusque là et puis plof, on a laissé échapper le cap et on est perdus. C’est précieux, un cap. »

Toujours du côté des beaux livres signalons La fabrique de l’Histoire de l’Art, un ouvrage qui fait la part belle aux revues qui contribuèrent à la naissance des avant-gardes, une « histoire qui s’avère hétéroclite, multipolaire, rhizomatique » nous dit Jean-Louis Jeannelle dans le MDL.

Pour ceux que l’art du texte intéresse, les suppléments livre ont fait l’effort de dénicher quelques titres centrés sur la question comme l’Histoire de la phrase française de Gilles Siouffi (dir.) il s’agit d’expliquer l’évolution de celle-ci depuis que la langue française existe en tant que telle.

Plus rare l’ouvrage de Lucienne Peiry sur les écrivains de l’art brut, ceux qui composent des poèmes en tissu, ceux qui porte leur textes à même la peau, textes autant vécus qu’écrits.

Bonnes fêtes à tous nos lecteurs, les deux jeudis qui viennent portent les dates du 24 et du 31, les cahiers risquent de se mettre au régime minceur. Après c’est le grand retour…de la rentrée de janvier.