C’est Noël, enfin ce sera ou pas, mais les suppléments livres respectent la tradition avec leur cahier consacrés aux « Beaux Livres ». La notion a évolué depuis quelques années. Il ne s’agit plus seulement de tourner les pages des « coffee table books » autrement dit des livres qui feront bien sur la table basse du salon. Du sens et du contenu textuel de qualité amènent souvent de l’originalité dans un domaine qui, il faut bien l’avouer, reste très saisonnier et cher comme un beau cadeau… sauf en service de presse.


 

 

Les unes

Pour La Croix, 13 à table est la première référence, il figure donc en édito de ce cahier très spécial : le (désormais rituel) livre vendu au profit de repas gratuits est illustré cette année par Riad Sattouf mais on découvre aussi Pour l’amour de Beyrouth (on voit) ou Pour Clara démarche originale des éditions Fleurus qui publient sept nouvelles de jeunes entre 12 et 17 ans qui ont gagné le prix Clara et dont les bénéfices vont à la recherche en cardiologie.

L’ouvrage qui apparaît en tête de la sélection des Beaux Livres c’est Peindre la Bible de Régis Burnet dont Dominique Greiner nous présente la méthode : « une brève notice biographique de l’artiste, un examen de la composition d’ensemble et de quelques détails, un paragraphe sur l’histoire de la représentation et un autre sur le contexte historique, et l’indication de la source biblique ».

Mais il ne s’agit pas seulement d’un catalogue d’images sulpiciennes, Régis Burnet s’explique sur cet intitulé : « L’artiste ne peint pas “le texte” de la Bible, mais la lecture qu’il en a. » Plus une sélection d’ouvrages aux titres à découvrir dans notre tableau.

Le Figaro se limite à 8, choix de la rédaction. Livres illustrés, Saint-Exupéry, Edmond Rostand, ainsi que les voyages de Loti et Dorgelès, journalistes de l’Illustration au sein d’un volume consacré aux « Voyages extraordinaires » de ce journal, de la tradition.

Un album empreint de nouveauté cependant avec Incorrect conseillé par Eric Neuhoff, le volume évoque les provocs des années 70 et 80 Affiche de Polnareff, dessins de Crumb, moustaches de Dali pour le chocolat Lanvin. Provoc vue par Neuhoff, c’est la limite de l’article : « L’affiche de Fellini Roma décoiffait les féministes. Sur les murs Myriam promettait d’enlever le bas. »

A noter également que ce choix de livres est introduit par un dossier de Mohammed Aïssaoui sur les manuscrits : celui de La peste est publié en fac-similé et, sous le joli titre de Les valises de Jean Genet, les manuscrits de ce dernier le sont par les spécialistes du genre, les Editions de l’Imec.

Le monde des Livres offre également ses cadeaux cette semaine, avec une sélection de Beaux livres, laquelle débute par le Cassavetes par Cassavetes qui retrace la carrière de ce réalisateur à la fois génie et escroc selon son auteur.

Celui de l’article, Jacques Mandelbaum nous rappelle les années d’or avec Gina Rowland et aussi « les copains grandioses des virées nocturnes, Peter Falk, Ben Gazzara, Seymour Cassel. Dès lors, les chefs d’œuvre tombent dru, qui nous parlent d’amour, de débâcle, de solitude, de folie. »

On notera aussi une Histoire universelle des ruines d’Alain Schnapp présentée par Roger Chartier : « Tous les chapitres s’organisent à partir de la relation entre les mots et les pierres : « La trame de ce livre est celle du dialogue entre les poèmes et les monuments », de l’Orient aux Amériques, du monde gréco-romain aux Lumières. » Il existe également un Citadelle et Mazenod (à un prix raisonnable), c’est la collection « Coup de cœur » qui traite de L’argent dans la peinture (du point de vue de la représentation). Là aussi multiples choix des collaborateurs.

Samedi Libération célébrait Clarisse Lispector dont c’est le centenaire de la naissance. Du coup, coffret du centenaire, ainsi qu’édition de L’heure de l’étoile aux éditions Des Femmes.

Mathieu Lindon souligne la parenté de l’écrivaine avec Kafka ne serait-ce que par sa réflexion sur l’importance de la blatte. Mais elle ne s’arrête pas aux expédients fantastiques, elle souligne la difficulté de vivre en percevant le monde de façon trop aiguë et en même temps subjuguée par ce qui en fait la fadeur. D’un côté et de l’autre, relevés par Lindon « Je voudrais être le porc et la poule avant de les tuer et de boire leur sang » et « Je traite du minimum et je l’adorne de pourpre, de joyaux et de splendeurs. Est-ce ainsi que l’on écrit ? Non, pas en accumulant, mais bien en dénudant ».

Sophie Joubert rejoint LibéL et le Monde pour célébrer le livre « infiniment drôle et touchant » que Robert Bober consacre à son ami Pierre Dumayet. « Oui, un livre fait parfois ce miracle : celui de penser à son auteur comme on pense à un ami », écrit Robert Bober.

C’est exactement ce qu’il advient quand on referme Par instants, la vie n’est pas sûre. Le livre retrace certains épisodes de la vie de ce tailleur diplômé mais aussi réalisateur, écrivain, poète, à l’adresse de l’ami disparu. On sent chez les critiques en général comme une nostalgie de cette époque entre immédiate après-guerre et années 60, lorsque les compagnonnages entre écrivains et « le reste de la société » était monnaie courante.

Dans le pêle-mêle.

L’ogre Mathias Enard dans le LibéL samedi passe à la moulinette de Claire Devarrieux qui a visiblement apprécié ce roman à la sauce Rabelais, Poitou, banquet et réincarnation de personnages historiques.

Paul Veyne qui pour reprendre la formule de Jacques de Saint Victor dans le Figlitt est une « sorte de gardien du temple » des études antiques voit un volume d’articles et d’œuvres publié à l’aube de ses 90 ans en « Bouquins », 1098pp selon La Croix, 1152 suivant le Fig, à recompter en le lisant

Roman picaresque du XXI e siècle, Quichotte  a pour décor une Amérique post-Google, « où la foule gouverne et où les smartphones gouvernent la foule » pour Muriel Steinmetz.

Salman Rushdie rejoint « les Don Quichotte, marginaux à la « folie magnifique » et à la « grandeur magnifique ». » Une autobiographie ?

On notera aussi le Diane de Sellier de l’année pour La Croix, à savoir Perrault illustré par l’art brut. Œuvre déjà signalée la semaine dernière par Françoise Dargent en inauguration de la séquence Noël du Figlitt « Se plonger dans cet ouvrage, c’est réveiller des émotions assoupies et faire à nouveau frissonner l’enfant qui est en nous. » Et un nouveau regard sur l’art brut en prime.

Des livres longs que l’on pourra redécouvrir qui sait à quelle occasion… A la semaine prochaine.