De la spiritualité, de la méditation, du vent du large et des dictionnaires, l’actualité de la semaine s’évade à hue et à dia. Un remède au « confinement » ? Non, plutôt à la lassitude générale.
La chronique audio de la semaine (dernière)
Les unes
Le dernier royaume de Pascal Quignard avance tome à tome, nous en sommes au onzième.
Dans Libél il revenait avec Frédérique Roussel, samedi dernier, sur les livres qu’il a brûlés, les dessins qu’il a conservés, la place de cette dernière activité et celle de la musique dans sa vie. Pour ce qui est de sa pratique littéraire, elle fait de plus en plus penser à un exercice spirituel mais pas n’importe lequel : « La pensée construite volontaire n’est pas pour moi. Ni le rêve absolu, rêver pour les autres, car je ne suis pas un chamane. Mais les états d’absorption, de contemplation, des états où l’on perd le sens du temps… Se retrouver dans une bulle étrange, c’est ce qu’en psychiatrie on appelle le quatrième état (…) c’est un état d’engloutissement, le bonheur. C’est ça que je cherche, depuis tout petit enfant ». Yoga ?
Pour La Croix, retour aux sources du cahier livres avec la correspondance entre Jacques Maritain et Louis Massignon.
Sabine Audrerie souligne l’amitié réelle des deux hommes, le penseur catholique et l’orientaliste ainsi que l’aide du premier au second, parfois perdu mais « désireux d’aider à la conversion des musulmans ».
« Dans ce dialogue, conclut la journaliste, frappe la disponibilité, l’expression d’une miséricorde amicale et d’une profondeur spirituelle et intellectuelle dont on n’a plus idée et plus d’exemple aujourd’hui. » La correspondance de jacques Maritain revient régulièrement dans l’actualité depuis deux ou trois ans un accès à la postérité ?
Conversion aussi en une du Monde des Livres, mais sous un jour un peu particulier, celui de la transaction.
Celle que mena Saint Louis avec certains musulmans, offrant une sécurité financière immédiate à ceux qui se convertissaient : résultat 1500 cas de conversions économiquement « aidées ». Pour les autres, comme d’habitude, croisades, marques d’infâmie, bûchers ; pour les hérétiques et les juifs aussi, bien entendu.
L’historien est américain, publié à l’EHESS et tente de reconstituer à partir de la lecture de livres de compte, les épisodes et les destinées de cette période. Ce qui fait dire à la spécialiste du Moyen-Âge qu’est Marie Dejoux : « Bien que, dans les détails, l’imagination« raisonnée » de l’historien s’emballe parfois, la reconstitution d’ensemble est impeccable. » Cette politique paie à court terme « Parmi les 1 500 individus recensés, Jordan identifie des chefs de guerre et de famille, dont la conversion entraînait celle de leur clan, et qui préférèrent le déracinement aux représailles de leurs anciens coreligionnaires. » A long terme c’est un marché de dupes.
Bourdieu aussi entre dans la postérité pour son travail de recherche, ses engagements et ses idées.
Après un livre consacré à l’écart entre l’homme et l’œuvre, revoici Gisèle Sapiro, à la tête d’un dictionnaire consacré à Pierre Bourdieu cette fois. Robert Maggiori dans le Libél de ce jeudi nous rassure, si Bourdieu « a toujours manifesté la crainte d’être un jour«manuélisé», ou, pire, transformé en monument historique – de ceux devant lesquels on s’incline ou que par aversion on refuse d’honorer. »
Ce n’est pas cet ouvrage qui va le trahir. Il était nécessaire pour trouver son chemin dans la pensée « réticulaire » du philosophe et sociologue de se lancer dans « l’élaboration d’un dictionnaire tout entier, une «brique» de 968 pages,contenant près de 600 notices, rédigées, sous la direction de Gisèle Sapiro, par 126 auteurs venus de vingt pays différents : le Dictionnaire international Bourdieu. » Il permet de naviguer d’un concept à l’autre mais aussi, par exemple, de découvrir les établissements d’enseignement qu’il a fréquentés à divers titres (Institutions) ou encore « les aires géographiques très étendues où la pensée de Bourdieu a pénétré ». Un ouvrage qui ajoute une dimension universelle à l’œuvre de l’homme.
Plus ça va plus le Figaro prend le large.
Après un dossier consacré au bol d’air de l’aventure, le cahier littéraire (Arnaud de la Grange, Thierry Clermont et Bruno Corty) propose une sélection de livres consacrés aux navigateurs à la voile et au grand large. Il s’ouvre avec Loïc Peyron qui propose un Dictionnaire amoureux de la voile et Hervé Hamon qui, pour sa part rédige celui de l’amoureux des îles.
Yann Queffelec rend hommage à Florence Arthaud et on y trouve également l’ancien journaliste du…Figaro, Fabrice Amedeo, qui tente aujourd’hui son deuxième Vendée Globe (et vient de franchir l’Equateur à l’heure où nous écrivons ces lignes) qui livre ses réflexions dans un ouvrage au titre programmatique : Loin de la terre surgit le monde. Cerise sur le gâteau, un roman de Pierre Loti de 1927 en édition fac-similé. On approche des côtes de la Noël.
En une de l’Huma un coup de cœur d’Alain Nicolas pour une « titanide savante », autrement dit le récit de la vie d’une géante dont le père possède une épaule large comme le Portugal (titre : La grande Épaule Portugaise).
Ce livre peut-être au-delà de celui de Mathias Enard, aborde « le territoire du merveilleux et du mythologique » avec ceci de particulier qu’il joue au manuscrit retrouvé et édité avec notes et appareils critiques dont les auteurs sont « plus hallucinés encore que le texte qu’ils commentent. » Un roman à la dimension rabelaisienne par l’invention et mis en perspective avec notre époque rationnelle et pleine de conseils scientifiques en tous genres.
Dans le pêle-mêle.
Muriel Pic est de retour ! Son livre consacré à la fois à sa vie et se souvenirs d’enfance entre France et Angleterre vient de recevoir le prix Wepler-Fondation La Poste ; bon, d’accord ; oui mais Affranchissement est un livre défendu par la critique avant ce prix même. L’auteure est sous la double influence de William Carlos Williams et de WG Sebald, mène des recherches sur Henri Michaux et les psychotropes, un peu plus qu’une simple cabriole autobiographique.
Germaine Tenant fait l’objet de la chronique d’Etienne de Montety, l’amie de Flaubert et Hugo ne cherche pas à briller par son analyse mais à vivre au contact des grands hommes, sorte d’égérie-groupie qui énervait Juliette Drouet. « Elle ne joue pas à la femme de lettres. Elle essaie d’être vraie, raconte avec simplicité, sans fantaisie, au plus près de ses souvenirs : portraits, descriptions, mots français si savoureux sous sa plume. » affirme le chroniqueur.
Olga Tokarczuk voit son discours de réception du Nobel publié (c’est devenu un genre à part entière) Claire Devarrieux nous l’assure « elle ne désespère pas de la littérature ». Dans l’ombre de Peter Handke pour ce qui est de l’intérêt médiatique cette autrice, encore jeune (née en 1962), pourrait se révéler autre chose qu’un simple outsider.
Paula ou personne de Patrick Lapeyre étonne le Figlitt par la simplicité de son intrigue : récit d’une liaison entre une jeune femme riche mariée et catholique et un postier pauvre. Plus complexes et séduisants que ces stéréotypes les personnages animent ce roman déjà salué par…La Croix.
C’est tout pour le moment, à la semaine prochaine.