Comme l’actualité s’intéresse cette semaine au coronavirus et à mille autres sujets en retenant son souffle pour ce qui est des prix littéraires – curieuse période de no man’s time – nous nous tournerons vers ce qui faisait le sel de la rentrée 2019. Vous vous souvenez ? (écouter la chronique ci-dessous).
Les unes
Première recension des livres consacrés au confinement (et à ses effets sur l’humain) en Une de Livres et idées (La Croix).
Elodie Maurot passe de Tracts de crise que vient de publier Gallimard, une anthologie des textes rédigés par les intellectuels sur la question, aux ouvrages de Zizek (faiblesse de l’écrivain qui vit déjà confiné donc ne peut changer de posture) à Rutger Bregman qui voit la possibilité d’un tournant idéologique « Il ne faut jamais gâcher une bonne crise » et à Jean-Luc Nancy qui tempère sur les chances de voir la fin du capitalisme.
Quant à Michel Agier avec son ouvrage Vivre avec des épouvantails, il réfléchit en Anthropologue sur ce « fait social total » comme le souligne Béatrice Bouniol : « Ces peurs, de nature diverse, accompagnent la fragilité humaine depuis toujours, nous enseigne l’anthropologue. « La peur est une force de l’imaginaire, positive ou négative, mais elle est là. » La question n’est donc pas de les éliminer, comme prétendent le faire les politiques de la peur, les nourrissant en retour, mais de les domestiquer. » Les solutions il va les glaner dans les civilisations précédentes et éloignées autant que dans celles de l’autre bout du monde.
« Ce genre de petites choses, semble en noir et blanc, comme un paysage de neige » écrit Claire Devarrieux à propos du livre de Claire Keegan publié chez Sabine Wespieser.
L’auteur, irlandaise, fait une fleur à la France (et à son éditrice) en publiant ce livre ici avant l’Angleterre. Une histoire relativement courte qui propose de lire les petites choses qui marquent la vie d’un couple, tandis que le centre du récit revient sur les violences faites aux enfants d’un couvent à présent célèbre en Irlande « connu comme les blanchisseries de Magdalen ». Pour la critique il y a du Tchekov et du Dickens chez l’auteure.
Aharon Applefeld continue d’avoir une actualité, d’abord parce que c’est un des deux ou trois plus grands écrivains israéliens mais aussi parce que sa traductrice, Valérie Zenatti, a tissé des liens très serrés avec lui.
Du même coup elle distille, volume après volume le style concis et clair de son protégé : « Le romancier, mu par une mémoire prodigieuse, crée un monde en réduction, découpé en tout petits morceaux, ce qui exige une patience infinie devant la phrase. Un geste campe une atmosphère. Un visage fermé résume la tourmente soudaine. Un mot pris au vol, une phrase lapidaire épargnent tout bavardage. » souligne Muriel Steinmetz. Ce roman qui reprend les données de l’histoire familiale d’Applefeld se déroule cette fois dans un paysage de vacances au bord de la Bukovine. La menace est cependant bien présente.
Robert Bober fait pour sa part la une du monde des livres après celle de Libé ; même photo qui montre le réalisateur, couturier, photographe, écrivain assis sur un coin de table comme à l’époque Dumayet, « avec lequel Robert Bober a constitué un duo, un « attelage amical », qui fut l’honneur de la télévision française à partir de la fin des années 1960. » précise Raphaëlle Leyris.
Il lui écrit donc une lettre intitulée Par instant la vie n’est pas sûre. Ce n’est pas un exercice de pessimisme pour autant : « si la possibilité du pire est rappelée au détour de plusieurs passages, telle une promenade avec son petit-fils dans le quartier de la Butte aux Cailles, il s’agit ici d’abord de célébrer, dans l’incertitude de l’existence, la possibilité du meilleur ».
Contre Amazon ne pouvait sortir qu’au Nouvel Attila ; Claire Devarrieux met en avant l’auteur espagnol (catalan) Jorge Carrion qui se livre à un tour du monde des librairies, ce qui lui permet d’exorciser peu ou prou notre peur d’Amazon en prouvant la vitalité de la librairie.
Elle y voit « un livre en mouvement, un passage de relais » et elle renvoie aux pérégrinations de l’auteur, du passage quasi obligé par la Bibliothèque de Buenos Aires (et Manguel) aux visites de maisons d’écrivains dans la baie de Naples et aux librairies coréennes : « Au lieu d’inciter à se tourner vers des écrans, comme dans les médiathèques occidentales, les librairies coréennes rendent les livres interactifs. Il y a de quoi écouter de la musique au rayon musique, dessiner au rayon design, et cuisiner au rayon des livres de recettes. » La solution, vraiment ?
Personnages réels de roman extrêmement romanesques, les espions continuent de vivre dans les livres y compris lorsqu’ils ont existé. C’est le dossier du Figaro littéraire autour de quatre figures connues et moins connues : Richard Sorge russo-allemand qui travaille pour Staline et l’une de ses disciples Ursula Kuczynski dite Agent Sonya. Parfaite ménagère britannique le jour, elle envoie à Staline les secrets de la bombe A la nuit nous dit Astrid de Larminat.
Discret aussi Elie Cohen, espion du Mossad qui aura (carrière achevée) un timbre à son effigie ; Mohammed Aïssaoui indique qu’il a aidé à la victoire des Six jours.
Et, bien entendu, Ian Flemming dont on ne raconte jamais assez la vie parfois à l’image de son héros James Bond « L’érotisme avéré de certaines séquences devra sans doute en partie à la relation sadomasochiste du couple Flemming. » Heureusement, Sean Connery n’est plus là pour lire ça.
Dans le pêle-mêle
Dans ce même numéro spécial Israël et Palestine de l’Huma, on retrouve également David Grossman et sa lignée de femmes abandonniques tentant de survivre au régime de Tito.
Toujours dans l’Huma, Erri de Luca et, pour ce titre, la fidélité de l’engagement mise en avant ; c’est le premier à rappeler la stratégie de l’interrogatoire et ses coups tordus, question de culture.
Les conflits d’une mère d’Elisabeth Badinter continue sa carrière, chez LibéL cette semaine, rappel en chiffres « quinze heures de travail par jour, , deux guerres en sept ans et seize enfants en dix-neuf ans ». Père moderne, aimant ses enfants, mère moderne qui se reproche ses complaisances vis-à-vis de certains de ses enfants souligne Geneviève Delaisi de Parseval qui souligne par ailleurs le travail de l’auteur sur la famille.
Charles Juliet avec son journal et une anthologie personnelle est dans La Croix : « bien qu’il se refuse à l’admettre, il est souvent venu en aide aux existences cabossées qui ont rencontré son regard ou ses mots nous dit Laurent Schwartz.