Ecologie, aventure, consolation et banquet, les sujets de unes abordés par les romans et essais de la semaine, tentent d’imposer comme un vent de liberté par gros temps de confinement.
La Chronique audio de la semaine dernière
Les Unes
Pour le Figaro littéraire, la semaine est aux évasions d’aujourd’hui et d’hier.
Iliana Holgun Teodorescu traverse la Colombie en stop à 18ans pour de vrai (Aller avec la chance, Verticales) et s’en sort, tandis que E.F Varanela scénariste et Argentin lance pour sa part ses héros dans un voyage en camion vers la Patagonie route 203 (Métaillié) plutôt sur le mode salaire de la peur.
Pour Bernard Chambaz, Thierry Clermont assure que son voyage vers l’Oural vient autant de son passé, fils de député communiste, que de sa culture ; il ne se contente pas de regarder les paysages, il essaie également de leur donner du sens (musées, maison de Pasternak, ville de Perm, concerts, etc.). Le titre dit tout Hourrah l’Oural encore (Paulsen).
Quant à Titaÿna (Elisabeth Sauvy) comme journaliste aventurière et mondaine des années 30, elle est à la fois l’héroïne et la narratrice de ses aventures mais Alice Develey insiste sur son ton souvent désabusé lorsqu’il s’agit d’évoquer Tahiti où elle vit un temps dans la case de Stevenson et se rend compte que son aventure est « ratée ».
L’écologie à l’essai c’est en Une du LibéL de ce jeudi avec le livre de Serge Audier (La cité écologique, La Découverte).
Robert Maggiori y insiste, ce n’est pas seulement un essai mais une véritable somme qui se révèle aussi être une remarquable « boîte à outils ». Il ne demeure ainsi pas centré sur la seule écologie, celle qui fournit la caricature critique du camp d’en face mais s’intéresse à la république tout entière, critiquant au passage aussi bien les clichés que l’on trouve chez un auteur comme Régis Debray qui s’annexe ladite République que les prises de position souvent radicales et peu fondées du clan « écocentriste ». Il opte pour un eco-républicanisme qui tiendrait compte des lumières que l’on essaie un peu vite d’enterrer.
Il fait également l’objet du portrait du MDL de ce jeudi sur le mode admiratif dans lequel Florent Georgecso souligne le caractère encyclopédique de sa démarche.
La Une de l’Huma pour Mathias Enard, « Ancré en terre rabelaisienne, non loin du lieu qui aurait inspiré à l’auteur de Gargantua l’abbaye de Thélème, Le banquet annuel de la confrérie des fossoyeurs est un appétissant millefeuille qui scelle les noces de la mort et de la chère, multiplie les personnages, les points de vue et les registres stylistiques. »
Comme nombre de ses confrères, Sophie Joubert souligne la truculence mais aussi l’érudition du roman de Mathias Enard qui ne semble pas seulement justifier un statut d’ogre de la littérature. Entre anthropologie et magie le roman se nourrit des deux dimensions pour être moderne.
Livres et idées (la Croix), révèle Anne-Dauphine Julliand et son livre Consolation consacré à la mort de ses deux petites filles d’une maladie génétique et à la vie qui suit.
Elle y explique comment la consolation apparaît et s’étend dans les vies, sans qu’il soit besoin d’un délai légal pour cela. Anne-Dauphine Julliand n’a pas de recette pour les parents « désenfantés ». Elle veut simplement dire que peuvent cohabiter en un même coeur la douleur et la paix : « La douleur de celui qui pleure. Et la paix de celui qui est consolé. »
Pour le Monde des livres et sous la plume de son directeur Georges Orwell est l’écrivain de la semaine. Il salue à son tour – comme l’on fait nos autres quotidiens – la personnalité unique de cet anarchiste qui semble résister à toutes les théories simplistes concernant son action ; ses écrits servent à éveiller les consciences mais ils s’adressent également « à chaque écrivain conscient que le délire totalitaire oppresse quiconque tient à la littérature. »
Samedi, grâce à Mathieu Lindon c’est une figure du passé et des plus savoureuses qui faisait résurgence, celle de Gertrude Tennant, bien loin de Paul Morand.
On découvre ainsi une jeune femme anglaise et sa sœur qui connurent Flaubert et sa famille ainsi que Victor Hugo. Même si elle n’appréciait guère le style du premier ils restèrent amis jusqu’à la mort de l’écrivain, tandis que pour le second il s’agit plus d’admiration que de véritables échanges. A Guernesey elle s’attache à la famille de l’exilé et peu précise sur les dates et les faits bruts, elle analyse avec pénétration les dissensions familiales. Pour sa propre vie… « Talleyrand s’était entiché d’elle jeune fille et William Gladstone, premier ministre jusqu’en 1894 fut un familier. » Elle meurt de la grippe espagnole à 99ans.
Dans le pêle-mêle
Revoici, dans La Croix Erri de Luca et son affrontement entre le juge et ce qui pourrait être l’assassin (en haute montagne) ou disons plus simplement celui qui incarne la bourgeoisie et celui qui est issu de l’extrême gauche des années de plomb. Incompréhension mais grand roman disent tous ceux qui l’ont approché.
Boualem Sansal fait reparler de lui dans l’Huma : Le livre décrit le cheminement d’une tribu de Sunnites irakiens de 1916 à 1947 ; on va vers Israël pour nouer une autre relation à la religion : « La petite troupe rêve d’une Genèse bis. Autre Coran ? Déclaration universelle ? Tenter, du moins, d’interpréter l’Histoire à partir d’un texte sacré en imaginant une autre issue. »Texte ambitieux comme on le voit, chez un auteur qui, depuis longtemps déjà, en amont et aval parcourt le temps de l’humanité pour en faire des récits.
Evidemment Genevoix dure dans l’actu de la semaine avec un article dans le MDL qui fait le tour de son œuvre. Macha Séry n’oublie pas que Ceux de 14 est plus qu’un livre, (cinq) une fresque de plus d’un millier de pages. Elle fait aussi la part belle à l’amoureux de la nature, autre volet de la remise à l’honneur de l’écrivain et qui pourrait lui assurer une postérité plus régulière : « Aux yeux de Jacques Tassin, Maurice Genevoix est le premier représentant d’une « écologie de la joie » et de la « réconciliation » »
Suite de leurs aventures la semaine prochaine.