Après la première livraison des prix (Fémina pour Serge Joncour et Deborah Levy) voici une semaine qui confirme le retour du passé ou la fabrique littéraire avec la panthéonisation de Maurice Genevoix, les mémoires de Paul Morand et l’autobiographie un poil délirante de Ramon Gomez de la Cerna. Une figure à peine disparue brille à toutes les unes de cette rentrée, Jean-Claude Pirotte.

La chronique audio de la semaine

Les Unes

Encore Jean-Claude Pirotte, dans le Monde des livres cette fois, sous la plume de Xavier Houssin qui souligne la prolixité de ce grand écrivain caché, qui fut aussi avocat, son écriture ininterrompue jusqu’à n’être plus qu’un « mince filet mais elle coule, avec la même fraîcheur, la même lucidité ironique, la même prudente gravité. »

Pirotte n’a jamais cessé d’écrire mais sans graphomanie, dans la concentration d’un style qui se développe jusqu’au dernier jour.

Pour La Croix, l’homme de la semaine c’est Maurice Genevoix expédié en funérailles nationales avant d’être plongé dans l’oubli nous dit Jean-Claude Raspiengeas et pourtant c’était un écrivain aux talents variés : «il y a deux Maurice Genevoix que l’écriture réunit. Le chroniqueur de la boucherie qui emporta sa génération et l’écrivain contemplatif, bercé par le mouvement de la Loire, le langage des oiseaux, les arabesques de leur vol, qui dialogue avec les chats, peint les arbres, dessine les plantes, hume la rumeur de la forêt. »

Un entretien avec Michel Bernard complète le tableau d’un auteur sensible, victime de son talent d’écriture et de sa longévité, de sa reconnaissance de son vivant également. Ils disparaissent avec lui dès les années 80.

Le rendez-vous des livres (l’Humanité) rend hommage à Deborah Levy qui vient de recevoir le Femina Lettres étrangères pour deux œuvres, Ce que je ne veux pas savoir et Le coût de la vie (une troisième suivra).

Muriel Steinmetz résume le récit de ces deux premiers ouvrages, on passe d’une jeune fille arrachée à l’Afrique du sud par le sort de son père juif et soutien de l’A.N.C emprisonné à l’histoire d’une femme de 50 ans qui recommence sa vie après un divorce et dit enfin je : « elle prend corps, dit enfin je, se constitue un ego assez robuste (Duras) » résume bien Muriel Steinmetz qui conclut « C’est, du coup, l’histoire d’une femme qui peut en résumer des centaines et des milliers, qui a décidé de ne pas être endurante comme on le lui conseille et qui a décidé de se battre avec une douceur de fer contre les normes et la brutalité de la société. »

Parmi les retours dans la postérité, samedi c’était au tour de Ramon Gomez de la Serna à la une de LibéL A l’occasion de la parution d’une autobiographie « débordante, dispersée, répétitive, inégale, pleine de visions, d’envolées, de courts-circuits, de microrécits, de réflexions, de provocations, de contradictions, de révélations » développe un Stéphane Lançon inspiré par son modèle. Automoribundia est un texte démesuré en 100 chapitres et mille pages qui propose souvent des scènes grotesques ou inutilement développées au regard du travail classique dans ce domaine. « Quelque chose, en lui, joue avec sa propre caricature » affirme le critique. Entre passé de mode et redécouverte.

Quant au LibéL de ce jeudi, il nous offre un article d’Olivier Wievorka consacré au journal de guerre de Paul Morand dont le texte est parcouru par un « mélange d’inconséquence et d’immoralité ».

Il se serait rêvé influent alors qu’il n’était qu’observateur et l’on peut se demander si ce n’est pas son incapacité à dissimuler, sa naïveté, qui l’on conduit à ne rien omettre dans ce texte, prêtant le flanc, le sien certes, mais aussi ne cachant rien des bassesses des autres ceux qui dissimuleront leurs idées à la libération.

Le Monde des livres consacre également deux pages à l’événement, avec en ouverture un article de Laurent Joly qui à l’instar des autres historiens relève la sidérante collaboration de Morand faite de suffisance et d’aveuglement. Du même coup son journal avoue les crimes de Vichy sans aucun filtre, remettant en cause toutes les théories du « moindre mal ».

Là aussi un article sur la bio que lui consacre Pauline Dreyfus écrit par Jean-louis Jeanelle qui a cette remarque « Lui qui avait côtoyé l’auteur de Contre-Sainte Beuve ne sut jamais protéger son œuvre de ce moi social que Proust assimilait au « temps perdu ». »

Le dossier du Figaro littéraire pour Alexandre Dumas. Si cette actualité n’est pas galopante, elle s’impose à l’occasion de la publication d’Une fille du régent et d’un cahier de l’Herne consacré à Dumas. On notera l’interview de Bertrand Tavernier, éternel admirateur de l’œuvre et qui rappelle au passage que Dumas est aussi un extraordinaire dialoguiste.

Dans le pêle-mêle

Maël Renouard, en lice pour le Goncourt est défendu par La Croix.

Ancienne plume (réelle) de Fillon, ancien normalien, il campe un personnage d’historiographe au royaume du Maroc, pris entre célébration courtisane et les difficultés pour maintenir sa propre personnalité. De la finesse nous dit Loup Besmond de Senneville.

Comme tous les ans le Figlitt propose sa sélection des prix. Autrement dit son palmarès pour les Goncourt, Renaudot et autres Interalliè. Les journalistes invitent quelques confrères au Grand Véfour et tous les ans nous avons le droit à un article sur les plats …et la cuisine des prix.

Avec quelques extravagances cette année comme donner le Goncourt à Denis Tillinac (à titre posthume donc, et donc hors Goncourt…) Par ailleurs, Renaudot pour Francis Bouysse, Femina pour Marie-Hélène Lafon (bon c’est la campagne de Joncour qui l’a emporté), Médicis pour De Toledo, interallié et Pierre Adrian et « roman étranger » catégorie assez foutraque car inexistante et réduite à la portion congrue, pour Colum Mc Cann.

La dernière idée de Foenkinos, sortir dans la rue et rencontrer dans la première personne qui passe le sujet de son prochain roman ne suffit pas à faire le bonheur de Virginie Bloch-Lainé qui lui reconnaît cependant le fait de ne pas être en panne d’inspiration.