En attendant les prix littéraires et depuis que Carrère en a fait l’actu scandaleuse, il y a comme tous les ans une période d’accalmie ; accalmie sur les nouveautés qui se traduit cependant par une abondance de références plus riches les unes que les autres. Il faut dire que ce mois de septembre voit arriver les parutions d’avril, mai, juin…de l’année dernière.

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LES UNES

« Certes, David Grossman sait à merveille tremper sa plume dans l’encrier des passions intimes, disséquer les sentiments et les émotions humaines. Mais ce livre est beaucoup plus que cela » nous dit Stéphanie Janicot dans La Croix.

Deux destins se mêlent comme souvent dans les romans de David Grossmann, d’un côté l’histoire familiale, toute de déchirements et « d’abandons de mère en fille », de l’autre l’Histoire des hommes, celle qui convoque sans cesse les images du passé pour reconstruire la vérité au plus près. Cette fois donc une femme, Nina peu apte à assurer la vie de famille et de l’autre les goulags de Tito.

Le retour de Sartre. Le Sartre dogmatique, politique étant confiné au purgatoire, c’est un autre personnage qui sort de l’ombre à l’occasion de la biographie que lui consacre François Noudelman (Un tout autre Sartre).

Un Sartre différent, qui n’aime pas la politique, qui voudrait être poète en quelque sorte. L’Huma propose une présentation positive sous la plume d’Aliocha Wald Lasowski et une attaque en règle de Pascale Fautrier qui n’a pas apprécié, mais alors pas du tout : « Ce qui n’est pas douteux, c’est que le « dégoût de la politique », véritable mantra de ce livre, est bien davantage le fait de Noudelmann que de Sartre ; d’ailleurs, la politique qui écœure Sartre est-elle la même que celle qui insupporte Noudelmann ? Le flou conceptuel du propos ne nous permet pas de trancher, et c’est un autre problème de ce livre : son imprécision théorique, qui va parfois jusqu’au contresens. »

Je est beaucoup d’autres. Voici bien longtemps que Gisèle Sapiro propose ses analyses fines du milieu des lettres au prisme de la sociologie. Elle livre avec Peut-on dissocier l’œuvre de l’auteur un ouvrage qui fera certainement date. Dans l’entretien qu’elle accorde à Frédérique Roussel, elle évoque bien entendu les figures convenues du débat tel qu’il a lieu depuis quelques temps, de Céline à Matzneff et Handke mais elle pose la question plus large de la possibilité d’échapper au je chez l’auteur : « J’ai réfléchi aux rapports entre l’auteur et l’œuvre sous la forme de l’identification et aussi de ses limites. »

Elle le fait sans céder jamais au simplisme des réactions contemporaines et à la tentation de la « cancel culture » dont la dénomination semble affirmer l’effacement même de la culture.

Le dossier (et la une du Figaro pour la littérature de « l’entre deux rives » à savoir celles de la Méditerranée ou que reste-t-il de l’univers colonial dans nos lettres ?

Un Maroc de décor pour Maël Renouard qui joue sur un rapprochement entre le rabat de son roman et le Paris de la 5eme République – c’est une « plume » politique qui se reconvertit dans la littérature (Goncourt ?), des souvenirs à travers ceux de son père prof de lettres à Alger pour Béatrice Commengé, « c’est l’exploration de la vaste bibliothèque de son père consacrée à l’Algérie française qui permet à Béatrice Commengé de mesurer à quel point les douze premières années de sa vie ont été marquées par la confrontation de deux vérités contraires » nous dit Sébastien Lapaque.

« L’Histoire ne s’écrit pas avec une gomme » renchérit Alice Develey à propos dOlivia Elkaim qui pensait échapper à une partie du passé de sa famille et qui finit par en faire un roman (Le tailleur de Relizane).

Enfin Sarah Chiche dont le nom renvoie à une grande famille de médecins rapatriés continue de séduire la critique pour son Saturne. Respectivement Grasset, Verdier, Stock et Seuil.

Le Monde des livres opte pour Stephane Gerson dont le nom dissimule la nationalité américaine. Parmi les multiples liens de familles et deuils explorés de la rentrée, il vient pour sa part avec la perte de son fils dans un accident de kayak gonflable sur une rivière dangereuse des USA. Lui remonte le cours de l’Histoire de cette rivière aussi bien que celui de sa propre histoire familiale. Pour Antoine de Baecque cette mise en perspective permet la mise en place d’une « chronique anthropologique d’une société confrontée au scandale de la mort d’un enfant ».

Dans le pêle-mêle. A la rentrée, il y a un an, Jean-Pierre Martin avait eu le droit à un article dans LibéL pour Uneraison de vivre (Autrement) il y était question de ses engagements, de la gauche prolétarienne, de sa vie un peu erratique entre piano jazz, politique et recherche.

Son nouveau livre au titre très séduisant Mes fous est un roman consacré à un personnage qui usurpe la fonction de psychiatre mais se trouve en proie à ses propres failles (sa fille est schizophrène, un de ses fils polytechnicien et autiste Asperger.) et le titre ? « ses fous qui assènent leur vérité, répétant à l’envi le temps qu’il fait ou leur volonté d’enregistrer un album. » c’est ce qui perturbe. Sale Bourge, repéré (on s’en doute) par le Figlitt fait sa réapparition dans l’Huma ; ne pas s’arrêter au côté simpliste en apparence d’un roman qui interroge la réponse à toute provocation chez un enfant bourge « on croit à la caricature une. Mais le récit se précise » nous dit Alain Nicolas.

Ça continue également pour le premier roman de Florent Marchet. A en voir son goût pour la campagne et son être paysan, qu’il veut cesser de renier, on en oublierait presque qu’il est aussi une figure de la chanson « branchée » contemporaine. Ecouter notre chronique audio.

Cette année pas de grandes démonstrations historiennes au Figlitt mais le livre d’Emmanuel de Waresquiel marque son monde : l’idée de réduire l’essence de la Révolution à une semaine (et 5 décrets) le place forcément du côté des livres dont on parle eu égard à l’aspect Thriller de ce récit historien.

Après le MDL c’est le Figlitt qui le met à l’honneur. Samedi dans LibéL c’était Orwell en une ; avec une photographie de l’écrivain en grand frère de Charlot ; Frédérique Roussel souligne « cette dystopie est souvent considérée comme prophétique ce qui n’était pas exactement l’intention de l’écrivain. » c’est sans doute parce que ses textes soulignent son expérience personnelle des bas-fonds et des luttes anarchistes qu’il ne se contente pas d’observer mais auxquelles il prend une part active sans pour autant se transformer en donneur de leçons.