Une actualité variée entre fusées de la rentrée (cette semaine c’est au tour de Mathias Enard), académicienne (française) avec Barbara Cassin , prix Nobel de l’année précédente (Figaro) et anniversaire ; celui de Gabrielle Wittkop dont c’est le centenaire (de naissance façon Vian) avec de la dérision et une bonne dose de cruauté également.

LES UNES

Comme un retour de la fantaisie cette semaine avec Mathias Enard nous dit La Croix, une sorte d’épopée entreprise par un Mathias Enard Démiurge : « une ronde fabuleuse recyclant les destins : la Roue, qui ne cesse de renvoyer les êtres, que nous avons croisés bien sagement dans ce village tranquille, à leur passé ou à leur avenir dès le trépas venu » un roman très foisonnant défendu par Antoine Perraud.

François Angelier pointe Le retour de Mikhaïl Boulgakov dans une nouvelle traduction pour Inculteen une du Monde des livres. André Markowicz et Françoise Morvan « ont su radicaliser encore plus les partis pris théâtraux et la folie linguistique de ce pandémonium littéraire ».

Visite du diable dans la société russe totalitaire des années trente, le sujet ouvre des perspectives que l’auteur peu en odeur de sainteté soviétique s’échinera à approfondir sans cesse. : « détruit, réécrit et sans cesse repris, ce chantier romanesque accompagnera son auteur jusqu’à sa mort en 1940. » 

Peter Handke n’y va pas par quatre chemins en une du Figaro littéraire « Le Nobel a remis mon œuvre à sa place. » Il répond de la même manière à toutes les questions de l’entretien qu’il accorde à Thierry Clermont : la totalité de son travail littéraire s’inscrit dans une continuité qui vient de trouver sa reconnaissance. « l’intelligence peut tuer un écrivain », un avertissement.

De son côté Olga Tokarczuk sa co-récipiendaire publie un recueil de nouvelles plutôt sombres et son discours de Stockholm qui, nous dit Mohammad Aïssaoui, « est devenu un genre à lui tout seul. » il reste que l’auteure semble ne pas en avoir terminé avec son œuvre, elle.

Barbara Cassin s’invite en une du cahier livres de l’Huma. Le portrait que trace d’elle Sophie Joubert reprend les principaux éléments de sa personnalité plus que de sa biographie : liberté de ton, choix personnels davantage qu’institutionnels – la voici tout de même à l’Académie Française – et contradictoire seulement en apparence. « A la Vérité vraie, à l’Universel, un et majuscule qui est « toujours celui de quelqu’un », Barbara Cassin, « tardillon » né après la guerre, a toujours préféré le pseudos grec, la trinité « faux-mensonge-fiction » Elle n’en fait pas une posture dogmatique pour autant.

La une du LibéL de ce jeudi pour Philippe Sands. L’œuvre de l’avocat britannique mérite que l’on s’y attarde tant il atteint à la reconnaissance sans se départir d’un flegme qui pourrait passer pour tout proverbial. Après avoir suivi les pistes de l’Holocauste, le voici qui s’intéresse au sort des bourreaux et plus particulièrement de ceux qui passèrent à travers les mailles du filet. Son livre ouvre des perspectives au-delà de l’enquête historique : il met à jour les filières initiées par Aloïs Hudal, évêque qui permet aux nazis de s’échapper mais qui ne peut rien sans la complicité d’un certain nombre d’Américains et notamment la CIA qui favorise les « cerveaux » et Otto von Wächter).

Virginie Bloch-Lainé souligne son travail têtu sans se laisser aller à l’accusation pour l’accusation, ce qui lui a permis, sans doute d’avoir accès aux archives inédites du fils, Horst Wächter lequel essaie de draper le destin de ses parents dans leurs relations conjugales compliquées et de les excuser comme le souligne pour sa part Florent Georgesco dans le Monde des livres .

Samedi c’était Gabrielle Wittkopp et comme Libél samedi sait les ménager, une rencontre avec une auteure début de siècle. Mathieu Lindon rend vivante cette figure de résistance et peut-être par-dessus tout de résistance aux bonnes mœurs ; selon son éditeur, Bernard Wallet, fondateur de Verticales, c’est un homme libre.

« Elle n’a jamais eu de lien maternel avec sa mère », « elle plaisantait sur la mort mais sans jamais être morbide » quant à Mathieu Lindon « Elle est généreuse de mots peu courants : d’un roman à l’autre, des yeux sont goguelus, une peur « lixiviée », une rue « squalide » et le langage a ses paralipses ». Sinon, d’un point de vue thématique, liberté, cruauté, majesté.

Dans le pêle-mêle

Deux auteures voient leur actualité régulièrement relancée depuis le début de l’année avec tout ce qu’on dit de bien sur elles, Marie Hélène Lafon et son Histoire du fils d’un côté, de l’autre Camille Laurens et Fille ; cette dernière axe son récit sur le genre, la difficulté de naître fille ; la première traverse cent ans d’histoire familiale pour accoucher d’une identité.

Diane Meur continue, quant à elle, son bonhomme de chemin avec son récit « décalé », celui d’un grand-duché imaginaire où se croisent des personnages en route vers des projets utopiques ou désespérés : du manifeste anticapitaliste (probable matrice de ce roman) aux histoires d’amour impossibles.

C’est aussi la semaine de George Orwell qui débarque dans la « Pléiade » salué par l’Humanité et La Croix. Enfin dit-on dans l’Huma mais en même temps « pourquoi si tard ? Il n’en avait pas besoin pour être reconnu » comme l’indique pour sa part Maurice Ulrich qui souligne non sans malice que l’auteur jouit d’une réputation universelle depuis bien longtemps.

Emmanuel Ruben se taille également une part non négligeable de l’actualité avec Sabre (Stock) dont Alain Nicolas et Florence Bouchy soulignent l’inventivité. La remise en question des généalogies familiales se dresse au centre de l’œuvre.

Pas de chronique audio cette semaine… mais en lieu et place un dépistage COVID négatif.