Cette semaine l’actualité bouillonne ; si elle prend quelques distances avec le flot tumultueux des livres de la rentrée c’est pour mieux faire partager la richesse du déferlement des œuvres de tous horizons, écrivains vivants, défenseurs ou promoteurs des minorités, historiens de tous horizons et le retour d’un poète qui ne cherche pas à disparaître, Jean-Claude Pirotte.

 

A la Une

 

La ferme, un rêve… c’est le drôle de titre du Figaro littéraire pour sa une et son cahier.

Si la terre ne ment pas, elle est devenue un filon pour les romanciers. Serge Joncour résume l’ensemble de la question et ouvre le cahier avec Nature humaine : nous sommes davantage dans des histoires de terroir (identité) que de terre (agriculture). Les familles rurales sont au centre avec leurs difficultés à affronter la pression de l’hyper modernité, y résister. Chez Marie-Hélène Lafon on traverse le XXe siècle, chez Joncour on voyage entre 1970 et 2000. La conviction est la même cependant, d’un monde qui a perdu une grande partie de sa force vitale.

On notera que chez les deux auteurs, comme chez Marie Nimier et Olivier Mak-Bouchard, il y aura aussi des histoires d’amour, muettes sans issue ou saphiques et fantasmées, peu importe, c’est la preuve que ces romans ne sont pas faits de fonds de terroirs.

 

Le personnage de la semaine pour l’Huma c’est Bernardine Evaristo, écrivaine avec laquelle Muriel Steimetz s’entretient.

La vice-présidente de la très british Royal Society of Literature reconnaît passer son temps à s’engager pour la littérature sous toutes les formes et tirer de cette tension l’énergie nécessaire pour écrire. Partie pour suivre le destin de 1000 personnages, l’auteure s’est limitée à 100 avant d’en traiter 12, mais le roman parcourt néanmoins époques et pays, Angleterre et USA avant tout. « Bernardine Evaristo remonte le cours des généalogies de ses personnages, la plupart étant des femmes noires, britanniques, soumises ou pas à un ordre social admis ou rejeté, dans un monde opiniâtrement clos, blanc, sournoisement raciste. »

 

Parfois un écrivain surgit hors de l’actualité immédiate mais soutenu par la constance du travail critique.

On saluera donc aujourd’hui Jean-Claude Pirotte avec la une du cahier de La Croix, Livres et Idées. Antoine Perraud y évoque le poète : « Gai comme un expirant inspiré, bondissant dans l’immobilité du désastre » Condamné par la maladie, l’écrivain rédige cinq mille poèmes en deux ans. L’édition définitive en est donnée par sa compagne au Cherche-Midi Je me transporte partout. (726p) ECOUTER NOTRE CHRONIQUE

Italiens dans la montagne.

Depuis quelques temps déjà, Paolo Rumiz et Paolo Cognetti, ont rendu le thème de l’écrivain de montagne populaire. Erri de Luca fait partie de cette vague tout en y étant étranger, la montagne est réelle certes, mais l’idée du livre vient d’une expérience vécue, en réalité symbolique, la montagne c’est ce qui reste à gravir. Ne pas nécessairement faire la révolution mais empêcher que les autres ne fassent « la contre-révolution » comme il l’expose à Alexandra Schwartzbrod. ; Il est resté fidèle à ses engagements de jeunesse « Le jeune homme que j’ai été pourrait se reconnaître dans l’ancien que je suis et pourrait accepter de lui serrer la main. » et c’est déjà une réussite.

LibéL de ce jeudi accueille Charlie Hebdo et ses dessinateurs pour les 50 ans du journal et le livre qui est publié à cette occasion aux Echappées

« On dirait le titre cucul d’un album pour la jeunesse. » nous dit Frédérique Roussel . On y découvrira donc des dessins, des articles, tout ce qui a fait l’essentiel du journal qui a sans cesse évolué comme le confirme l’entretien de la journaliste avec Christian Delporte ; « l’esprit reste le même sauf qu’il s’adapte à l’époque. »

C’est la semaine des RDV de l’Histoire à Blois, numéro spécial du Monde des livres donc !

Programme des rencontres sur le thème Gouverner avec en ouverture un papier de l’historienne Claude Gauvart, médiéviste qui pose directement le cadre de l’événement dans un édito pétri de références historiques : « De même qu’on ne pénètre pas si facilement dans la cabine du commandant de bord, soigneusement cachée aux yeux du public, de même, celui qui gouverne se situe rapidement en retrait de ceux ou celles qui l’ont éventuellement élu. Cette distanciation fait enfermer les gouvernants dans des palais, les pare d’un décorum et, très rapidement, les isole. »

Elle trace ainsi les contours d’une interrogation qui va sans cesse des gouvernants aux gouvernés, rappelant au passage que nous sommes en présence d’un verbe « qui se conjugue au masculin. » 8 pages au total avec des recensions d’essais (femmes, Napoléon, nouveautés sur la Révolution française, photographie coloniale) bref de l’Histoire, encore de l’Histoire.

 

Dans le pêle-mêle.

Avant les semaines de prix il est temps de solder les critiques des principaux écrivains dont l’actualité a tendance à s’étirer en ce début d’année littéraire ainsi L’huma rend-elle hommage à Daniel Mendelsohn et à son obsession du voyage d’Ulysse. Il reproduit l’itinéraire de ce dernier en paquebot avec son père et ressasse les principales figures de voyage circulaires dans la tradition occidentale ce qui en fait une œuvre de littérature comparée.

Mauvignier dans LIbéL de ce samedi « nous amène doucement vers le piège qu’il a conçu pour eux (les personnages), Pour nous. On le sait puisque c’est écrit au dos du livre nous prévient Claire Devarrieux. Il se refermera malgré tous les avertissements de la critique.

La Croix complète le tour d’horizon avec Jean-Claude Raspiengeas : « Il brosse aussi un tableau de la désaffection rurale, de l’abandon et de l’oubli où, peu à peu, sans bruit, tout s’éteint et disparaît. »

C’était le portrait du Figlitt de la semaine dernière, Carole Martinez et ses Roses fauves, proliférantes et dangereuses nous dit Frédérique Roussel toujours dans LibéL samedi.

Déborah Lévy continue d’intéresser et d’émouvoir – dans le bon, sens du terme – avec son autobiographie consacrée à son identité de femme et d’écrivain. Offensive historienne également avec quelques ouvrages qui devraient faire parler d’eux.

Krysztof Pomian livre une histoire des musées qui retrace en trois volumes l’épopée du musée ; le tome 1 est disponible qui en raconte l’émergence. La Croix lui consacre sa page portrait et le MDL deux pleines pages (œuvre et portrait).

Jean Noel Jeanneney nous livre ses mémoires d’historien : lui aussi a droit aux hommages des deux journaux qui retracent son parcours à la fois à l’intérieur du système par la famille et en dehors par la distance historienne.


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