Des cahiers livres toujours très chargés en cette rentrée qui cumule les sorties du printemps 2020 et du mois de septembre. Jean-Philippe Toussaint fait l’actu de la semaine chez les auteurs de premier plan après Carrère et Mauvignier. Et toujours beaucoup d’auteures (écouter notre chronique).

Les Unes

C’est la semaine des émotions

Jean-Philippe Toussaint ouvrait Libération ce samedi (12-09) dans un entretien avec Stéphane Lançon qui semble apprécier Les émotions, dernier titre de l’écrivain et deuxième volet d’un nouveau cycle romanesque commencé avec La clef USB.

Plus simple que ce dernier nous dit Jean-Claude Lebrun dans sa chronique hebdomadaire, et recentré sur le je du personnage central, Jean Detrez, fonctionnaire à Bruxelles. « Des émotions l’ont en effet submergées, des espérances se sont dessinées, sévèrement douchées quand toutes les apparences semblaient conduire à un happy end. » Il s’agit d’aventures amoureuses bien sûr mais aussi du roman évoquant la mort du père. L’autofiction n’est pas loin.

Ce que je ne veux pas savoir est le titre d’un livre de Déborah Levy que LibéL place en une ce jeudi.

Stéphane Lançon (en verve) nous explique ; il s’agit d’une réponse à Georges Orwell lequel a publié en 1946 son ouvrage Pourquoi j’écris. S’interrogeant sur sa pratique de l’écriture comme sur sa vie de femme, elle en tire un constat ce sont les livres d’un écrivain qui constituent la réponse : « Comme chez Virginia Woolf, comme chez Marguerite Duras, les livres explorent intimement, politiquement, cette place de la fille, de la femme, dans un monde dont les hommes racontent l’histoire » (à commencer par Orwell qui ne considère que les écrivains masculins).

Un deuxième texte accompagne le premier (Le coût de la vie) le tout est publié aux Editions du Sous-Sol.

Le bonheur ! Sa dent douce à la mort

C’est également une autobiographie, celle de Barbara Cassin, autobiographie philosophique souligne Jean Birnbaum qui retrace quelques-uns des points nodaux de sa biographie et surtout sa manière de les aborder « ce qui captive dans ce livre c’est donc moins le fond que le ton » souligne-t-il. On y suit la philosophe dans les moments durant lesquels sa vie change de cap pour prendre un nouveau départ. Souvent en dehors des sentiers battus.

Changer le monde !

Titre le Figaro littéraire ; à l’intérieur Sébastien Lapaque fulmine en évoquant La fièvre d’Aude Lancelin « la répression impitoyable de ce mouvement restituée sans fard par La fièvre a eu pour but d’apprendre à se taire à un vieux peuple habitué à dresser des barricades depuis le fond de son passé. » (Liana Levi)

Le Figaro se fait donc le relai dans son dossier des révoltes contemporaines (narrées avant tout). Zeniter avec Comme un empire dans un empire (toile de fond gilet jaunes) et une histoire de personnages écoeurés par le cynisme ambiant et aussi Pierre Ducrozet.

Après le transhumanisme prix de Flore, le voici qui explore la résistance à la destruction de la planète ou « Comment habiter le monde autrement voilà la question de fond ». Une équipe de jeunes s’y emploie sous la houlette d’un mentor géographe, poète et …chargé de mission par Bruxelles. (Le grand vertige, Actes Sud).

Enfin Ann Scott évoque La grâce et les ténèbres au sein desquels évoluent ses héros traqueurs du djihad sur internet.

La une de l’Huma pour celle qui a écrit Histoire de la petite communiste qui ne souriait jamais.

Lola Lafon avec son roman consacré aux prédateurs sexuels (époque David Hamilton) déroule l’histoire d’une jeune danseuse qui devient malgré elle recruteuse pour un réseau pédophile. « Lola Lafon épouse la vie concrète de son héroïne jusqu’à ses 48 ans, lorsque la vérité sort enfin, via les réseaux sociaux. » nous dit Muriel Steinmetz, personnage ni véritablement à décharge ni à charge. Pour ce qui est de l’écriture, elle présente son héroïne sous tous les angles possibles, ce qu’elle justifie dans un entretien avec Frédérique Roussel (LibéL samedi 12) « Le collectif a pour moi un sens. Je ne crois pas qu’il existe une histoire individuelle. Cela n’a pas de sens en termes de violence sexuelle. »

Un premier roman en Une de La Croix : La cuillère de Dany Héricourt L’écrivaine Galloise qui situe son action en Bourgogne donne un livre étonnant sur la recherche du père qui passe par celle de la petite cuillère : « Ce premier roman plein de fantaisie est une belle découverte. Son héroïne bâtit ses passerelles entre les époques, entre deux cultures, deux langues – le gallois et le français – comme elle établit des liens sensibles avec chaque interlocuteur. » nous dit Sabine Audrerie.

Dans le pêle-mêle

Chronique d’Etienne de Montety pour Julian Barnes et son Homme en rouge et constat sur la belle époque, celle qui est à la fois raffinée et élitiste, flamboiement et inégalités, cela nous rappelle quelque chose.

D’Ann Scott (voir plus haut) il est aussi question dans le MDL qui souligne la difficulté pour l’auteure de passer à ce nouveau sujet. Tout sauf le djihadisme semble-t-elle dire mais elle n’échappera pas à cette interrogation. Les écrivains sont parfois choisis par leur sujet.