L’actualité littéraire du jeudi 7 mai.

Cette semaine l’actualité critique reprend un peu de poil de la bête avec de vraies sorties, des auteurs qui continuent de s’imposer et comme toujours en cette saison un peu flottante de vraies (re)découvertes.

Roberto Bolano resurgit après une éclipse de quelques semaines à la une de l’Huma.

On ne pourra qu’envier ceux qui ont acquis le premier volume de ses œuvres complètes qui mélange poésie et roman et dont tout le monde – y compris donc Alain Nicolas – souligne la grande cohérence.

On enviera surtout ceux, bien entendu, qui l’ont acquis avant le déconfinement. Le critique rappelle que Bolano, l’inclassable, a été le moteur de la génération latino post- 70 : « A quoi tient cette position si particulière ? interroge-t-il, Peut-être à sa manière si personnelle de détecter et, au besoin, de créer le malentendu. » Si Alain Nicolas conclut sur le fait que cet auteur n’est pas assez connu en France, on soulignera que presque toutes les unes des cahiers livres lui ont été consacrées ces derniers mois.

Un retour inattendu ! Michel Chaillou et Jacques Roubaud ; mais Frédérique Roussel nous dit que ça tombe bien car le livre dont il est question constitue une réflexion sur l’éducation : attention, il ne s’agit pas de réfléchir avec les termes des sciences de l’éducation, non, plutôt d’un retour aux sources, une réflexion à partir de quelques références érudites mais surtout la volonté de répondre à quelques questions de base comme « qu’est-ce qu’enseigner ? Qu’est-ce qu’un maître (et un mètre étalon) », « Chaque entretien aborde une question qui donne matière à débat, davantage sous la forme d’une joute verbale, de détours érudits, d’inventions poétiques, de piques ludiques » ajoute-t-elle.

Ce livre Entretiens d’Etretat (typique de la manière Chaillou) est publié aux éditions du Canoë ; une nouveauté ? Oui, un retour également, celui de Colette Lambrichs à l’édition, seule comme dans un canoë. Un signe encourageant de plus.

Comme un air de reprise en une de La Croix ; y aura-t-il des plages sous les pavés ? Dans tous les cas les pavés reviennent à l’approche des vacances. Trois petits tours et puis reviennent titre Kate Atkinson pour son nouvel opus de 460 pages chez J.C Lattès. Ce qui donne l’occasion à Emmanuelle Giuliani d’écrire un article à la gloire de l’auteur, soit une formule en ouverture de chaque paragraphe « Kate Atkinson est ingénieuse, Kate Atkinson est une tendre / est une dessinatrice et une coloriste virtuose/ est une hôtesse accomplie / est une attachante compagne de lecture. »

Avec comme il se doit désormais un enquêteur fatigué mais généreux, les paysages touristiques du Yorkshire qui cachent des intrigues extrêmement glauques. Mais c’est la valeur de son écriture et son rapport aux personnages qui fait toute la différence.

Le Figaro littéraire continue sa série confinée intitulée 3 raisons de relire… Argument assez simple qui a déjà fait réémerger Cent ans de solitude, Les trois mousquetaires bien sûr mais aussi Enfance de Nathalie Sarraute ou les Poèmes en prose de Baudelaire. Cette semaine c’est au tour de Kléber Haedens et de son Histoire de la littérature française, une référence très Figaro.

Du Moyen-Âge au XXe siècle K.H fait le tour des écrivains français et distribue les médailles selon ses goûts ; s’il prend visiblement plaisir à dézinguer Mauriac ou Flaubert, ses attaques sont toujours motivées et son livre connaît un succès ininterrompu chez les amateurs de littérature depuis sa première édition en 1943.(Grasset, « Cahiers Rouges »)

Analyse également comme les semaines précédentes en une du Monde des livres, de Florent Georgesco qui, en ouverture de ce cahier spécial Assises du roman évoque le rôle de l’histoire à laquelle il décide de retirer son H majuscule : « L’histoire est contingente – ce qui arrive aurait pu ne pas exister –, mais la raison a besoin, pour s’exercer, du nécessaire, de la solidité de ce qui avait de bonnes raisons d’être. »

L’idée centrale est de ne pas considérer l’Histoire comme une source de leçons qui permettent la prédiction car nous tomberions alors, lors d’une période de crise comme la nôtre dans l’illusion de la fatalité.

L’événement ce sont quand même ces assises du roman qui se maintiennent à distance en sortir de confinement à Lyon du 11 au 17mai, l’incertitude est le thème global ; auteurs et œuvres à découvrir sur Villagillet.net.

On notera la présence de Paolo Cognetti avec un nouveau texte sur la montagne dans lequel il rend un hommage appuyé à l’auteur du livre de montagne par excellence, le léopard des neiges, de Peter Matthiessen, livre culte au Népal et important pour ce qui est le nature writing américain (1983). Vous avez bien lu, léopard et non panthère, donc l’idée originale du livre en quelques sorte et non la copie.

Dans le pêle-mêle

Jean-Claude Raspiengeas suit à son tour les traces de Jean Rouault qui publiait juste avant le confinement une critique radicale de notre modernité, en gros tout ce qui prend la rentabilité pour boussole. Pas sûr que cela suffise comme guide du « monde d’après » mais le critique y croit « au terme de sa démonstration implacable, Jean Rouault en appelle à une révolution des esprits et des comportements. Il nous incite à devenir de réels objecteurs de cette surconsommation permanente de tout. »

L’officier de fortune de Xavier Houssin continue également sa carrière, une carrière discrète qui évoque la vie de son père, officier, amant de sa mère et qui reconnaîtra cependant son fils naturel en attendant la mort de sa femme pour reprendre contact avec ce foyer possible.

Et aussi Manguel dans l’Huma, et ses monstres ; encore un livre-somme ou bien une mini-encyclopédie d’inspiration Eco-borgésienne en quelques sorte qui évoque les figures qui l’ont marquées mais aussi la façon dont elles innervent la culture mondiale.

Portraits

Samedi Libération nous invitait, par l’entremise de Frédérique Roussel à un portrait de famille à partir de celui d’un Claro « empruntant une voie inédite chez lui, qui frôle le roman familial. Reprenons, le grand-père de Claro est l’architecte de La maison indigène à Alger qui fut l’objet d’un des premiers textes d’Albert Camus.

Du même coup Claro, l’écrivain, visite sa maison et s’enfonce dans une enquête documentée sur le passé familial, les fréquentations de son grand-père mais aussi de son père… sans qu’il y tienne particulièrement. Une porte entrouverte qu’il se promet de refermer le plus vite possible, gageons qu’elle saura intéresser les lecteurs.

Entre portrait et critique le Figaro de ce jour évoque la Lettre à un jeune homme de Max Jacob, c’est le titre de l’édition Bartillat, en fait plusieurs lettres. La casquette est double dans la mesure où il répond à une jeune auteur chrétien, donc à la fois écriture, se méfier de « L’alexandrin macaroni » et chrétien mode début XXe « la grâce ne vient que là où il y a écorchement. »