L’actualité littéraire du jeudi 30 avril.


 

 


La littérature début de siècle continue de faire l’actualité ; après le retour du Grand Meaulnes en Pléiade, voici Les plaisirs et les jours chez Bernard de Fallois, archétype de l’éditeur à flair.

Réédités « dans leur jus » avec préface et illustrations d’époque, les nouvelles et portraits concoctés par le jeune Marcel Proust l’introduisent dans la carrière littéraire. Selon Francine de Martinoir : « S’il a dépassé les langueurs fin de siècle, c’est parce qu’il a en lui uni cette douleur de la séparation à deux images du monde consolantes et constructrices. Dans l’une, l’amour est illusion et malheur, mais la représentation de l’amour malheureux est source de beauté, chemin vers la création. »

Des auteurs contemporains continuent néanmoins de publier, qui racontent les blessures de leur pays Scholastique Mukasonga ou Alaa El Aswany et toujours des interrogations sur la crise.

Les unes

« Le monde résonne vraiment quand il échappe à notre prise, et non quand

nous cherchons à le faire marcher au pas. » nous dit Nicolas Weil en ouverture de son analyse pour le Monde des livres.

Il part de l’ouvrage d’Hartmut Rosa publié en septembre et qui proposait de Rendre le monde indisponible (La Découverte) pour ensuite illustrer cette formule s’intéresser aux écrivains qui ont anticipé la stratégie du confinement ou, du moins qui s’y sont projetés facilement de Kafka avec Le terrier, à Beckett, en passant par le Désert des Tartares de Buzatti. enfermement, attente et compréhension du fait que le monde ne se révèle jamais tant que lorsqu’il nous échappe sont quelques-unes des leçons prodiguées par les écrivains.

Enfermé à l’abri a-t-on envie de dire à propos d’Alaa El Aswany ; confiné en France, l’écrivain égyptien qui vit à New-York évoque son engagement politique et montre que ce mot possède encore un sens. Persécuté par le régime d’Al Sissi qui l’a dans le collimateur depuis son élection, l’auteur ne cesse d’écrire et notamment sur la répression de l’aspiration à la liberté. Son dernier roman J’ai couru vers le Nil n’est pas publié en Egypte mais au Liban, il continue cependant à dire des choses simples sur la situation tant nationale qu’internationale.

Mais il trouve aussi des sujets à portée de main « En confinement dans un bâtiment du XIXe siècle (il est en résidence à Marseille), je suis seul dans un immeuble administratif. Plus personne n’y vient. Voilà une sacrée source d’inspiration »

Scholastique Mukasonga poursuit sa carrière littéraire franco-rwandaise avec un livre qui plonge aux sources des deux cultures ou comme le dit Christophe Henning dans La Croix elle « se fait aujourd’hui » narratrice de cette lutte acharnée entre la tradition ancestrale et l’évangélisation coloniale ».

Chacune possède en tous cas son héros, Kibogo fils de roi, qui s’est sacrifié pour que revienne la pluie et de l’autre, Jésus qu’on ne présente plus mais qui devient Akayézu (petit Jésus) un prophète qui tente la synthèse des deux cultures. Ce sont les récits merveilleux qui seront en définitive au cœur du livre sans compter celui de la narratrice qui retrace la conversion forcée de tout un pays.

Un photographe en une du LibéL, Cecil Beaton, souvenirs et anecdotes du photographe qui demeurera fasciné par Garbo. Avec ses Années heureuses 1944-1948, il fait le tour des salons et des endroits parisiens en évoquant les figures majeures qui les hantent après-guerre. Il évoque également Londres en ruine et le charme que peut conserver la ville et pour finir ses promenades avec Garbo dont il fut l’intime, façon de parler pour ce qui concerne Garbo.

Dans le pêle-mêle

Avec Alpinistes de Staline Cédric Gras rappelle qu’il est un amateur de Russie et un aventurier qui ne met certes pas en scène ses tribulations mais les vit tout simplement et notamment à travers son goût pour l’alpinisme.

On le retrouvera donc dans la chronique hebdomadaire de J-C Lebrun pour l’Huma, pour ce titre qui annonce le meilleur et le pire comme d’habitude avec Staline. Héros mis en avant, avant d’être suspectés ces alpinistes, figures et fierté du régime seront suspectés et, pour l’un d’entre eux, déporté.

Portraits

La rubrique cette semaine propose celui d’Anne Sinclair dans le MDL, elle y retrace la rédaction du livre qu’elle consacre à son grand-père Léonce Schwartz dont la légende familiale a fait un évadé de Drancy alors qu’en fait il était détenu à Compiègne, camp moins connu mais tout aussi redoutable, réservé aux « bourgeois » et moins bien documenté mais dont il s’est évadé néanmoins.

Florent Georgesco souligne le travail de recherche de la journaliste et elle, de son côté, reconnaît l’ignorance de certains épisodes : « cette rafle-là a fourni le premier contingent de juifs pour les chambres à gaz. Et moi je l’ignorais complètement.

Dans le LibéL de ce samedi (25/04) c’était à Alexandra Schwartzbrod de rencontrer Tonino Benacquista dont le chemin se poursuit qui fait œuvre. Si elle lui rappelle le succès prophétique de Saga, roman consacré à une équipe de scénariste type « bras-cassés » il n’épilogue pas mais présente ses nouveaux écrits dans la ligne de ceux qui précèdent. Il se définit comme storyteller et ne semble pas devoir changer de cap : « Je n’ai pas grandi dans les livres, mes parents parlaient un français très approximatif. S’inscrire dans un genre c’était prendre le récit à bras-le-corps, débarrassé d’atermoiements d’ordre littéraire ». Dans la définition même on retrouve finalement tout ce qui fait un écrivain. Son dernier opus Toutes les histoires d’amour ont été racontées sauf une annonce la couleur du récit dès le titre.