Une semaine moins actuelle.
En attendant les prix nous voici dans cette partie de l’année qui voit la redécouverte des écrivains ; il ne s’agit pas de retrouver artificiellement les fonds de tiroir de l’un ou de l’autre mais bien plus de participer à l’édification de la littérature. Woolf et Huysmans ont ceci en commun par exemple d’avoir poussé à bout bon nombre de leurs contemporains. Leur purgatoire fut donc assez long. Les revoici ; Sandor Marai a pour sa part connu les rudesses de la guerre pour ne pas dire plus. Il en témoigne dans son journal. Il reste néanmoins une violence actuelle dont il faut témoigner, elle se situe en Syrie pour le moment.
Les Unes
Tragédie syrienne et héroïsme féminin en une de l’Humanité.
La vie que nous avions un peu oubliée, celle des opposantes aux régime de Bachar el Hassad qui ont dû résister depuis 2011 non seulement aux attaques sur le terrain mais aussi à la pression masculine de leur propre camp.
Elles ont organisé à la fois soins et éducation mais « Elles ont été progressivement empêchées d’agir, d’abord par le régime, les conseils locaux, les brigades et enfin, les djihadistes. » L’auteure, elle-même romancière exilée a recueilli leurs témoignages. Murielle Steinmetz témoigne de son combat et souligne la cohérence de son œuvre.
Ce samedi dans Libération c’est Sandor Marai qui retient l’attention de Stéphane Lançon.
Avec son journal de guerre, celui-ci fascine par sa vie d’écrivain qui lutte pour ne pas avoir à s’enfuir de Hongrie. Il se trouve finalement contraint à l’exil sous la dictature communiste, tandis qu’il s’était simplement caché en Hongrie pendant la seconde guerre mondiale.
Le critique précise à propos du ton de Marai « celui d’un désespoir observateur et ironique » son journal raconte ses tribulations pendant la guerre et l’immédiat après-guerre. Il apporte parfois une lumière nouvelle et crue, parce que juste, sur les événements de la guerre. Le viol des femmes par les troupes russes notamment n’est pas tant insupportable à cause de la violence et de la brutalité qu’en raison du sentimentalisme des soldats qui racontent leur vie loin de leur mère une fois l’acte commis.
C’est François Angelier, spécialiste des mauvais genres qui s’intéresse à Huysmans en une du Monde des livres.
Il choisit l’angle du rond de cuir pour décrire la carrière de celui qui, côté écriture fut tout en rupture et en critique de son époque. Il ne la goûte guère et, nous dit le critique, « il confie alors à de grands reclus, réfugiés dans les serres chaudes de thébaïdes artificielles, le soin d’incarner sa propre nausée. » On retrouve dans cet article la généalogie d’une œuvre dont on comprend qu’elle a suivi la courbe de la carrière en passant par différents personnages : « en passant par l’ouvrière, le célibataire urbain, le dandy ou le connétable des enfers, la tentative huysmansienne est avant tout celle d’une opération violente de subjugation verbale du monde concret que seule la langue permet d’appréhender et de soumettre. »
Le retour de Virginia Wolf en une du Figaro à l’occasion de la biographie que lui consacre Emmanuelle Favier et intitulé Virginia, sans doute pour la rendre plus proche.
Bruno Corty rappelle que l’auteur a connu une traversée du désert mais que « son génie est intact ». Il suffira de lire les essais qui composent la matière de Londres ou sa correspondance avec Vita Sackville-West. 689 pages dans le livre de poche. Depuis 2012 dans la « Pléiade » rappelle le critique, Woolf n’a pas mérité un tel purgatoire.
Côté essai dans le libéL de ce jeudi Alessandro Barrico se révèle sous un jour moins familier que celui du romancier, à savoir le penseur-essayiste.
Robert Maggiori nous rappelle que l’auteur à succès poursuit également une carrière de philosophe (il est titulaire d’un doctorat en esthétique), le voici donc qui réfléchit sur l’ère numérique pour en souligner la présence dans nos vies et les changements qu’elle a induit et qui ne sont pas forcément négatifs,
Pour la Croix, c’est Michelle Perrot et son anthologie publiée en « Bouquins ».
Jean-Pierre Rioux retrace la carrière de l’historienne en soulignant le trajet que l’on peut lire de ses débuts en « histoire sociale quantifiée, marxisée et supposée émancipatrice » à « l’histoire de prédilection et l’historienne d’exception. » C’est tout de même du destin d’une ouvrière qu’il s’agit. La question des femmes rappelle le critique d’un jour reste au centre de l’œuvre de l’historienne.
Dans le pêle-mêle
Francine de Martinoir revient dans La croix sur les inédits de Proust, et le livre que Jean Luc Tadié lui consacre à l’occasion des 100 ans de son Goncourt. Elle insiste sur les débuts de l’auteur sous le titre repérages proustiens comme si celui-ci s’apprêtait à tourner un film sur sa propre vie. Et puis « Les autres «modernistes» du XXe siècle, les Proust, Joyce, Faulkner ont connu des éclipses, mais moins longues, et Faulkner a bénéficié de l’aura du prix Nobel. Virginia Woolf ne l’a pas reçu. Comment l’Académie suédoise a-t-elle pu, en 1938, préférer l’insipide Pearl Buck à l’auteur de Mrs Dalloway, Vers le phare, Orlando, Les Vagues? » nous disent Bruno Corty et Alice Ferney à propos des livres de Woolf que l’on aurait tendance à oublier.
Florence Noiville rend compte à son tour, et pour le MDL, du livre de Regina Porter, l’histoire de deux familles du sud « comme si on sautait de branche en branche, et de fourches en rameaux dans un très luxuriant arbre généalogique » Cependant assez classique en comparant deux familles de deux couleurs différentes.
Yancouba Diémé poursuit également son chemin avec son curieux, mais sincère, roman qui retrace le parcours de son père de nationalité française et tardive et qui a déguisé quelques aspects de sa vie sur ce nouveau territoire. L’auteur a transité, nous dit Gladys Marivat du MDL par un programme de creative writing et a mis très longtemps pour se résigner à publier. Une semaine assez riche en définitive.