Cette semaine on a peu l’impression que la rentrée s’est achevée, ou, du moins que ses feux sont à demi éteints, tièdes, envolés avec les dernières braises des barbecues d’été.

Peu de polémiques ni de grands textes mais une ronde assez convenue de titre en titre pour les postulants aux prix et qui ne propose aucune vraie révélation tranchante. Cet éloignement a du bon, portraits d’écrivains moins connus, retrouvailles avec notre passé.

 

Les Unes

Robert Maggiori nous invite à rencontrer Jean-Pierre Martin, l’homme et l’œuvre dans le LibéL de ce jeudi.

En deux ouvrages, l’un consacré à la curiosité « garde-fou contre la crédulité », l’autre intitulé Real Book, son autobiographie swinguée et « un bon manuel d’initiation au jazz et à ses pianistes, pas seulement Bill Evans et Herbie Hancock. ». Ancien de la gauche prolétarienne, privé de la liberté de curiosité Jean-Pierre Martin est devenu spécialiste de littérature, de jazz et pianiste.

Elodie Maurot dans La Croix présente pour sa part Christian Bobin et cette fois pour trois ouvrages.

Deux dont il est l’auteur et le troisième, un cahier de l’Herne qui lui est consacré, signe qu’il est un auteur d’importance : « La force de Bobin dit-elle est celle de l’enfant qui se joue des apparences et n’accepte pas le faux sérieux de la société. » Il écrit à Soulages (Pierre) pour le premier ouvrage, évoque les fantômes des écrivains poètes et mystiques, mais pas seulement, dans le second (L’amour des fantômes) et se tient entre la gratitude et le rejet des conventions. Aussi préfère-t-il le nom de vivant à celui d’écrivain.

Samedi dans le Libélivre du Week-end, Michaël Ferrier évoquait lui aussi son existence dans Scrabble une forme d’autobiographie.

Le récit de son enfance au Tchad en pleine guerre ; pourquoi Scrabble ? « Autour de nous il y a des tirs, des jaguars qui lâchent des missiles. La situation devient presque hallucinante lorsque ma mère nous dit à un moment : on va faire un Scrabble. » L’auteur est enfant à Ndjamena et partage la vie des autres enfants, il lui en reste comme un décalage « au contact des tchadiens, frères de vie nous dit Arnaud Vaulerin, Mickaël Ferrier s’immerge (…) Images mouvantes pour enfance mourante, il saisit un monde au bord du précipice. »

Emmanuelle Pireyre est la dernière des rencontres de la semaine mais non la moindre. Son nouveau roman, Chimère, est consacré aux OGM entre autres.

Il est toujours difficile de dire de quoi un écrit d’Emmanuelle Pireyre est constitué, « Le hasard et la coïncidence dans ma vie ça n’arrête pas. Ce qui fait que chaque thème, chaque personnage est comme un noyau avec de petits crochets qui peuvent permettre de l’accrocher à d’autres pour construire le récit. » Ici il s’agit d’un vagabondage souvent provoqué par les mots autour du thème de la manipulation du vivant.

Dans l’entretien qu’elle accorde à Alain Nicolas, l’auteure met en évidence aussi bien les liens que les coq-à-l’âne de son livre, elle reconnaît des calembours comme rapprocher Roms et traité de Rome mais c’est toujours pour en tirer une nouvelle hybridation de la pensée. Apparemment ça marche.

 

La rentrée littéraire c’est déjà fini ? Le Figaro littéraire fait sa une sur le cinéma, bon en fait il s’agit du cinéma dans le roman, sujet qui depuis trois ans déjà s’impose comme l’une des catégories littéraires de la rentrée.

Quoi de plus facile après tout, les stars sont livrées avec un parcours romanesque véritable survival kit pour romancier et certaines ont pris une telle dimension qu’écrire un livre les prenant pour héroïnes paraît naturel, ce sera le cas pour Les derniers jours de Marlon Brando ou Kill Jean qui reprend l’enquête sur la mort de Jean Seberg.

Moins attendu mais tout aussi (sinon plus) romanesque le destin de Douglas Sirk frappe par sa grandeur tragique. Dans Père sans enfant, Denis Rossano fait le tour de la vie de ce metteur en scène à jamais séparé de son fils, Klaus, dont la mère vouée aux thèses nazies a fait l’idole du régime.

Malgré sa notoriété hollywoodienne, le père ne reverra jamais son fils. « S’il y a le mot roman sur la couverture nous dit Mohammed Aïssaoui, c’est parce que Denis Rossano narre de son point de vue, ne cherche pas l’objectivité, écrit ce qu’il pense, dit ses émotions. »

Le dossier se complète d’un livre sur un film qui n’a jamais vu le jour L’île des enfants perdus de Marcel Carné et des glapissements d’Eric Neuhoff qui regrette la disparition du cinéma français qui, en gros, ne sait plus montrer de jolies femmes ni de whisky. Il regrette sa propre jeunesse en somme, laquelle n’est pas non plus follement originale.

 

Dans le pêle-mêle : « Sylvain Prudhomme n’assène rien, mais reste ouvert à tous les possibles » nous dit Florence Bouchy du Monde des Livres ; l’auteur écrit ce curieux roman consacré à l’auto-stop qui pourrait ouvrir sur une ère post Kerouac.

Un écrivain retrouve un ancien ami l’auto-stoppeur dont il va à nouveau partager la vie. Le style minimaliste de l’auteur, son sujet assez mince n’en font pas moins une ressource de l’ensemble des cahiers livres.

Chroniqueuse et venant après un an de Claro au Monde des livres, Camille Laurens loue le roman de Mickaël Ferrier « C’est cette disposition à l’accueil et ce respect du vivant sous toutes ses formes, y compris dans la langue, qui font de Scrabble un grand roman d’amour, ou plutôt un grand roman de l’amour – des bêtes, des gens, des mots et des choses, de ce qui fait battre le coeur « à toute vitesse, comme le pilon dans le mortier à mil » » On retrouve encore Ferrier, c’est sa semaine décidément, dans le supplément de La Croix.