Cette semaine…Tandis que le Figaro littéraire fait sa rentrée et que l’Humanité poursuit son programme amorcé il y a trois semaines, trois suppléments s’éloignent un peu de la seule actualité française, pour – et cela nous change du domaine anglo-saxon – (re)découvrir la littérature espagnole. Quant au Monde il pêche en eau québécoises.

 

Les unes

Les mythes littéraires ne meurent jamais si bien que Don Quichotte (dont nous apprenons par ailleurs qu’il est le livre le plus traduit au monde après la bible) connaît une nouvelle vitalité à travers les romans qu’Andrés Trapiello consacre à Sancho Panza. « Réfléchir l’époque et réfléchir sur l’époque sans céder au présentisme, au prêchi-prêcha a posteriori » nous dit Antoine Perraud qui a rencontré l’auteur.

Ce dernier se défend de vouloir penser de façon anachronique mais multiplie les « allusions au pénible aujourd’hui » et ressuscite la figure de Panza pour que les aventures continuent dans l’Espagne du siècle d’or jusqu’aux royaumes ultramarins.

L’Espagne de Manuel Vilas est plus contemporaine mais tout aussi poétique. L’auteur, presque contemplatif, rédige son autobiographie sous forme de vignettes comme des fragments de mémoire, les cigarettes que fumaient ses parents, des scènes de la vie de ceux-ci anodines ou dramatiques mais jamais trop anodines pour qui veut remonter le fil de sa mémoire.  « Manuel Vilas est poète nous dit Philippe Lançon, on le sent presque à chaque ligne : cette façon de revenir plusieurs fois sur la même chose, la même phrase, en modifiant à peine l’angle d’approche, de taille »

Dans Ordesa, l’auteur né en 1962 en Aragon multiplie les réflexions, parfois désarmantes comme celle-ci sur la pauvreté « la pauvreté est un état moral, un sens des choses, une forme d’honnêteté qui n’est pas nécessaire. Le renoncement à la mise à sac du monde, telle est la pauvreté à mes yeux. Sans doute non par bonté, pour des raisons éthiques ou un quelconque idéal, mais par incompétence pour le pillage. Mon père pas plus que moi n’avons pillé le monde. En ce sens nous avons été les moines d’un ordre mendiant inconnu. » La richesse, ici, est bien celle de la poésie.

L’Humanité comme promis poursuit son programme éditorial de rentrée avec la une de la semaine pour le roman de Louis-Philippe Dalembert, romancier haïtien qui « s’empare avec force du drame des migrants en Méditerranée » nous dit Muriel Steinmetz ; ce roman est cru et sans pathos mais le choix des héroïnes, trois femmes d’origine de condition et de religion différentes qui tentent de rallier l’Europe en suivant le chemin tragique désormais bien connu qui passe par la Lybie en fait bien une matière romanesque. Ca et la tempête méditerranéenne de celles qu’Ulysse dût rencontrer et qu’affrontent à leur tour les voyageuses.

Et donc c’est la rentrée littéraire pour le Figaro ! rentrée primo-romancière et quasiment exclusivement féminine cette semaine mais qui sera complétée tout au long du mois de septembre ; nous vous renvoyons au tableau pour l’intégralité des titres et des noms ; quelques sujets : la famille de gauche un peu déconnante, le suicide de la mère, la figure du père, les femmes hystériques de la Salpêtrière, la pédophilie d’une prédatrice, une étudiante d’aujourd’hui ou bien encore une affabulatrice du Bataclan et l’abattage des poulets. Dit comme cela c’est un peu frustrant, rien n’interdit d’y aller voir de plus près.

Kevin Lambert n’est pas un héros d’une chanson contemporaine, c’est le nom de l’auteur de Querelle. Vous avez bien lu. Le titre de Genet est repris et son héros, homosexuel, ouvrier dans une scierie et dont le désir perturbe jusqu’à l’action syndicale des ouvriers qui se battent pour sauver leur travail. « Ici, le sexe est un outil de sabotage, il dynamite le bel ordonnancement des langues de bois, discours amoureux ou paroles militantes. » Jean Birnbaum l’oppose dans le Monde des Livres à Ruffin, il y voit une forme de fraîcheur face au radotage militant sans doute.

 

Dans le pêle-mêle de l’actualité on retrouve Ordesa et Manuel Vilas à qui Thierry Clermont du Figlitt rend un vibrant hommage « Un texte majeur à placer aux côtés des grandes réussites en la matière (…) loin de la prétention stérile d’un Albert Cohen par exemple ».

Avec un peu de retard Grainville rend hommage… à Yann Moix « C’est violent. Vrai » Pas un mot sur les deux semaines qui viennent de s’écouler. Papier paru à contretemps ?

Marie Darrieussecq est à son tour dans l’Huma pour la Mer à l’envers dans lequel il est question de migrants et de notre rapport à l’humain et qui complète, si l’on peut dire, Mur Méditerranée.

Un papier dans ce même journal pour le livre d’Hélène Gaudy Un monde sans rivage qui s’incruste dans cette rentrée avec ses paysages arctiques, dont l’ensemble de la critique souligne l’analogie avec la page que l’écrivain devra traverser à l’écriture. Nostalgie des grands glaciers à l’époque de leur fonte ?