Titres et unes

La presse ne se rue pas sur l’actualité de janvier, c’est le moins que l’on puisse dire. Si Eric Vuillard fait bien la une de l’Huma, c’est l’Auvergne et les carnets d’Aragon qui l’emportent ailleurs. Quant à Antoine Perraud il pose la question essentielle de la semaine dans le cahier livre de La Croix « L’année 2019 sera-t-elle enfin, dans le monde, celle d’Antonio Lobo Antunes, avec l’attribution du prix Nobel de littérature ? »

Deux unes de cahier livre, deux ouvrages de 80 pages et deux prix ; d’un côté Eric Vuillard et son récit de la révolte de Thomas Müntzer, chez Actes Sud, 8,50 euros, de l’autre le fac-similé du carnet qu’Aragon offrit à son héritier Jean Ristat, 150 euros aux éditions Helvétius. Y aurait-il une fracture dans l’édition ?

Avec La guerre des pauvres Eric Vuillard est forcément d’actualité en racontant « une insurrection de paysans, de petits commerçants, d’artisans pauvres, de vagabonds.» précise Muriel Steinmetz. Oui, nous dit Vuillard mais c’est aussi la personnalité de Müntzer et au-delà celle de Luther qu’il faut interroger « La prose de Müntzer est plus galvanique encore. Dit l’auteur, Il y a en elle une ardeur insolite, une vraie force poétique. Ce sont des mots qui ont changé les choses et on peut sentir presque physiquement leur puissance d’action. » Quelques réflexions intéressantes sur l’écriture ponctuent l’entretien – jusqu’à celle de Stendhal dont il souligne combien elle suit le caractère de son héros.

Côté Aragon, c’est un carnet de fin de vie plein de dessins souvent « obscènes » pour utiliser une catégorie qui n’a plus guère cours aujourd’hui ; obscénité de potache. Aragon n’est pas un grand dessinateur, mais, souligne Philippe Lançon, « c’est peut-être l’écrivain chez qui le talent est le plus naturellement branché sur l’inconscient et la créativité sur le plagiat. » Le mot n’est bien sûr pas à prendre au sens premier une facilité lui vient à la lecture des autres avec l’œuvre desquels il joue; des essais de style sur fond de gribouillis bariolés dans ce livre de successions de mots. Il est une illustration du dernier avatar du fou d’Elsa « vieille folle bariolée, excentrique, hypersexuelle, renouant avec les signes les plus extérieurs du désir et du dandysme de ses débuts, mais cinquante ans plus tard. »

Antonio Lobo Antunes c’est l’actualité littéraire couplée à la réflexion historique. La guerre menée par le Portugal en Angola n’est jamais bien loin, elle innerve au contraire le temps présent de ce roman qui s’ouvre sur un meurtre. Le fils adoptif angolais d’un soldat portugais tranche la gorge de son père lors d’une fête au cochon et l’on croit comprendre à la lecture de l’article d’Antoine Perraud que l’écriture d’Antunes se débonde à l’image de ce sacrifice premier, père et cochon, mêlant les sangs et les époques. Jusqu’à ce que les pierres deviennent plus douces que l’eau avec son titre long semble sacrifier à la mode des feel-good books, ce serait une grave erreur que de le croire.

 

L’Auvergne une terre pour les écrivains titre le Figaro littéraire. Pierre Jourde, François Taillandier, et Vanessa Bamberger publient des livres qui parlent racines et famille.

Pour Pierre Jourde c’est la suite d’aventures qui n’avaient pas bien commencé avec un passage dans sa terre natale à la Chaminadour (La Première Pierre) et qui semble cette fois promis à un avenir plus calme dès le titre Le voyage du canapé-lit. Un entretien avec Marie-Hélène Laffon hors actualité directe vient ponctuer ce dossier. Elle évoque son identité rurale comme une doublure de la vie urbaine « c’est aussi un recours. Je n’ai pas besoin d’y être physiquement pour m’y réfugier. Je ne prétends pas qu’il faille avoir des racines pour savoir d’où l’on vient. »

 

Pêle-mêle et portraits… chroniques audio dans l’édition du soir !

F.Palierne

Index des titres parus dans la presse de cette semaine :

Cliquez ici pour télécharger

tableau 10-01