Entre légion étrangère et mythe européen.
Cette semaine les critiques s’éloignent un peu de l’actualité des prix et des sorties pour se consacrer à des figures d’écrivain plus éloignées dans la géographie ou dans l’espace et ce qu’elles nous ont apporté.
LES UNES
Le colosse et le traître
« Replacer ce colosse d’écriture sous le signe du combat moral : (c’est) chasser le mensonge de la société et de l’histoire, c’est d’abord le chasser de nous-mêmes. » Georges Nivat le dit, il faut redécouvrir Soljenitsyne, ses œuvres pour saisir le grand projet qui le tint toute sa vie, dessiller les yeux de ses contemporains sur la machine à broyer soviétique.
Lui qui vient d’une classe relativement aisée (les fameux koulaks) s’investit dans la lutte révolutionnaire avant d’en dénoncer l’évolution. On connaît la suite censure, goulag, exil et controverses sur sa nostalgie de la Russie XIXe.
Et à présent, pour le centenaire de sa naissance, colloque, publication du Journal de la Roue rouge (Fayard) et une du cahier livre de La Croix.
LeMonde des livres en fait également sa une et Elenaz Balzamo insiste elle aussi sur l’importance de son écriture en ces temps de mensonges « . Il consigne ses doutes, ses illuminations, les réactions de ses premiers lecteurs. Ce texte n’a rien d’un simple registre, il possède un dynamisme, une respiration propres.
Benoît Vitkine correspondant à Moscou brosse un étonnant tableau de la notoriété contrastée de l’écrivain défendu certes mais : « En octobre, la peinture d’une fresque représentant l’écrivain, accompagnée des mots « Ne pas vivre dans le mensonge », a provoqué des manifestations dans la ville de Tver, au nord-ouest de Moscou. Le site Internet local relatant l’affaire proposait à ses lecteurs de donner leur avis : 35 % qualifiaient Soljenitsyne de « génie » ; 57 % de « traître ». »
Centenaire aussi mais celui de la disparition de deux poètes novateurs du début du XXe siècle sous la plume de Sébastien Lapaque dans le Figaro littéraire.
« Funambules et lunatiques, artisans d’une littérature électrique, syncopée et marquée par l’urgence » souligne le critique à propos d’Apollinaire et Arthur Cravan, avant de retracer deux destins parallèles mais antagonistes : le boxeur provocateur est le neveu d’Oscar Wilde, le poète épris de pure forme est le fils adultérin d’un officier de la garde pontificale.
Ils ne s’aiment guère et si le premier est institué par les surréalistes c’est surtout le second qui innove dans le domaine de la création. Le premier déserte l’armée anglaise, le second se fait Français pour partir au front. Beaucoup de livres à cette occasion dont les lettres à Guillaume Apollinaire de Louise de Coligny-Châtillon autrement dit Lou, publiée chez Gallimard et qui avaient déjà ouvert l’appétit de Pierre Michon la semaine dernière (v.les titres dans notre tableau hebdo).
Ecrivains et Traducteurs ont toujours leur Maison à Saint-Nazaire et l’Humanité leur consacre la une de son cahier livre. Le thème de ces rencontres entre écrivains et avec le public? – L’Europe qui est ici évoquée, exploitée, débattue dans un ouvrage collectif Vers l’Europe ? ( MEET).
C’est aussi l’occasion de lire les livres produits pendant les résidences en ville ; celui, étonnant de Noëlle Revaz et Michael Staufer qui propose des textes écrits en allemand et en français qui seront bien entendu traduits dans la langue de l’autre…mais par un traducteur extérieur.
Trois versions pour la même œuvre. Intégralement française, intégralement allemande et mixte. Ainsi que le roman (1ere partie) de Stefan Capaliku qui retrace une enfance et une adolescence dans l’Albanie d’Enver Hodja où un poste de télévision alimente la soif de nouvelles d’un quartier entier. Dans laquelle aussi, comme le relève Muriel Steinmetz « Le mot assassinat n’était pas très répandu ces années-là, écrit l’auteur. Les gens ne tuaient pas facilement leur semblable. C’était l’Etat qui le tuait ». Gageons que l’on se demandera bientôt : Stefan Capaliku, traître ou écrivain ?
Le pêle-mêle de l’actualité. C’est Philippe Vasset…et c’est tout ! écouter le billet audio.
Index des titres parus dans la presse de cette semaine :