Une semaine politique, ou non.

L’engagement est au cœur de l’actualité de la semaine, l’engagement des écrivains et la question de sa permanence occupent les unes de cahiers un peu en manque de romanesque par ailleurs.

Les unes

Avec Gisèle Shapiro c’est d’abord le bilan de l’engagement qui nous est proposé de l’affaire Dreyfus à la guerre d’Algérie.

Frédérique Roussel dans LibéL en expose les grandes lignes jusqu’à la conclusion : l’engagement a reculé devant la technocratie mais s’affirme toujours fortement au sein même de la littérature contemporaine.

En partant de l’analyse du parcours de quelques grandes figures littéraires dont l’archétype pourrait être Malraux, la sociologue explore le champ des relations entre littérature et pouvoir. Elle dégage ainsi quatre catégories « les notables, les esthètes, les avant-gardes et les polémistes » Frédérique Roussel résume cet éventail en évoquant dans le « bon goût, talent, radicalisme et pamphlet. » Les écrivains et la politique en France, Seuil.

Dans la continuité (et jusqu’à quel point !) le Figaro titre en une La leçon de liberté des écrivains algériens.

C’est le dossier de son cahier littéraire : « Ce que demandent les écrivains algériens d’aujourd’hui, ce sont des lecteurs français curieux – de leurs vies minuscules, de leurs tragédies quotidiennes, de leurs moments de bonheur, des secrètes blessures de leur histoire nationale. » s’appuyant sur le livre que Tristan Leperlier leur consacre aux éditions du CNRS (Algérie, les écrivains dans la décennie noire), Sébastien Lapaque montre comment les générations se succèdent et livrent approches et figures originales, et pas seulement enfermées dans l’éternel et problématique rapport à la France. On retrouvera Kamel Daoud, Boualem Sansal et Adlène Meddi pour leurs ouvrages récents : 1994 pour ce dernier, qui règle leur compte aux barbus et aux généraux des années de terreur (Rivages/Noir).

Le monarque des ombres de Javier Cercas confirme l’importance de l’engagement de l’auteur catalan qui revient cette fois sur la figure d’un grand-oncle, ou du moins grand-oncle potentiel puisque jeune phalangiste de dix-neuf ans il est tué lors de la bataille de l’Ebre. Marie-José Sirach dans l’Humanité souligne que l’auteur qui se dédouble pour les besoins du récit « retourne la terre de l’Histoire, s’acharne sur le moindre indice, multiplie les points de vue, non pour valider la version de l’un ou de l’autre camp mais pour traquer la vérité, même quand elle semble lui échapper. On découvrira par exemple que d’autres grands-parents ont participé au conflit et l’ont payé toute leur vie.

Si « raconter des changements politiques et sociétaux avec une intelligence narrative telle qu’il n’a pas besoin de les souligner » fait partie de l’engagement en littérature alors Alan Hollinghurst est un écrivain engagé.

Il dépasse dans son nouveau roman, L’affaire Sparsholt, le contexte de la lutte de défense des droits homosexuels pour atteindre à une pertinence littéraire impressionnante. Etalé sur des décennies son récit saisit l’évolution des générations sur tous les plans « l’un des plus grands auteurs anglais toutes catégories confondues » nous dit Raphaëlle Leyris en une du Monde des Livres.

Loin de ces préoccupations et du bruit du monde se trouve la résidence d’auteurs d’Isabelle Desesquelle, à la fois havre de paix et de travail. Hors des contraintes habituelles on y passe pour écrire sans contrepartie et Tanguy Viel comme Violaine Bérot ou Arnaud Bertina s’y sont rendus. L’hôtesse y cultive l’accueil et l’aide à l’écriture, en démarchant les bourses pour ses protégés. Un engagement pour la littérature donc qui s’explique aussi par son ascendance…kabyle. (Elle-même publie Je voudrais que la nuit me prenne chez Belfond.)

 

Dans le pêle-mêle.

Si l’Ava de Thierry Froget continue son tour critique des suppléments livres (Les nuits d’Ava, Actes Sud), voici qu’Asta surgit. Corinne Renou-Nativel souligne pour La Croix que le roman de Jon Kalman Stefansson à « l’écriture ensorcelante » s’apparente à « un maelstöm qui se moque de la froide linéarité chronologique. »

L’écrivain islandais fait surgir le même personnage a plusieurs moments de sa vie tout au long du roman ce qui explique peut-être la simplicité et la plénitude du titre de celui-ci. Florence Noiville insiste pour sa part sur le côté rude de cet univers romanesque où se disputent « tristesse, mauvaise conscience et reproches ».

Encore un prénom d’héroïne en -a mais dans un contexte immédiatement tragique cette fois. Avec Rima, La Marcheuse, de Samar Yazbbek, la collection Stock « La cosmopolite » accueille une auteure qui correspond à son programme. Cosmopolite, le personnage l’est en profondeur puisqu’attachée par sa mère qui tente de la préserver du grand désastre syrien, elle parvient à fuir avant d’être à nouveau prisonnière de geôliers plus sombres : son témoignage vaut pour le monde.

 

 

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Auteur7

Teaser Audio de la semaine - Et si c’était l’année des essais ?