Héros stars et destins

Ce pourrait bien être une rentrée littéraire centrée sur les personnages et qui ouvre sur les multiples combinaisons de l’anonymat et de la célébrité ; écrivains connus donnant vie à des personnages qui deviendront peut-être célèbres, portrait de stars par des inconnus réels ou fictifs, un héros chanté via un personnage de fiction, célébrité écrivant sur une autre célébrité et vies de star auscultées, etc, etc.

 

Ecrivains stars

C’est Sabrine Audrerie qui l’affirme cette année nous avons « une généreuse rentrée littéraire ». La responsable du cahier livres de la Croix « Livres et idées » égrène quelques noms parmi ceux des « écrivains familiers » Jérôme Ferrari et Maylis de Kerangal. Voici donc deux écrivains connus et déjà primés qui font les unes et les grandes pages de quelques cahiers livres dans vos quotidiens.

Pour Jean Birnbaum du Monde, Jérôme Ferrari assume enfin nettement sa fascination pour l’image avec ce roman, A son image (Actes Sud) mais développe également une ironie vis-à-vis de son héroïne Antonia et de son métier de reporter. Elle sera amenée à appliquer les recettes les plus usées de la presse locale. Ironie aussi vis à vis du nationalisme corse avec lequel il a frayé « sens de la composition, l’art du montage » conclut le critique, ironie un peu grinçante de l’auteur puisque distillée pendant la cérémonie des obsèques de son personnage.

Sabine Audrerie choisit plutôt ce dernier angle et attire notre attention sur ce roman « de bout en bout marqué par la gravité de la mort. » Antonia est une « figure vivante, jamais angélique » c’est-à-dire jamais angélique au sens sulpicien du terme. Loin des chromos donc, l’auteur développe une sorte de tombeau pour Antonia fait de « miséricorde ».

Maylis de Kerangal tente pour sa part de passer le cap du succès qu’elle a connu pour Réparer les vivants : « un énorme détour par rapport à mes autres romans. » Sa nouvelle héroïne semble confirmer par sa vie même ce choix d’un retour à la discrétion, elle peint des trompe-l’œil et décide de travailler sur une réplique de Lascaux, elle se nomme Paula Karst et incarne son auteur si l’on peut dire les choses dans cet ordre : « moi j’ai trouvé quelque chose de très fort dans cette figure pour pouvoir interroger ce qui me lie à la fiction. » ici le personnage est l’autre par lequel la célébrité des lettres se retrouve. (Verticales)

Stars et écrivains

Jeudi, le Figaro signalait la tendance qui voit les écrivains s’emparer de vies de star du cinéma ou de la littérature, tendance qui s’accentue nettement ces dernières années, Ava Gardner par Thierry Froger, Maria Schneider par sa cousine Vanessa, Elsa Morante et les deux romans consacrés aux figures masculines Alain Delon (Un problème avec la beauté, Jean-Marc Parisis Fayard) et André Breton sous forme romanesque (J’aimerai André Breton, Serge Filippini Phébus). Tour à tour fascinés (Alva, Elsa, Alain) émue et coupable (Maria) ou plus radicalement fictif (André), les auteurs développent des tête à tête documentés même lorsqu’ils servent de support à une fiction.

La lecture des titres de la semaine nous en convainc nous venons de franchir une nouvelle étape avec le récit d’une star consacrée à une autre : avec par exemple ce roman consacré par Michael Imperioli à Lou Reed. Michael Imperioli est l’un des personnages de la série les Soprano (ce qui est déjà peu banal dans la république des lettres) quant à son roman (Wild Side chez Autrement) il s’agit d’une sorte d’Attrape-cœur revisité façon Manhattan 1974.

Un jeune garçon y raconte sa vie dans un immeuble, un avec portier comme dans les films de Woody Allen, dont le huitième étage accueille l’appartement de Lou Reed. Sans s’appesantir sur la star, le roman raconte le lien qui se tisse entre les deux personnages. La star des séries s’efface devant son personnage et livre un vrai roman.

Héros et écrivains

Faire vivre dans un roman les héros de la réalité, c’est aussi une manière de les distinguer. Avec Le Sillon aux éditions Tripode Valérie Manteau donne un roman-enquête qui s’attache aux figures de la résistance en Turquie et plus particulièrement celle de Hrant Dink assassiné en 2007…

soit bien longtemps avant la tentative de coup d’état dirigée contre Erdogan. « Exagérant la naïveté de son double de fiction, nous dit Sophie Joubert, assez ignorante des dangers qu’elle court, Valérie Manteau sui les déambulations d’une étrangère qui endosse peu à peu, un deuil commun à tous les militants de la paix. » Elle pose les questions essentielles sur à notre aveuglement face à une situation dramatique pour ce qui concerne les droits de l’homme. Le vedettariat littéraire n’empêche pas une sincérité de la relation au personnage.

A la semaine prochaine !

Index des titres parus dans la presse de cette semaine :

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