Opéra pastille – Cognetti/Strauss

Le 6 février 2016, j’écoutais pour la première fois à la folle journée de Nantes la fameuse Symphonie Alpestre de Richard Strauss interprétée par l’Orchestre National des Pays de la Loire, sous la direction de Pascal Rophé.

Cette édition 2016 était l’occasion d’explorer les rapports entre la musique et la nature, source primitive d’inspiration pour tant de musiciens. La succession des saisons illustrée par Vivaldi en est l’exemple le plus célèbre, sans oublier l’évocation de » la mer » par Debussy, les « murmures de la forêt » de Wagner ou la sonate pour piano intitulée la « tempête » de Beethoven. Les sons naturels de l’eau et du vent, les cris d’animaux, les grondements célestes ou souterrains ont inspiré la création d’instruments et de formes musicales pour les reproduire au plus près.

 

La symphonie alpestre (eine Alpensinfonie) créé en 1915, décrit l’ascension d’un randonneur en montagne, depuis les premiers sentiers jusqu’au sommet en passant par le périlleux passage d’un glacier.

Cette ascension se déroule sur toute une journée, de la nuit à la nuit. Cette symphonie dure environ une heure et comporte 22 tableaux successifs qui ne laissent aucun doute sur le projet d’une musique proprement descriptive : « Lever de soleil » … « l’arrivée en forêt »… « Marche auprès du ruisseau »… « Pâturage de montagne »… « Sur le glacier »… « Au sommet »… »Moments dangereux » … « Le brouillard se lève »… « Le soleil s’obscurcit »… « l’orage, la descente »… « Crépuscule »…

Les effets musicaux de Strauss empruntent beaucoup à l’opéra: nous trouvons dans cette symphonie  une machine à orage, une boîte à tonnerre, des cloches et des cors alpins comme une fanfare de village lointaine…

L’énigmatique randonneur solitaire parvenant au sommet de la montagne permet-bien sûr- une interprétation symbolique de ce vaste ensemble remarquablement construit.

Il y a bien une volonté d’élévation de la condition humaine. Sur une journée assimilée à une misérable existence , le parti pris est d’explorer la Création comme source d’émerveillement.

Mais cette « Oeuvre de Dieu » est également écrasante, dangereuse et impossible à dominer. Le tableau central « vision… » entrouvre les portes de l’absolu, la possibilité d’un dépassement de soi, mais le promeneur se retrouve bien vite à nouveau dans la nuit, la contemplation pure est insuffisante et se solde par un échec.

Plus tard, Gustav Mahler dans sa symphonie numéro 6 fera le même constat.

Une excellente version de cette symphonie :

https://www.youtube.com/watch?v=FQhpWsRhQGs

Dans son dernier livre intitulé les huit montagnes, l’écrivain italien Paolo Cognetti (prix Strega 2017) reprend ce thème de l’exploration de la montagne perçu comme un chemin vers la connaissance de soi.

A travers l’amitié de deux adolescents, l’un citadin, l’autre montagnard, Cognetti développe un véritable hymne à cette vie alpestre qui est aussi celle de l’auteur, retiré dans un village du Val d’Aoste à l’écart du tumulte des villes.

La montagne devient un personnage à part entière, toujours fidèle et jamais source de déceptions. La « hauteur » devient une nécessité vitale pour se retrouver, entre père et fils, entre amis de toujours, ou bien tout seul face à soi même.

Ce livre coup de cœur aux valeurs à rebours de la modernité trépidante est incontestablement à découvrir !

 vidéo YouTube Vienna Philharmonic Orchestra (Bernard Haitink) Richard Strauss’s Alpine Symphony PROMS 2012