La une de l’après-midi…

 

C’est celle du Monde des Livres consacrée à Cantik itu Luka le deuxième roman d’Eka Kurniawan après L’homme-tigre (Sabine Wespieser). Le titre français est  Les belles de Halimunda et, nous dit Florence Noiville, le livre « repose tout entier sur un amalgame de merveilleux et d’effroi. A chaque page surgissent des esprits dont les manifestations, prédictions ou maléfices percent le réel comme des coups de poignards.»

On pense évidemment à Salman Rushdie ; ici nous sommes en Indonésie et, comme lui, l’écrivain mélange légendes d’un monde foisonnant et modernité politique. Voici pour l’auteur dont « le père faisait le ménage dans les autels et rapportait à la maison tous les livres que les touristes étrangers laissaient derrière eux. » Un book crossing efficace avant la lettre.

 

Le goût des chroniqueurs : Tiède ou pimenté, arrosé d’eau bénite.

 

Libérés de l’actualité immédiate, les chroniqueurs se laissent dériver jusqu’à leurs goûts plus intimes et, surprise ! Etienne de Montety et Claro vont vers la religion, pas tout à fait du même pas mais avec la même joie féroce.

Le premier se laisse aller à un catholicisme de poussée « Dieu est Dieu, nom de Dieu ! » le second évoque le commencement du livre qu’il lit, la « grâce d’un nouvel incipit : « On nous ordonna prêtres et nous fûmes perdus. ». Bienvenue au Vatican. ». Le premier a lu Le verbe dans le sang de Leonardo Castelli, imprécateur à la Bloy, qui livre ses réflexions sur quelques-uns des grands noms de son temps. Jeu de massacre qui épargne des Rousseau ou Wilde, nous dit le critique mais qui condamne Chardin ou Anatole France « je tiens pour entendu que tout un chacun se doit d’endurer dans cette vie un certain degré d’injustice et de corruption, une certaine dose d’imbécilité ambiante » (ed. Pierre-Guillaume de roux).

Claro se fixe sur le personnage de pape complètement délirant créé par Giosuè Calaciura dans Urbi et Orbi (Noir sur blanc) : « on le suppose mort un jour sur deux mais il ressuscite et tance ses ouailles comme un boutiquer floué par ses clients, il exile ses prêtres sur un coup de tête aux quatre coins du tiers-monde et arrête les voitures aux carrefours romains pour les bénir à tout va. » simple pochade ? délire comique ? Non, l’auteur maintient « une tension dramatique (…)une émotion surréelle attachée qu’elle est à peindre jusqu’à l’implosion la solitude du pouvoir et la cabale des dévôts.»

Jean-Claude Lebrun participe à la mise en perspective de la question algérienne en évoquant « une éducation sentimentale, avec la fille d’un riche colon, et une éducation politique avec des nationalistes et des progressistes algériens » celles que va vivre le héros du livre de Rachid Boujdedra, La dépossession (Grasset). Roman qui revient sur la colonisation et contribue à construire l’œuvre de l’écrivain : « Jamais peut-être Rachid Boujdedra n’avait aussi finement réinventé la complexité historique qui continue d’irradier si fort le présent. »

Enfin, samedi, Mathieu Lindon revenait à Emmanuel Bove Le remords (Petite Bibliothèque Ombres), nouvelles textes critiques et interview. «  nous dit le critique qui cite quelques passages fait d’espoir et de dérision qui nous font dire « C’est bien du Bove ».

 

Le pêle-mêle du jour :

 

L’Algérie est encore au cœur de l’actualité cette semaine ; le Monde des Livres rappelle la liste des textes déjà publiés depuis le début de l’année à quoi Raphaëlle Leyris ajoute deux titres, ceux de Jean-Pierre Le Dantec Le disparu (Gallimard) et Indocile d’Yves Bichet (Mercure de France). Le premier évoque la figure d’un professeur appelé en Algérie qui disparaît et dont les protagoniste vont tenter de retrouver la trace « Il y a quelque chose qui rappelle Le grand Meaulnes dans ce roman d’amitié et d’apprentissage, dont les deux jeunes protagonistes lisent Valéry Larbaud et fantasment sur Nathalie Wood. » Brigitte Giraud et Rachid Boujdedra complètent le dossier.

On notera que le livre de Charif Majdalani est également chroniqué dans le Figlitt ; Christian Authier nous dit qu’il fait « entendre la nostalgie du monde d’avant, un monde auquel le mystère et l’inconnu avaient encore leur part. » dans un roman « en Technicolor, plein d’espaces et d’horizons lointains, plein de chair et sang. » Un roman sur la famille autant que sur la malédiction des descendant de L’empereur à pied (Seuil).

Le travail d’Adrienne Mayor sur les Amazones (réelles et supposées) continue d’intéresser la presse. Le sous-titre du livre de l’historienne anglaise n’y est sans doute pas pour rien  « quand les femmes étaient les égales des hommes ».

De même s’intéresse-t-on au livre d’Antoine Compagnon Les chiffonniers de Paris, travailleurs infatigables et pionniers du tri écologique « Tout se revendait, se recyclait,  nous dit Frédéric Mounier de l’Huma, Au prix, il est vrai, d’une souffrance dépeinte par Théodore de Banville en 1884 (…) « et comme un chien pelé/qui remâche des os et des carcasses dures,/Il cherche son régale parmi les tas d’ordures. »

 

Les portraits de la semaine : le portrait de Pierre Michon en dernière page du Figlitt dans son entretien avec Thierry Clermont : « Je songe à publier les carnets qui m’ont accompagnés entre 2000 et 2005, en les améliorant, en les enrichissants. Ils constituent en quelque sorte le journal qui a accompagné un projet de livre qui n’a pas encore vu le jour. »

Marc Villemain a les honneurs de la dernière page du Monde des Livres ; son livre « Il y avait des rivières infranchissables, un recueil de nouvelles très intime sur les premiers sentiments amoureux. Rosaire doucement égrainé de ces émotions maladroites qu’on garde, sa vie durant, enfermées dans son cœur. » (Joëlle Losfeld) Naïf ?

Xavier Houssin nous rappelle qu’il a été plume du PS pendant quelques années avant d’écrire de slivres aux titres nettement moins fleur bleue : « Et je dirai au monde toute la haine qu’il m’inspire, Le pourceau le diable et la putain » (Seuil)