Dans son dernier roman Zéro K paru aux éditions ACTES SUD, l’écrivain américain Don Delillo dresse le portrait d’un richissime homme d’affaire new-yorkais qui investit dans la construction d’un complexe ultramoderne, le « projet convergence » destiné à cryogéniser les corps de volontaires en quête d’immortalité, au premier rang desquels Artis, sa jeune épouse à la santé fragile, prendra place.

Une expérience extrême source d’interrogation sur les rapports entre la vie et la mort doublée d’un pari sur la science : désillusion programmée qui confine à l’enfer ou anticipation de l’éternité heureuse ?

 

Cette méditation sur le thème de l’immortalité trouve une de ses applications les plus réussies dans « l’affaire Makropoulos » (1926),  l’un des neuf opéras du compositeur tchèque Leos Janacek.

Directement issue de l’adaptation d’une pièce de théâtre de Karel Capek, l’héroïne de cet opéra que l’on pourrait presque qualifier de philosophique est une cantatrice -Emilia Marty- qui présente la particularité d’avoir 337 ans, grâce à un élixir de longue vie qui a prolongé son existence !

Emilia est un personnage absolument glaçant de cynisme et d’indifférence. Une femme fatale et mondaine mais aussi une femme profondément inquiétante qui traverse les siècles en changeant de nom mais dont la véritable identité, celle d’Elina Makropoulos- fille d’un alchimiste grec du 16ème siècle- sera dévoilée au dernier acte.

Cette histoire fantastique pragoise -dans la lignée des apprentis sorciers et des kabbalistes faiseurs de golem- est l’occasion d’une démystification des avantages de l’immortalité. L’insensibilité d’une âme aux êtres et aux choses entraine jusqu’à l’abîme tous ceux qui l’approchent. Sans la mort, la vie perd son sens.

Le phrasé très particulier de cette œuvre épouse cette absence apparente de lyrisme. La mélodie ne trouve sa place qu’à l’évocation des rares moments d’amour partagés. Il s’agit d’un opéra sans airs, sans duos mais soutenu par une orchestration solide et de long récitatif dont l’originalité rythmique reste toujours proche de la parole.

Au final de cette œuvre inclassable, Elina confesse le désespoir de sa vie malheureuse, tout en transmettant le secret écrit de son immortalité à une jeune fille qui en brûlera le parchemin.

 

 

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Les admirateurs de l’oeuvre de Janacek pourront notamment écouter son opéra « Katia Kabanova » en février 2018 à l’opéra de Rennes dans une mise en scène de Frank Van Laecke sous la direction musicale de  Jaroslav Kyzlink, en coproduction avec le Théâtre National de Slovénie.

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