La biographie romancée de la religieuse africaine «Bakhita»  écrite par Véronique Olmi et publiée récemment aux éditions Albin Michel nous fait découvrir la vie d’une jeune soudanaise vendue à l’âge de sept ans comme esclave et recueillie en Vénétie après avoir été rachetée par un diplomate italien.

Il s’agit du récit d’une enfance outragée par des esclavagistes sans scrupules, d’une âme en quête d’identité ayant oublié jusqu’à son propre nom de naissance. Tout au long de ce livre, nous assistons à un affranchissement de sa condition d’esclave, mais aussi à un lent affranchissement du regard de l’autre, à une délivrance personnelle qui trouve son accomplissement dans la vie consacrée et l’offrande de soi jusqu’à la sainteté. Bakhita a été canonisée en l’an 2000 par le pape Jean-Paul II.

Si l’on explore du côté de l’art lyrique, le thème douloureux de la servitude, transposée dans le domaine de l’opéra, a été souvent traité par les compositeurs.

L’esclavage antique trouve sa représentation la plus aboutie dans le ballet Spartacus d’Aram Khatchaturian (1968) :  une œuvre engagée et patriotique qui fait de l’esclave rebelle une sorte de figure révolutionnaire. On retiendra particulièrement l’immortel adagio qui a rendu célèbre son auteur. Une version spectaculaire en plein air au Walbühne de Berlin mérite un coup d’œil :

https://www.youtube.com/watch?v=wXsDsLHasWo

Dans l’opéra de Verdi Nabucco (1841), abréviation du roi mésopotamien Nabuchodonor, le fameux chœur des esclaves hébreux déportés à Babylone « Va pensiero… » est devenu un tel classique qu’il aurait pu devenir l’hymne de la nouvelle république italienne. Il est vrai qu’en filigrane de cette représentation du peuple hébreux en captivité à Babylone, le public italien voyait immanquablement une référence au peuple italien alors sous domination autrichienne. La présence scénique du chœur fait intégralement partie de la dramaturgie.

https://www.youtube.com/watch?v=HKYjsKrtrow

Toujours dans l’œuvre de Verdi, comment ne pas penser à Aïda (1871), l’esclave éthiopienne de la princesse égyptienne Amnéris. Ici, la condition d’esclave crée un déséquilibre entre deux femmes : l’une est princesse, l’autre est esclave. Mais toute deux sont rivales en amour. Radamès, promu chef de l’armée égyptienne  choisira au péril de sa vie et de son honneur de rester fidèle à Aïda. Dans cet opéra, l’accent est mis sur la fragilité des rapports entre les êtres. Les vainqueurs d’aujourd’hui pourraient bien être les vaincus de demain, l’esclave se révèle être au final de sang royal, et la princesse de sang abandonnée et livrée à la rancœur du désamour, occupe une position bien peu enviable.

Un extrait du duo de l’acte deux entre les deux femmes :

https://www.youtube.com/watch?v=uF12Xicxgg4

Enfin le thème de la captivité a été paradoxalement utilisé à maintes reprises dans l’opéra sur le mode « léger» .

On en trouve l’illustration dans l’enlèvement au sérail de Mozart (1782) , la caravane du Caire de Grétry (1783) l’Italienne à Alger de Rossini (1813). Un pacha plus bête que méchant, des personnages de haut rang faits prisonniers après un naufrage, un contexte oriental qui permet de déballer quelques vérités sur l’ordre établi (le statut des femmes en particulier chez Mozart)  …. Il n’en faut pas plus pour créer les ingrédients d’un divertissement qui n’exclut pas les retournements de situation. La morale reste sauve, et le pacha en despote subitement éclairé-fait preuve de magnanimité au final.

Un extrait de l’hilarante version de l’enlèvement au sérail avec Olga Peretyatko dans le rôle de Blonde :

https://www.youtube.com/watch?v=AznmnCob8o4