Le dernier roman de Philippe Jaeneda, la serpe, dresse en 600 pages l’itinéraire de Henri Girard,accusé en 1941 du meurtre sordide à coup de serpe de son propre père,de sa tante et d’une employée de maison dans le cadre isolé de la propriété familiale. Un huis clos parfait, sans mobile, sans témoins, sans réelles preuves, qui choqua les esprits en son temps et marqua  l’opinion publique de l’après guerre, jusqu’à contraindre Henri, finalement acquitté, à l’exil au Venezuela où il écrira, sous le pseudonyme de Georges Arnaud le fameux salaire de la peur.

La figure du criminel ou de l’innocent victime d’un système judiciaire implacable, si féconde en littérature, a-t-elle trouvé dans l’opéra un terrain propice à la créativité des librettistes et à l’inspiration des compositeurs ?

Un rapide survol du répertoire suffit pour nous en convaincre !

On pensera à tous ces ténors emprisonnés par des barytons jaloux.Dans Tosca de Puccini, le baron Scarpia, chef de la police romaine,fait mettre au cachot le fougueux Mario Caravadossi avec le prétexte d’un sombre complot politique. Dans le Trouvère, de Verdi, Manrico est enfermé avec sa mère au donjon du palais de l’Aljaferia à cause du Comte Luna, soucieux d’écarter un rival gênant.

 

Mus par leurs passions, les héros d’opéras sont parfois poussés au crime passionnel et deviennent de véritables proscrits  !

Dans Manon de Massenet, Des Grieux et Manon sont condamnés à la déportation en Louisiane respectivement pour escroquerie et prostitution. Don José dans Carmen abandonne sa caserne et son honneur pour devenir brigand afin de suivre sa belle gitane jusqu’au meurtre fatal…

Si le déroulement intégral d’un procès ne se prête guère à une transposition lyrique, l’univers carcéral en revanche et la peine capitale qui en découle ont donné de grandes réussites. On pense à la scène finale du dialogue des carmélites de Poulenc où les soeurs s’avancent une à une vers la guillotine, le son du couperet faisant intégralement partie de la partition.

 

La programmation de l’opéra de Marseille pour cette fin d’année 2017 nous donne l’occasion de revoir le dernier jour d’un condamné, opéra des frères Alagna d’après le roman de Victor Hugo.

Cet opéra, créé en 2007 en version de concert au théâtre des Champs élysées et monté à Avignon en 2014 reprend les thèses essentielles du plaidoyer de Victor Hugo contre la peine de mort.

La mise en scène de Nadine Duffaut est saisissante : deux prisons juxtaposées, l’une sombre et vétuste évoquant le 19ème siècle, l’autre moderne et d’une blancheur clinique, renvoyant à une vision angoissante d’une geôle du futur. Les deux condamnés, Roberto Alagna et l’américaine Adina Aaron expriment dans cette oeuvre poignante leurs tourments intérieurs jusqu’à échanger leurs rôles au final pour mieux renforcer l’universalité et l’actualité de cette question de société, Roberto subissant l’injection mortelle et Adina la guillotine.

 

Un extrait pour se faire une idée : https://www.youtube.com/watch?v=XM9GLcl_3jU

 

Sur le même thème,en 2014, Dreyfus de Michel Legrand, opéra assez anti militariste et hymne à la liberté avait surpris. Enfin, on ne saurait trop recommander Claude (2013), de Thierry Escaich , encore une adaptation de Victor Hugo dont le librettiste n’est autre que Robert Badinter ! La déshumanisation de l’univers carcéral et la question cruciale de la peine de mort y sont traitées par Badinter à travers la fameuse révolte des canuts lyonnais !

Zone contenant les pièces jointes

Prévisualiser la vidéo YouTube Roberto Alagna – LE DERNIER JOUR D’UN CONDAMNE – 09/03/14 – Extrait 1