L’actualité cette semaine continue à traiter des écrivains de la rentrée. Après le trio Deville, Zeniter, Jaenada c’est au tour de figures parfois plus discrètes de prendre les unes et les cahiers livres. Des récits nouveaux certes mais les grands problèmes humains réapparaissent au moins en toile de fond.

Une littérature jamais bien éloignée des maux de notre époque .

Après le petit essai-documentaire consacré aux migrants du quai d’Austerlitz par Marielle Macé (Sidérer,considérer, Verdier), voici Justine Augier et son enquête sur Rozan Zaïtouneh , avocate syrienne, d’abord en fuite puis disparue (De l’ardeur, Actes Sud). Défenseur des détenus politiques, pilier de la contestation pacifique, celle-ci disparaît, nous dit Hala Kodmani pour LibéL de son appartement clandestin soudainement « vidé de ses occupants et de leur seuls ordinateurs et téléphones portables. » Justine Augier se livre à une enquête approfondie autant pour en retrouver la trace que pour restituer l’épaisseur de sa vie d’engagement.

Bakhita de Véronique Olmi est en une de la Croix « Pour qu’une histoire  soit merveilleuse, écrit l’auteur, il faut que le début soit terrible », enfant vendue comme esclave, l’héroïne si l’on peut dire, est sauvée par le consul d’Italie à Khartoum à qui elle est vendue à l’âge de 13 ans avant de devenir nourrice puis religieuse au Soudan elle sera canonisée par Jean-Paul II « La narration d’une vie de sainte comporte bien des écueils nous dit Stéphanie Janicot, entre la tentation d’édifier le lecteur et la distance trop respectueuse pouvant rendre le récit froid ou impersonnel. Ici, rien de tout cela. » C’est aussi le mélange de réalité et de fiction propre à cette rentrée et à notre époque.

On notera un rapprochement possible avec Underground railroad le roman de Colson Whitehead (Albin Michel) dont il est question dans le même supplément livre. Entre la traque fantastique et le documentaire historique sur les droits humains le roman retrace la fuite de deux esclaves Cesaer et Cora, en utilisant un réseau mis au point par les abolitionnistes. On notera que Cora a été vendue plusieurs fois elle aussi et marquée à chaque nouveau propriétaire.

L’avancée de la nuit de Jakuta Alikavazovic ne revient pas directement sur la tragédie des Balkan mais raconte une « histoire d’amour et de mort ». Elle s’ouvre sur le suicide et reprend la longue relation amoureuse qui le précède et qui se déroule non pas sur fond de décor urbain mais qui inclut la ville comme partenaire géométrique du récit. Alain Nicolas souligne (en une du Rendez-vous des livres) qu’ « au moment même où la vie et la mort se décident, une horizontale ou une verticale est tracée, des lumières s’allument. » les hôtels possession de la famille de l’héroïne achèvent de dresser le paysage urbain avec et contre eux.

Une rentrée chronique !

Pour l’instant, loin de leurs choix personnels, les chroniqueurs s’appliquent à donner une vision de la rentrée, leurs préoccupations recoupent celles de la plupart des critiques.

Jean-Claude Lebrun (RDVDL)  se joint à Patrick Kéchichian (L&I) pour souligner le talent  et la précision à froid d’Yves Ravey, écriture et construction comme déconstruction permanentes les fascinent l’auteur débrouille pour le premier un « ahurissant faisceau d’arrangements et de manipulations, en rapport avec l’argent. » PK, lui-même auteur s’interroge : « Quand on lit un roman d’Yves Ravey on voudrait entrer par effraction, pour un instant, dans la tête de l’auteur » pourquoi ? A cause de son étrangeté « cette action, si minutieusement décrite fut-elle, sans échappée ni digression, donne au lecteur un sentiment de forte (mais indéterminée) inquiétude. »

Etienne de Montety critique littéraire du Figaro choisi de chroniquer le premier roman, celui d’Arnaud de la Grange…directeur du service étranger du Figaro et a l’honnêteté de de le préciser à propos de ce roman de grand voyageur.

Mathieu Lindon a choisi l’étranger avec le dernier Don de Lillo « A quoi est-on prêt pour mourir moins longtemps ? » c’est la curieuse question qui ouvre son article, « Cette question en appelle d’autres confirme-t-il : qu’est-ce que mourir ? qu’est-ce que longtemps ? » le critique joue avec les épisodes de l’intrigue car, comme souvent chez l’écrivain américain, ce sont les mots et leur confrontation à la parole qui produisent le texte. Claro pour le MDL s’attarde sur le livre de Marie-Hélène Lafon  Nos vies (Buchet-Chastel) dans lequel deux personnages extraits de la terne vie du Franprix se rencontrent et poursuivent d’une certaine manière l’œuvre d’Annie Ernaux. « voilà le fil de vies de province soudain dévidé par la bobine urbaine », pour Corinne Renou-Nativel (L&I, 24/09) c’est Jeanne, l’héroïne, la narratrice qui invente les vies des autres, les tricote en occupant sa retraite : « les drames de l’existence surgissent au détour d’une phrase avec l’air de ne pas y toucher – si délicatement que parfois le cœur se serre alors que le cerveau attend confirmation. »

Index des livres cités dans la presse de cette semaine :

T12092017