A quelques jours des élections, alors que fleurissent bon nombre de discours plus ou moins rationnels consacrés aux choix de vie et de société, et tandis que certains des candidats se disent du parti de Dieu, l’actualité littéraire se tourne vers les religions et leurs exégètes… j’écoute le billet audio.

 

 

Les unes : est-ce le désarroi de la campagne électorale ? La plupart des suppléments littéraires de nos quotidiens se tournent vers Dieu ou ses représentants, jusqu’à l’humiliation.

Après Mathieu Potte-Bonneville qui nous signalait la semaine dernière l’existence d’un livre consacré au langage des poètes et des voleurs, voici cette semaine Claude Hagège et Les religions, la parole et la violence édité par Odile Jacob. L’étude des phénomènes religieux passe par celle de la langue de leurs commandements, une tâche idéale pour le linguiste émérite.

 Et la question centrale nous dit Robert Maggiori est celle de l’oralité. On parle toujours des textes sacrés, mais ils n’arrivent que tardivement « le linguiste restitue le cadre historique » et notamment le Ve siècle qui voit converger la rédaction de la bible, Confucius et Boudha (sans compter Platon). « Il est sidérant, nous dit le philosophe, de voir combien d’appels à la haine et à l’anathème ils contiennent

Dans le droit fil, serait-on tenté de dire, Michel Zink propose un ouvrage consacré à L’humiliation : le Moyen-Âge et nous (Albin Michel). Il montre l’importance de celle-ci (l’humiliation) notamment pour le M-A qui la redoute mais respecte celui qui se fait humilier.

Elodie Maurot nous explique : « cette ambivalence vient d’une contradiction qui travaille la civilisation médiévale. La société féodale et chevaleresque est une civilisation de l’honneur. Elle redoute et abomine l’humiliation plus que tout. Mais sa religion, le christianisme est une religion de l’humilité dont la scène fondatrice (…) est une scène d’humiliation. »

Toujours (et décidément très) pieuse semaine ; en une et dossier du Figaro littéraire, l’œuvre de Lucien Jerphagnon pour le deuxième volume de ses œuvres éditées en « Bouquin ». Son œuvre fait part ici du doute comme pivot de sa pensée, consacrée notamment à Pascal, le Mal, la personne humaine. A noter que Michel Onfray lui rend hommage pour avoir été son bon professeur. Placé sous le signe de Jean Orcibal spécialiste du jansénisme et de Vladimir Jankélévitch, son œuvre est plus déroutante qu’il n’y paraît.

Enfin, avec « Il était une foi Luther », le Monde des livres apporte sa pierre à l’édifice religieux de la semaine et c’est la « Pléiade » qui est convoquée ici comme réceptacle des œuvres du théologien frondeur. Matthieu Arnold, son codirecteur en profite pour éditer une biographie éponyme (Luther, Fayard) qui offre un aperçu de la personnalité du théologien certes radical dans le comportement et le discours mais également « père et mari aimant, consolateur des endeuillés, des malades et des égarés » nous dit Nicolas Weil pour le MDL, et encore « taraudé par la question du salut, Luther à la charnière du Moyen-Âge et de la Renaissance, considère que c’est la foi seule qui sauve. Sans le savoir, sans le vouloir, il vient de lancer le mouvement qui aboutira de crispations en crispations de chaque côté à la naissance du protestantisme. »

Et l’homme dans tout cela ? Il ne se porte pas beaucoup mieux pour le Rendez-vous des livres qui présente en une le livre de Patrick Varetz, Sous vide (P.O.L). Un personnage central qui ne sait ni vraiment agir, ni s’exprimer ; son mot d’ordre « La vie n’est jamais que le brouillon du roman ».

 

Par ailleurs dans la presse

Assez de bleu dans le ciel, le roman de Maggie O’farrel est certes une saga familiale qui s’étend de 1944 à 2016 mais aussi, nous dit Christine Renou-Nativel « L’intrigue aussi équilibrée que pleine de ramifications, progresse avec des chapitres tantôt à la première personne tantôt sous la forme d’un catalogue d’enchères, du journal d’un enfant découvrant les notes en bas de page ou de l’interview d’un cinéaste suédois » Le titre anglais There must be a place nous dit Françoise Dargent qui est allée rencontrer l’écrivaine « qui s’attaque aux émotions sans jamais les galvauder » traduit bien son propos, un lieu perdu en Irlande qui abrite la rencontre entre une actrice américaine qui s’est brutalement retirée du monde et un New Yorkais qui fuit sa famille. Son portrait figure en dernière page du Figaro.