Chronique 10 – 16 au 22 mars 2024

Les Unes

C’est donc le grand retour de « Gabo » avec un roman d’amour qui lui a pris tellement de temps à écrire et à ne pas achever qu’il sort de façon posthume : « un dernier clin d’œil de cet auteur facétieux » souligne Marie-José Sirrach en une du Rendez-vous des livres, le cahier de l’Huma.

Étrange récit en effet, qui présente un personnage féminin en pèlerinage chaque année sur la tombe insulaire de sa mère, et qui décide, à cette occasion de passer une nuit à chaque fois avec un nouvel amant. Elle décidera aussi, plus tard, et sous la pression de l’immobilier de « déménager » les os de sa mère.

Libé proposait de découvrir, samedi 16 mars une autrice originale à plusieurs titres : Solvej Balle écrit en plusieurs tomes (7 dont 2 publiés) un roman qui ressemble beaucoup au scénario d’Un jour sans fin.

Son héroïne ne cherche pas à séduire pour mettre fin au sortilège – ça c’est la version d’Hollywood – non, elle voyage durant chaque journée du 18 novembre qui recommence, après avoir vainement tenté d’expliquer à son entourage ce qui se passait. Partant du nord de la France (Solvje Balle y a été jeune fille au pair et auditrice assidue des séminaires de Julia Kristeva) elle explore les villes européennes à sa portée, et évite soigneusement son mari à la maison. « L’une des qualités du Volume du temps, réside dans la liberté d’interprétation laissée au lecteur, mêlée à une très fine description des affects » nous dit Virginie Bloch-Lainé.

Le dossier du Monde des Livres tourne, cette semaine, autour de la justice internationale avec, en une, le livre consacré par Reed Brody au procès d’Hissène Habré à Dakar. « Récit haletant d’un enjeu quasi familial mais aussi d’un voyage intérieur de Brody, qui, dans l’affaire tchadienne cède peu à peu la vedette à ses partenaires africains » Le plus important c’est que le tortionnaire sera jugé et confronté à ses victimes pour Lila Azam Zanganeh.

Le dossier se complète avec le livre de Laurence Badel à propos de l’histoire des relations internationales du XVIIe au XXIe siècle pour la partie institutions et celui de Sophie Baby, Juger Franco ? pour la partie impunité.

Côté philo, on pourra lire l’intéressante chronique que consacre Roger-Pol Droit à Zhuangzi lequel serait davantage un texte qu’un être réel ; lequel appelle néanmoins un peu à la manière d’un Nietzsche, « à brûler lois et contrats » et fait accéder la « sagesse » orientale au statut de véritable philosophie se réjouit le critique du Monde des livres.

Mais on pourra aller aussi du côté de Pierre Zaoui qui philosophe sur les bulles de savon, comme en son temps Sloterdjik, et qui oppose la légèreté de la bulle et la brièveté de la vie à la lourdeur de notre époque, empêtrée dans la quête d’abondance : « j’essaie de donner une version beaucoup plus laïque et plus simple, de combien c’est allégeant et vivifiant de savoir qu’on est peu de choses »

Juif né en Pologne, intellectuel communiste sous Staline, Zygmunt Bauman traverse les événements les plus meurtriers de l’histoire d’un XXe siècle « où la survie ne tient qu’à des coups de chance successifs ». Sociologue, il est l’inventeur de la « pensée liquide », mais c’est une autobiographie que Premier Parallèle édite aujourd’hui, dans laquelle, nous dit Elodie Maurot, le penseur s’interroge notamment sur son « retard de lucidité » dans la période stalinienne de son engagement. Il plaide pour un universalisme sans perdre de vue les identités « C’est quand je hais l’obscurantisme polonais que je me sens le plus polonais ».

Albert Londres est en une du Figaro littéraire. Nouveau texte ? Quelques rééditions seulement, notamment Au bagne et Dans la Russie des soviets, chez Arléa et un recueil de photographies, catalogue d’une exposition dirigée par Hervé Brusini, lui-même grand reporter. Sur la plupart des clichés on reconnaît le journaliste qui témoigne par-là de sa présence réelle sur le terrain. « Personnage d’un siècle tourmenté, haut en couleur, échappé d’un roman de Joseph Conrad ou d’une légende rimbaldienne » nous dit Thierry Clermont. De l’Argentine terrain prospère des maquereaux marseillais aux prémices du sionisme ou bien encore au dépaysement total de la Chine, il semble bien qu’il faille le redécouvrir en effet.

Dans le pêle-mêle et rencontres

Rencontres très variées cette semaine, du poète Adonis dans le MDL à l’écrivaine autrichienne Eva Menasse, en dernière page du même journal ; elle écrit sur les silences du nazisme dans son pays et elle condamne tout autant les opérations menées à Gaza par l’armée israélienne.

Solvej Balle est dans LibéS mais aussi dans les pages intérieures de La Croix l’article raconte l’intrigue assez sobrement et insiste sur la renommée internationale de Solvej Balle.

Côté pêle-mêle on notera le livre de Jean-Marc Rochette, auteur de BD qui avec Au cœur de l’hiver, se lance dans un hivernage en pleine montagne avec sa femme, au milieu de nulle part, sans autres voisins que les animaux de passage, des chamois aux loups. Ici pas de havane vodka comme chez Tesson, mais un authentique séjour : « Ce que je raconte alors, dit-il au MDL, c’est une sorte de conte réel, avec la présence des animaux, de la mort et de l’amour »

Gary Shteyngart a le droit cette semaine aux honneurs du Figlitt pour son roman de pandémie sur le mode petits meurtres entre amis, meurtres symboliques et sociaux pour l’essentiel.

114 livres chroniqués par l’infatigable critique, voir notre tableau pour trouver son bonheur. Le nôtre sera de vous retrouver la semaine prochaine.

Index des articles parus dans la presse de cette semaine (cliquer pour télécharger)