Comme chaque année les suppléments livres de vos quotidiens se tournant vers la BD à l’occasion de son festival à Angoulême : Libération, l’Humanité et le Monde des livres lui accordent tout ou partie de leur livraison critique hebdomadaire. J’écoute la suite sur le teaser audio.

Index des critiques parues dans la presse de cette semaine !

Les Unes ; Des Unes très BD cette semaine, avec un éditeur en exergue du cahier livre de l’Huma , Frémok, fusion de Fréon et Amok en 2002 un collectif de « militants et engagés pour la bibliodiversité , pionniers de l’exploration graphique et narrative de la BD contemporaine » nous dit Lucie Servin et éditeur notamment du « sublime Paysage après la bataille » d’Eric Lambé et Philippe Pierpont.

Le premier fait également la une de LibéL avec un entretien, toujours pour cet ouvrage au graphisme magnifique qui allie le panorama de la bataille de Waterloo (celui dont on peut voir les images dans une rotonde édifiée à proximité du champ de batille) et l’histoire d’un deuil réel. Traits épurés, mélange de noir et blanc et planches couleur, l’album s’apparente à une œuvre aboutie après un travail de conception très élaboré.

Le Monde qui consacre une part non négligeable de son cahier à la BD n’en ouvre pas moins sur Grozdanovitch et son Génie de la bêtise dans lequel il recense ce qu’on pourrait nommer les artistes de la bêtise, sans en tirer un discours anti intellectuel mais plutôt pour en saluer la liberté absolue, à ce que laisse entendre Macha Séry.(Grasset) Livres et idées s’attache aux découvertes avec Saufs riverains d’Emmanuelle Paguro (P.O.L), une écrivaine des racines, tant celles des arbres que de la famille s’il faut en croire Antoine Perraud. Née avec la création du lac du Salagou qui engloutit les vignes de son grand-père, l’auteure nous dit-il, initiée en quelque sorte à la retenue, « maîtrise les émotions et le tempo de chacune de ses phrases. »

Enfin Le Figlitt pose la question qui agite en ce moment le monde éditorial franco-allemand « Faut-il rééditer Mein Kampf ?». Pour la France c’est Fayard qui s’est lancé dans  cette entreprise. Il ne s’agit pas de faire un coup de pub mais de mettre au point une édition scientifique pour un livre que, comme le dit Claude Quétel dans Tout sur Mein Kampf (Perrin), on brandit plus qu’on ne le lit. Reste qu’avec 85000 exemplaire vendus en Allemagne d’un livre qui coûte cher (59 euros), des questions se posent de l’intérêt des lecteurs pour cette somme.

 

Côté chroniqueurs :

Cette semaine chacun des chroniqueurs va vers ses auteurs préférés et nous livre ainsi quelques lectures de découverte ; ça commence samedi avec le billet de Mathieu Lindon consacré à Heimska. La stupidité », Eirikur Orn Norddahl
sexe (beaucoup), politique, terrorisme, et sous diverses perspectives. Ecriture à toute allure qui prend les personnages dans les filets d’histoires qui les dépassent dans un monde complexe : « C’est la vie qui ressemble à un rond-point qui ne serait pas un rond-point, comme il est expliqué à un autre moment. Elle serait plus simple si l’humour n’existait pas. »

La chronique d’Étienne de Montety va vers un auteur que tout le monde connaît au moins de nom, Erich Maria remarque avec son livre A l’ouest rien de nouveau. Il s’agit ici de Cette terre promise dont il dit tout le bien qu’il pense dans une dernière phrase bien enlevée « quand on sort d’un cauchemar il n’est pas illégitime d’aspirer à fabriquer soi-même ses rêves ». Le cauchemar c’est la seconde guerre mondiale et les rêves c’est le fait d’émigrer aux États-Unis : Erich Maria remarque raconte comment la petite colonie de réfugiés à New York commence à se développer lentement et à prendre ses marques dans le Nouveau Monde.(Stock).

Bruno Frappat choisi pour sa part de défendre un livre de Laurent Seksik Romain Gary s’en va-t-en-guerre publié chez Flammarion ; il nous dit d’ailleurs qu’il aime le reste de l’œuvre de Seksik qui nous a déjà donné plusieurs très beaux livres inspirés et « qui nous ont permis de vagabonder agréablement autour de célébrités auxquelles on aurait pas osé toucher s’il ne l’avait pas fait pour nous s’il avait fait pour nous ». Ce livre qui se prétend roman constitue plutôt « une suite de contes noirs roses ou gris qu’un aïeul nostalgique pourrait vous raconter à la veillée devant une cheminée. » Il s’agit de quelques heures de la vie de Romain Gary en 1925, époque difficile dans le ghetto dans lequel il vit, la Jérusalem de Lituanie, Vilnius, mais ghetto dans lequel on trouve aussi de la beauté et de l’amour, notamment au travers du personnage de sa mère, élégante et seule.

« Elle renonce même à toute espèce de défense de cette œuvre pour nous donner plutôt une illustration inspirée de l’art et de la méthode de son auteur. » dit d’Anne Serre Eric Chevillard qui souligne sa capacité à vivre, comme son modèle Vila-Matas au pays de la littérature. L’auteure  multiplie les chemins de traverse et les figures inventées pour évoquer avant tout la littérature. Voyage avec Vila-Matas Mercure de France.

Jean-Claude Lebrun soutient Le pas suspendu de la révolte de Mathieu Bélézi dans la mesure où il s’agit de montrer la course mortifère de notre époque, façon pour lui de cerner au plus près les réalités contemporaines dit-il « le texte engendré par cette démarche à l’ambition totalisante se présente comme l’un des événements majeurs de la rentrée d’hiver. »

Louise de Crisnay renchérit dans LibéL « Un livre épais et violent qui, sur fond d’étouffement, de frustration, de misère sociale, économique ou sexuelle, dresse une typologie des transgressions contemporaines dans ce qu’elles ont de plus destructeur de plus névrosé et de plus tiède aussi.». Dont acte !