Le billet de la semaine : « Après nous être dits, la semaine dernière que les écrivains américains n’allaient pas nous remonter le moral (c’était avant le résultat des élections dans ce pays), nous nous intéresserons cette semaine au débat intellectuel en France… j’écoute la suite sur le teaser audio.

 

Les unes

Ce sont essentiellement des rencontres et portraits d’écrivains qui constituent les unes de la semaine.

Samedi Le départ est toujours un horizon avec Guadalupe Nettel écrivaine mexicaine, qui s’entretient avec Nathalie Levisalles pour Après l’hiver (Buchet-Chastel). Il y a beaucoup de l’auteure dans son livre sur le plan de l’engagement bien sûr et de sa trajectoire franco-mexicaine (qu’elle doit à sa mère notamment). Son livre épingle sévèrement le machisme et, en toile de fond, la vie parisienne ; un « portrait pas vraiment flatteur mais très juste et très perspicace de Paris et de ses habitants au début du XXIeme siècle. » Pas facile d’y vivre mais ce sera néanmoins son refuge si la violence mexicaine débordait.

La Croix propose de lire le dernier David Vann Aquarium (Gallmeister). Le titre de l’article L’écriture pour exutoire rend assez bien compte de la trajectoire de l’auteur qui, perturbé par le suicide de son père – il avait alors treize ans – est « très bon élève le jour » tandis qu’ « il se promène la nuit dans son quartier avec un fusil, observant ses voisins dans la lunette de son viseur. » Cette fois c’est un roman qui raconte la relation entre une jeune fille de douze ans et un vieil homme « l’émotion est omniprésente, étouffante, crue, brutale. On est parfois tenté de refermer le livre pour reprendre son souffle.» Un dénouement inattendu cependant.

 

La une du Figaro littéraire annonce Intellectuels Le débat interdit, voilà qui est clair. C’est la « tête pensante » de l’équipe Jacques de Saint-Victor qui réalise l’essentiel du dossier sur un ton implacable. Il y a de la jouissance chez le critique à souligner en effet le triomphe du discours intimidant avec son phénomène de meutes vigilantes et leur cortège de regards outrés qui permettent d’éviter la discussion. Et même si une réaction se fait jour aujourd’hui elle est « largement aussi schématique que celle qu’elle combat. »

Pour lui le mal vient (comme le disait Deleuze) des penseurs sans oeuvre qui « laissent un champ de ruines propice aujourd’hui à tous les excès ».  Le tout à propos d’un livre d’André Perrin qui recense les principales affaires et cabales de ces dernières années.(Scènes de la vie intellectuelle en France, L’Artilleur). Du coup, sa critique assez négative des deux volumes de La Vie intellectuelle en France,  qui peine à trouver un ton (pour cause de sérieux) et qui est aussi « stimulant qu’une discussion de laboratoire en fin de journée » sonnerait davantage comme un argument de vente. « Bref c’est un bon outil pour les étudiants ». Eh bien on  s’en contentera avec plaisir, la flamboyance de l’intellectuel n’est bien souvent qu’un reflet verbeux de son engagement.

Bon, un autre intellectuel d’en une du LibéL de ce jeudi, Sloterdijk dit également qu’il ne faut pas renoncer à la modernité sous peine de ne plus savoir où nous allons.

 

Ils poursuivent leur chemin…

Session de rattrapage pour quelques critiques mais aussi pour quelques auteurs qui n’avaient pas encore trouvé leur place depuis le début de cette année littéraire.

Imbolo Mbue achève son tour des suppléments littéraires par celui de LibéL, Voici venir les rêveur repose essentiellment sur les vies parallèles d’un cadre de Lehmann’s brocher et de son chauffeur « Les Africains touchent au but souligne la critique, ils ne sont pas loin d’obtenir tout ce dont ils ont besoin. (Avis de l’auteur).

Quant au Majorquais, José Carlos Llop il excelle toujours dans la veine de la nostalgie de l’enfance qui un jour, nous dit Laurence péan de La Croix « cède le pas, le paradis s’estompe et se perd dans les méandres de la vie. » Dans Solstice (Jacqueline Chambon) il raconte les étés de son enfance où « il conjugue le verbe aimer dans le présent de ces étés célestes, dans cette Arcadie de l’enfance où la beauté avait échoué. » Cela durera ce que le temps de l’affectation de son père, lieutenant-colonel à Majorque. Sophie Joubert dresse le portrait de  La cheffe (Gallimard) dans lequel Marie Ndiaye, sous couvert du narrateur, mêle littérature et cuisine pour le bonheur visible des critiques.

 

Côté critiques

Plus ou moins satisfaits, heureux, pas contents du tout.

Mathieu Lindon dans sa chronique du samedi (LibéL) évoquait le recueil de Coetzee  Trois histoires (Seuil) pour en souligner essentiellement le talent narratif « c’est une histoire de rien et pourtant elle n’est pas résuma le, on ne peut pas la raconter plus vite sans la perdre. » C’est le talent de l’écrivain qu’il salue même s’il nous fait sentir qu’on en est aux fonds de tiroirs. Jean-Claude Lebrun pour le RVDL soutient Xavier Hanotte (Belfond) en se livrant au dangereux exercice qui consiste à raconter (mais juste ce qu’il faut) le livre. Cela va se révéler difficile, comment rendre compte d’« une prouesse d’écriture » eh bien en montrant comment ce roman ne semble comporter aucun fil sinon « le troublant pouvoir de la fiction sur le cours des choses » avec un titre difficile à assumer (Du vent). À lire sans tenir compte de l’impuissance du critique semble-t-il nous dire.

Au chapitre des émerveillements on retiendra François Cheng et son De l’âme (Albin Michel). Difficile de faire plus ambitieux et pourtant le projet tient pour Etienne de Montety : « S’il traite de l’âme ce n’est pas poussé par le goût du simple défi intellectuel, ce qui serait vain » et de rappeler « Cheng n’est pas un spéculatif, ni un théoricien. Sa place serait plutôt du côté des éveilleurs : que savons-nous de cette part de nous que nous avons négligée, oubliée ? » À noter que Roger-Pol Droit dans sa chronique philo du MDL lui rend aussi hommage, la réflexion de F Cheng n’est pas désincarnée, au contraire, elle prend appui sur le lien à la femme : « le sien s’adresse à une femme qui le frappa de stupeur : comment pareille beauté est-elle possible ? ».

Point d’âme en revanche ou peu chez Jean d’Ormesson et son Guide des égarés dont Eric Chevillard souligne la vacuité : « Ce court traité est à ce point farci d’évidences et de truismes que nous vient un soupçon : ne s’agirait-il pas plutôt d’un rapport sur l’homme et ses conditions d’existence destiné à d’éventuels visiteurs extraterrestres ? » L’ironie est même assez cruelle « toutes ces choses passionnantes sur lesquelles il nous apporte un éclairage peu puissant, certes, mais qui nous permettra tout de même d’économiser une allumette. »(Gallimard-Héloïse d’Ormesson)